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Nº 3044 du vendredi 11 mars 2016

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Rencontre

La monnaie du Liban. Abdo Ayoub parcourt l’histoire du billet libanais

Manifestant son goût de l’histoire, mais aussi de l’histoire de l’art, Abdo Ayoub, président de l’Association libanaise de philatélie, collectionneur et numismate, publie des pochettes sur les sept valeurs de billets de banque avant la dépréciation de la monnaie nationale dans les années 80. Ces pochettes sont disponibles, depuis le 26 janvier, auprès de LibanPost. Rencontre.

Parlez-nous davantage de votre initiative.
Mon premier objectif a été «la reconstitution des archives du billet libanais inexistant». En 2004, avec la sortie de mon ouvrage intitulé La Monnaie du Liban, une grande partie de mon objectif a été atteinte, puisque j’ai déchiffré plusieurs pistes dans l’histoire du billet libanais. A la suite de cette belle expérience, mon deuxième objectif a été d’intéresser le plus grand nombre de jeunes à cette passion, d’où ma nouvelle idée de créer des livrets qui, non seulement permettront aux collectionneurs d’y insérer leurs propres billets, mais également de rassembler des informations et des détails techniques sur la monnaie de l’époque. En joignant l’utile à l’agréable, et en étant eux-mêmes impliqués à remplir leurs livrets, je trouve que ceci encouragera nos jeunes à vouloir connaître davantage leur monnaie et, au-delà, l’histoire de leur pays, car la monnaie conduit à mieux connaître son identité. J’en suis convaincu. Cette initiative semble être une première mondiale. Personne n’a encore pensé à explorer cette voie. Seuls des livrets pouvant contenir des pièces de monnaie ont vu le jour… rien de plus, ni en Europe, ni aux Etats-Unis, ni même en Asie…

D’où vient votre intérêt pour la numismatique?
Depuis mon plus jeune âge, je me sentais l’âme d’un collectionneur. J’ai toujours eu ce besoin vital de commencer une collection. En effet, je n’avais que 9 ans lorsque je me suis mis à collectionner tous les numéros du journal Tintin, revue hebdomadaire qui a meublé ma jeunesse. Je notais précieusement sur un calepin les titres des histoires qui y figuraient afin d’y revenir plus tard en cas de besoin. A 15 ans, je commençais à m’intéresser à la philatélie. C’était pendant mon temps libre, qui se faisait de plus en plus récurrent durant la Guerre civile, que j’ai rendu ma collection plus solide et complète. En 1984, la numismatique m’intéressa et ce fut là ma plus grande passion. Pourquoi? Eh bien, parce que ce domaine ne m’a pas uniquement permis de reconstituer les archives du billet libanais, il a également réveillé en moi l’âme du chercheur, celui qui est prêt à aller très loin dans l’histoire de son pays.

Collectionnez-vous uniquement des monnaies libanaises?
Ma nature qui me pousse à aller en profondeur dans chaque chose que j’entreprends m’empêche de collectionner des billets étrangers. Seul le billet syrien de 1919 à 1939 fait partie de ma collection, vu que les billets de ces deux pays ont été rattachés sous le mandat français. Ne sommes-nous pas passés par la Banque de Syrie, par la Banque de Syrie et du Grand-Liban, par la Banque de Syrie et du Liban, avant d’arriver à la Banque du Liban? Il est impensable pour moi de collectionner d’autres billets, car j’arrive à peine à m’en sortir avec le billet libanais.

Avez-vous une pièce préférée?
La réponse évidente serait le billet de 250 L (1939) émis par la Banque de France. Tellement populaire et tellement demandé que, pour moi, il a perdu son charme. Je pencherais plutôt pour le billet de la même série de 50 L (1939) qui, aujourd’hui, n’existe qu’à un seul exemplaire.

Quelles sont les périodes d’Histoire que vous couvrez surtout?
Les périodes d’Histoire que je couvre sont strictement liées au billet libanais. En d’autres termes, ces périodes s’étendent depuis l’éclatement de l’Empire ottoman, en 1919, jusqu’à nos jours, puisqu’avant ceci, les billets libanais n’existaient pas; seule la monnaie turque était en vigueur. Ce n’est que lorsque les Français mandataires sont venus s’installer au Liban que le billet libanais a vu le jour sous l’égide de la Banque de France.

Comment fixe-t-on la valeur marchande d’une monnaie?
Comme n’importe quel bien marchand, tout repose sur l’offre et la demande. Ceci est tout aussi valable pour la monnaie. Au Liban, le marché est très restreint et assez influençable. Etant un petit pays, tout est amplifié: en temps de prospérité, les prix des terrains, des appartements, des actions en Bourse et des collections de billets s’affolent et vice versa. En temps de crise économique, le prix des billets chute vertigineusement.

La numismatique constitue-t-elle, pour vous, un placement?
Il y a bien sûr, toujours, un aspect investissement déclaré ou caché chez n’importe quel collectionneur. Le côté investissement, chez moi, ne vient pas en priorité, car il y a différents degrés d’investissements: celui qui va de l’investisseur qui veut récolter les fruits de son bien avant de l’avoir acquis – c’est le commerce par excellence – jusqu’au collectionneur qui aimerait un jour offrir sa collection à un musée. Personnellement, je me situe beaucoup plus du côté collectionneur mécène. Mais pour cela, il faut avoir les moyens. L’aspect investissement chez moi est une vision à très long terme. Ce n’est qu’après avoir senti que j’ai atteint une limite, que je penserais mettre mes billets sur le marché.

Comment expliqueriez-vous l’évolution de la monnaie libanaise?
Nous ne pourrions pas contourner toutes les facettes de la question. En effet, l’évolution de la monnaie libanaise est un sujet assez vague. A priori, j’estime qu’il y a trois volets à explorer pour répondre à la question. En matière de design, on remarque que la conception des billets nécessitait beaucoup plus de temps dans les années 20 à 50. On avait recours à des peintres et des artistes de renom tels que Clément Serveau, Demareg ou Boulas qui n’avaient pas accès aux ordinateurs, se dotant simplement de leurs touches d’artiste pour créer de magnifiques billets colorés. La conception artistique d’un billet pouvait prendre un an parfois, si ce n’est plus. Aujourd’hui, nous n’avons plus ce luxe. Michel Prieur le déclarait lui-même si bien. Je le cite d’ailleurs dans mon livre: «A voir défiler devant ses yeux ce trésor pécuniaire enluminé affichant tantôt une mine bleuâtre, tantôt violacée au gré des émissions et des années, on ne peut s’empêcher de s’émerveiller de l’esthétique d’antan. Finesse du travail et truculence qu’on a perdues pratiquement de nos jours. Car il s’agit en premier d’œuvre d’art. Les billets de la Banque de Syrie et du Liban furent gravés par de grands artistes de l’époque. Comme Clément Serveau, un peintre classique dont la cote est connue mondialement».
En matière de taille, je crois que les chiffres et les dimensions sauront mieux s’exprimer que moi. Si vous vous attardez sur cette petite grille, vous verrez que la superficie du billet de 100 000 livres libanaises actuel fait 40% de celui de 100 livres de l’année 1925.
Enfin, en matière de prix et de valeur, la situation économique du pays joue un rôle déterminant dans la variation des prix. Rien qu’à voir l’inflation qui a suivi la Guerre civile libanaise, on peut se rendre compte combien ceci a affecté la monnaie libanaise.

Propos recueillis par Natasha Metni

La vie continue de Melhem Karam
Une nouvelle édition traduite
Après avoir publié quatre éditions de son roman, La vie continue, le jeune avocat Melhem Maroun Karam le réédite, en arabe cette fois. L’auteur a tenu à traduire personnellement son ouvrage pour rester fidèle aux détails de cette histoire attachante dans laquelle il «défend la droiture et les valeurs morales à travers l’écriture». Ce n’est certes pas sa première tentative de s’exprimer dans sa langue mère. Karam a déjà, à son actif, plusieurs autres ouvrages en arabe, notamment Les lacunes du droit. Ce dernier a, en effet, été primé par Saïd Akl.
La vie continue parle de l’amour, sous toutes ses formes (juvénile, familial, social…), de ses lois, ses entraves et ses chances, dans un monde qui perd ses boussoles.
Dans cette époque de communication rapide, l’auteur propose une «lecture facile, tonifiante et qui profite à tous, jeunes et moins», comme il se plaît à le signaler. Karam estime que ces derniers «liront son roman d’une traite et en garderont un souvenir durable et un sentiment de fraîcheur et de joie».

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