Magazine Le Mensuel

Nº 2869 du vendredi 2 novembre 2012

Economie & Finances

Economie et finance

Organismes économiques
Les hommes d’affaires atteints par le virus de la politique

Hier encore, les organismes économiques, tous d’une même voix tonitruante, réclamaient «la dissociation de l’économique du politique dans l’intérêt de la patrie». Ils avaient considéré «la sécurité socio-économique des Libanais» comme une priorité vitale garantissant une stabilité du contrat social entre l’Etat, le patronat et les salariés. Cette unité des positions leur avait apporté force et crédibilité à l’intérieur comme à l’extérieur des frontières. Cette image d’une communauté soudée avait constitué un passeport, une sorte de permis d’accès à toutes les instances politiques et religieuses du pays, et ce depuis les premières années de la guerre du Liban. Les membres de la communauté économique se déplaçaient sans tracas dans toutes les régions du pays et leurs affaires n’étaient que plus florissantes.
Il y a peu de temps, il semble que le paysage ait changé. Les organismes économiques ont été contaminés par le virus de la politique. Certains d’entre eux se sont démarqués carrément de leurs confrères en soutenant publiquement des factions politiques, et en parlant au nom des instances économiques.
Cette fissure au sein des organismes économiques serait due, selon des observateurs, au fait que certains hommes d’affaires «doivent malheureusement leur position au sein de ces instances à des pôles politiques influents et non à leurs poids dans le monde des affaires». D’autres observateurs ramènent cette différenciation des positions à la volonté de certains de se lancer dans l’arène politique, mettant en pratique ce que dit le dicton: «On a l’argent, on cherche maintenant le pouvoir». Que s’est-il passé au sein des organismes économiques le 20 octobre, au lendemain de l’assassinat du général Wissam el-Hassan, et en l’absence de l’un des piliers des organismes économiques, Adnan Kassar, connu pendant plus d’un demi-siècle pour avoir représenté la voix de la modération et de la sagesse des milieux économiques? Les membres des organismes économiques ont été convoqués au dernier quart d’heure, samedi 20 octobre à 17h, à une réunion au domicile du président de la CCIAB, Mohammad Choucair. Les seize membres représentatifs des organismes économiques n’étaient pas tous au rendez-vous. Par contre, on notait la présence à cette réunion d’agents économiques ne faisant pas partie des 16 membres des organismes. Pour éviter un débat houleux dont les conséquences auraient été imprévisibles, de nombreux participants à la réunion ont quitté les lieux, n’étant pas d’accord avec le contenu du communiqué, vu sa saveur politique trop marquée. Le fameux communiqué a apporté explicitement un soutien à la demande de démission du gouvernement de Najib Mikati, formulée par le 14 mars.
L’initiateur de cette position est Mohammad Choucair, un des proches de l’ancien Premier ministre Saad Hariri, qui l’a appuyé pour accéder à son poste. Des rumeurs avaient circulé lors de son accession à la présidence de la CCIAB qu’il était camarade de classe du chef du Courant du futur, alors que d’autres informations voulaient qu’il soit un de ses associés dans une des plus grandes fabriques de chocolat du pays.
Cette affaire a fait des vagues dans les rangs des milieux économiques et des contacts tous azimuts ont été entrepris pour éviter une «politisation» à outrance, qui finirait par diviser les rangs de la communauté des affaires.
 

Electricité
Une hausse des tarifs est inévitable

Avec la poursuite du rationnement du courant électrique, le chemin de croix des Libanais semble long. Il est évident qu’aucune décision tant de la part de l’Exécutif que du Législatif ne sera prise, surtout si elle porte sur une augmentation des charges qui grèvent déjà lourdement le budget des ménages. La raison est toute simple: 2013 est l’année du renouvellement des membres de la Chambre. Or il est devenu évident que la solution au problème de l’énergie doit passer a priori par une hausse du volume de la production, parallèlement à un réajustement du tarif de vente du courant électrique. Le règlement de ces points de départ serait suivi normalement par une amélioration de la collecte des factures et des services aux abonnés. Dans les faits, le tarif d’achat du courant électrique par les abonnés aux réseaux de l’Etat est basé sur un prix du baril de pétrole à 25 dollars, alors que ce prix tourne autour de 90 dollars, selon le cours du jour. L’EDL est en train de débourser environ 2800 milliards de livres pour s’acquitter de la facture pétrolière afin de faire fonctionner ses installations électrogènes opérationnelles. Quel serait l’état de son bilan si l’établissement de service public devait accroître la production du volume de l’énergie. Le déficit cumulé et chronique de l’EDL est estimé, à présent, à environ 3000 milliards de livres, soit près de deux milliards de dollars. Ceci dit, les différentes études entreprises par le ministère de l’Energie et de l’Eau ont montré que le Liban possède des ressources d’eau suffisantes pour produire de l’énergie hydraulique.
Le recours à ce moyen permettrait d’assurer une économie en rythme annuel au Trésor de l’ordre de 570 millions de dollars. Le coût de revient du KW/h d’énergie hydraulique est de 6,7 cents, contre un prix de revient de l’énergie produite actuellement de 23 cents.

Hôtellerie et restauration
23250 emplois menacés

L’assassinat du général Wissam el-Hassan a représenté la goutte qui a fait déborder le vase pour le secteur touristique. Celui-ci connaît un flop sans précédent. Les agents de ce domaine, vital pour l’économie nationale, ont fait montre de beaucoup de patience, tablant tour à tour sur des périodes-clés pour limiter leurs pertes. Mais leur optimisme n’a pas été payant. Ni les fêtes de Pâques, du Fitr ou de l’Adha, ni la saison d’été, ont été assez florissantes pour les établissements hôteliers et de restauration. Echaudé par des expériences toutes récentes, le secrétaire général de la Fédération des syndicats touristiques, Jean Beyrouti, avait annoncé avec beaucoup de prudence, il y a une vingtaine de jours, que «les réservations pour la fête de l’Adha de l’ordre de 40%, sont susceptibles d’être annulées à tout instant si un événement imprévu se produisait sur la scène locale». Ses pronostics étaient notamment basés sur l’absence de réservations fermes et la possibilité de remboursement des acomptes des clients en cas de force majeure. Les intuitions négatives des agents du secteur se sont avérées vraies.
Les établissements touristiques les plus affectés par l’instabilité sécuritaire sont ceux situés à Beyrouth, où le recul dans les réservations a été brutal. Les autres sites touristiques en dehors de la capitale ont connu des annulations de 10% pour un total de 40% de réservations, contre 100% à la fête de l’Adha l’année dernière. Et il appartient désormais à la fiction de parier encore sur la saison des fêtes de fin d’année. Le pire est à venir, puisqu’une source au sein de la Fédération des syndicats touristiques avance les chiffres de 23250 personnes susceptibles de perdre leurs emplois dans les restaurants, les cafés- trottoirs et les pubs d’ici la fin de l’année. Un des restaurants les plus prestigieux du pays, situé Place Riad Solh, a fermé ses portes après avoir longtemps lutté pour éviter cette décision qui a déjà jeté dans la rue 150 familles.

Liliane Mokbel

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