Magazine Le Mensuel

Nº 2849 du vendredi 15 juin 2012

general

Cloclo. Naissance d’une icône

Cloclo: un biopic sur Claude François, réalisé par Florent Emilio Siri et mettant à l’affiche Jérémie Renier. Cloclo, un film révélation.

Claude François, alias Cloclo. Fans ou pas, qui ne connaît pas ses tubes mythiques, Magnolia Forever, Alexandrie Alexandra, Le téléphone pleure, Comme d’habitude… Fans ou pas, qui ne connaît pas ses fameuses danseuses, les Claudettes, l’histoire de sa fin tragique, de sa mort accidentelle, électrocuté dans sa salle de bain. Autant d’éléments qui ne font pas simplement partie de la mémoire de l’Hexagone, mais de la mémoire collective, de l’imaginaire collectif. Il était temps que l’un des chanteurs français les plus populaires dans le monde entier ait son biopic. Certes il ne faut pas oublier le très amusant Podium de Yann Moix avec Benoît Poelvoorde dans le rôle de Bernard Frédéric dont le métier est d’être Claude François à la place de Claude François, un sosie de la star. Il faudra toutefois attendre que Cyril Colbeau-Justin et Jean-Baptise Dupont (LGM Productions) se décident à produire un film sur Claude François, dont ils confient l’écriture du scénario à Julien Rappeneau (Bon Voyage, Pars vite et revient tard, 36 Quai des Orfèvres, Largo Winch 1 et 2) et la réalisation à Florent Emilio Siri (Nids de guêpe, Hostage avec Bruce Willis, L’Ennemi intime). Après la Môme et Serge Gainsbourg, et en attendant Yves Montand, voici donc Cloclo. Place à la scène, aux strass, au disco, aux couleurs clinquantes…  
C’est sur la scène que s’ouvre le film montrant un Cloclo en sueur, chantant face à un public éperdu… Un prologue judicieux, justifié qui donne le ton démesuré, extravagant du film et du personnage. Et le spectateur se retrouve transposé en Egypte, à Ismaïlia où nait et grandit Claude François, avant que la famille ne soit obligée de partir, entièrement démunie, après la nationalisation du Canal de Suez. Claude François gardera de son enfance et de son adolescence le goût de la perfection et la hantise du succès, pour compenser le conflit qui l’a opposé à son père, ce dernier ne lui adressant plus la parole durant les dernières années de sa vie.

Un personnage complexe
D’emblée, le film nous fait entrer dans l’intimité, dans l’esprit même de Claude François. Battant, persévérant, acharné à réussir ; l’étoffe d’une star, de l’icône qu’il deviendra quelques années plus tard. Tout au long des 2h30 que dure le film, le spectateur se familiarise avec la vie de Cloclo, au rythme de ses tubes, qui résonnent comme une horloge marquant les coups de sa dernière heure. Entrée de plain-pied dans un univers pailleté où pourtant tout n’est pas aussi brillant qu’il paraît. De la galère des débuts aux doutes permanents qui l’assaillent, Claude François semble toujours habité par le désir de produire du rêve à ses fans, ses groupies. La présence des hordes d’adolescentes en délire quémandant un baiser, un regard, une nuit d’amour illustrent bien le mythe Cloclo. Et sa fascination absolue des femmes. Les femmes, il en sera entourée, à commencer par la chanteuse France Galle, interprétée par Joséphine Japy, avec qui il aura une longue histoire d’amour, avec Isabelle, sa deuxième femme, campée par Ana Girardot…
Le film introduit merveilleusement, l’une après l’autre, toutes les démarches artistiques entreprises par Claude François. Passionnantes, fascinantes, démesurées. A l’image de Cloclo et du soin qu’il met à peaufiner son image d’icône, de créateur de rêves, allant même jusqu’à cacher la naissance de son deuxième fils, pour garder intacte son image et ne pas être présenté en tant que père de famille.
Dans la peau de Claude François, l’acteur Jérémie Renier (Le Silence de Lorna, Le gamin au vélo, Potiche…) qui présente là une merveilleuse adaptation, autant au niveau de la ressemblance physique que du jeu. Un jeu tout en subtilité, en nuance, oscillant sans cesse entre colère et faiblesse. C’est que le casting est également un des points forts du film. Benoît Magimel, (Les enfants du siècle, La pianiste…) est méconnaissable dans le rôle de Paul Lederman, l’agent de Cloclo; Monica Scattini et Marc Barbé sont poignants dans leur interprétation des parents de Claude François.
Le film conduit le spectateur à un rythme haletant, servi par des séquences merveilleusement tournées, même s’il s’étale en longueur par moments. L’heure de la fin approche, le spectateur le sait. La mise en scène l’y prépare. Claude François doit enregistrer une émission en direct avec Michel Drucker. Il est en retard, son assistante le presse. Il réclame le temps de prendre un bain. Le spectateur reste en suspens, il connaît l’issue tragique. Mais il attend, impatient, tendu. Et d’un coup, il devient le témoin de cet instant de l’intime, de cet instant de l’Histoire.
L’atout majeur du film reste toutefois la manière dont il dépeint Cloclo. Contrairement à The iron lady par exemple où Margaret Thatcher n’apparaît que dans l’aspect positif de sa personnalité, la réalisatrice ayant décidé d’occulter de son biopic toute polémique politique, Cloclo lui ne fait pas dans le velours, dans l’éloge gratuit, autant au niveau du scénario que de la réalisation. Le film met en scène le mythe Cloclo, tout en le décortiquant, en le déconstruisant. Le chanteur apparaît dans tous les aspects de sa personnalité, dans tous ses beaux sentiments comme sous ses plus mauvais jours, colérique, jaloux, faible, agaçant, en proie du doute, fragile, obsédé par sa carrière, par le succès, par les femmes. Désagréable, voire antipathique. Cloclo dresse le portrait d’une star, de son époque, de ses états d’âme, de sa lutte et de tous les débordements qui s’en suivent, sans compassion, sans pathos, sans parti pris. Avec audace et même violence.
Cloclo n’est pas un simple biopic sur Claude François. C’est un film à part entière, profondément humain, qui plaira autant aux admirateurs de la star qu’à ses détracteurs et à tous les cinéphiles.

N.R.
 

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Animation d’Eric Dornell, Tom McGrath, Conrad Vernon
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