Fouad Turk est décédé, victime d’une embolie cérébrale, laissant derrière lui de très nombreux amis et surtout le souvenir d’un homme d’une très grande foi, une foi que ses amis rapportent à la coïncidence de sa naissance à deux jours de la fête de Noël, un 22 décembre de 1931. Diplômé en Histoire de l’Université libanaise et de celle d’Ottawa, il mène une carrière universitaire avant d’accéder à la diplomatie en qualité d’attaché au ministère des Affaires étrangères en 1957. Dès lors, son itinéraire est tout tracé dans la diplomatie: Ottawa, Bogota, Bolivie, Equateur et Pérou avant de revenir à l’administration centrale de Beyrouth comme chef de la section internationale, en 1969. Membre de la mission présidentielle de bons offices, présidée par Georges Abou Adal, émissaire personnel du président Sleiman Frangié, il visite neuf pays d’Afrique de l’Ouest (1970 à 1971). Après un poste de consul général à New York et de conseiller à la mission permanente libanaise des Nations unies en octobre 1971, il poursuit une carrière sans faille en Argentine, au Chili, en Uruguay et au Paraguay en 1973, puis en Iran où, en poste pendant quatre ans, il assiste au renversement du Chah et à la naissance du régime des Mollahs, période dure s’il en fut mais tout aussi passionnante, avait-il l’habitude de dire. Ce fut ensuite en Afghanistan, où il occupe le poste d’ambassadeur non résident. Ambassadeur de France de 1988 à 1990, il vit des moments les plus pénibles de sa carrière. L’accord de Taëf, sur lequel ont débouché des négociations interlibanaises en Arabie saoudite a creusé de très profondes dissensions parmi les Libanais, même ceux qui se trouvaient en France. Une crise qu’il gère avec la sagesse qui a caractérisé toute sa vie et toute sa carrière.
Avant son départ de la capitale française pour Berne où il est muté au poste d’ambassadeur, il est l’objet de nombre de manifestations d’hommage de la part des responsables à Paris. Plusieurs fois membre de la délégation libanaise à l’Assemblée générale des Nations unies, il la préside en 1984, 1986 et 1987 comme il préside la délégation libanaise à diverses sessions de la Ligue arabe. Il fut également l’un des artisans de l’Union libanaise culturelle mondiale (UCLM).
Ayant fait valoir son droit à la retraite, il rentre au Liban et, tout en se refusant à participer à une politique politicienne, qu’il n’a cessé de dénoncer, il reste prêt à servir son pays jusqu’au bout, mais dans d’autres domaines que la politique. Secrétaire général du Conseil supérieur melkite, il défend non seulement les intérêts de la communauté, mais ceux du pays sans aucune concession ou pression d’intérêt électoral.
Homme de grande culture, il a à son actif de nombreuses études sur divers sujets tout autant politiques, qu’historiques et sociaux. Il fonde avec des collègues le Club des diplomates et édite une revue dans les colonnes de laquelle tous ses anciens collègues peuvent s’exprimer librement. Grand ami de Saïd Akl dont il admire la pensée et le talent de poète.
Détenteur de nombreuses décorations: Grand officier de l’ordre du Cèdre, grand cordon de l’ordre de Saint Martin (Argentine), grand cordon de l’ordre de San Carlos (Colombie), grand cordon de l’ordre le la Croix de Malte, Fouad Turk laisse, dans les mémoires, le souvenir d’un honnête homme dans le sens noble du terme, intègre objectif et dévoué à la cause du Liban. Malgré la discrétion dont il a toujours fait preuve, l’homme de culture, de foi et de très grande sagesse manquera au pays qui a tellement besoin d’hommes de cette qualité, comme il manquera aux très nombreux amis qu’il s’était fait ainsi qu’à ceux qui l’ont connu à travers sa carrière.
Pour lui, un seul slogan a conduit sa vie: «Mon seul patron est le Liban».
MB