Magazine Le Mensuel

Nº 2849 du vendredi 15 juin 2012

general

Solar Impulse. Voler grâce au solaire

Mission accomplie pour l’avion solaire Solar Impulse qui a effectué, le 5 juin dernier, le premier vol intercontinental uniquement grâce à l’énergie solaire. Il a relié Madrid en Espagne à Rabat au Maroc.

A 5h22 précises, ce mardi 5 juin, tous les regards étaient rivés sur l’aéroport de Madrid, en Espagne, d’où a décollé le premier avion solaire, baptisé justement Solar Impulse. Aux commandes de cet avion pas comme les autres, le Suisse Bertrand Piccard, co-fondateur du projet, et déjà à l’origine d’autres exploits (voir encadré).
Le décollage s’est effectué en douceur, presque sans un bruit. Solar Impulse a ensuite mis le cap vers le Sud de l’Espagne, survolant le territoire à 3600 mètres d’altitude à une vitesse de 40 km/heure. Une fois le territoire espagnol parcouru, Bertrand Piccard a ensuite mené l’avion solaire à 8500 mètres d’altitude au-dessus du fameux détroit de Gibraltar, avant de pénétrer l’espace aérien marocain. Solar Impulse a ensuite survolé le port de Tanger, au nord du Maroc, avant de se diriger vers sa destination finale, la capitale du Maroc, Rabat. La traversée complète pour relier Madrid à Rabat aura au final duré plus de 18 heures 30.
Fier de son exploit, Piccard raconte son vol. «Pendant une heure, j’ai eu une pleine lune à ma droite et le lever de soleil à ma gauche, c’est absolument magique. J’avais toutes les couleurs de l’arc-en-ciel dans le ciel et aussi à terre», témoigne-t-il depuis son cockpit, à l’AFP.
Précédemment, l’avion solaire s’était posé à Madrid le 25 mai, en provenance de Payerne, en Suisse, pour une escale, mais n’avait pu redécoller après à cause du vent.
Solar Impulse est le premier avion conçu pour voler de jour et de nuit sans carburant ni émissions polluantes, fonctionnant donc uniquement avec l’énergie solaire. Fabriqué en fibre de carbone, il est mû par quatre moteurs électriques, d'une puissance de 10 chevaux chacun, alimentés par 12 000 cellules photoélectriques couvrant son immense aile. L'appareil a l'envergure d'un Airbus A340 (63,4 mètres) mais ne pèse que 1,6 tonne, soit le poids d'une voiture moyenne. Sept ans de travail ont été nécessaires à une équipe de 70 personnes et de 80 partenaires pour construire l’appareil.
«Le but est plus de prouver que l'on peut atteindre des objectifs incroyables, presque impossibles avec des technologies nouvelles, sans carburant, et faire prendre conscience que si nous pouvons le faire dans le ciel, bien sûr tout le monde peut le faire au sol», précise Bertrand Piccard. Pour cet aventurier, il s’agit «d’encourager les gens à trouver de nouvelles réponses, de nouvelles solutions, sortir des certitudes».
Si l’exploit intercontinental a bel et bien été réalisé, comme un clin d’œil aux pilotes de l’Aéropostale qui prirent à l’époque un itinéraire semblable, Bertrand Piccard précise tout de même que son objectif «n’est pas de révolutionner l’aviation». «Il s’agit plus d’un travail de sensibilisation des esprits et des gens sur tout ce que les nouvelles technologies peuvent permettre, pour diminuer la dépendance aux énergies fossiles», affirme ce fils et petit-fils d’aventuriers.
Solar Impulse n’en est pas à son premier exploit. Déjà, il était entré définitivement dans l’histoire de l’aéronautique en bouclant, en juillet 2010, un premier vol ininterrompu de 24 heures, uniquement propulsé par ses panneaux solaires et ses batteries.
Prochaine étape pour l’appareil et son pilote, un tour du monde, rien que ça. Prévu pour 2014 en principe, il devrait marquer, encore une fois l’histoire de l’aviation. Jenny Saleh

Bertrand Piccard, un aventurier
Ce Suisse né en 1958 à Lausanne, psychiatre de métier, a incontestablement l’aventure et l’exploration dans le sang. Dans les gènes même. Son grand-père, Auguste Piccard, avait été le premier à atteindre la stratosphère à bord d’un ballon. Son père, Jacques Piccard, océanographe, est aussi recordman mondial de plongée sous-marine.
Autant dire que la famille de Bertrand Piccard n’a pas à rougir des exploits réalisés par leur digne héritier.
Il s’est fait connaître pour avoir réalisé en 1999, le premier tour du monde en ballon. Pilotant l’engin qui fonctionne uniquement avec 32 bouteilles de gaz propane, il avait décollé le 1er mars 1999 de Château d’Oex en Suisse, pour atterrir le 21 mars suivant en Egypte, parcourant au total de 40805 km en près de vingt jours. Il s’agissait de sa troisième tentative.

 

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