Magazine Le Mensuel

Nº 2870 du vendredi 9 novembre 2012

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Aux Etats-Unis. Les émigrés font la sourde oreille

En 2008, la loi portant sur le vote des émigrés a été adoptée et avec elle beaucoup d’espoirs pour la diaspora libanaise installée aux Etats-Unis. Quatre ans après cet immense pas, la déception a repris le dessus. Et pour cause, les procédures devant permettre ce vote n’ont  toujours pas été adoptées. Que pensent les Libano-Américains de cette réalité? Quelles positions adoptent-ils? Enquête sur place.

Près de deux millions de Libano-Américains ou d’Américains d’origine libanaise résidaient aux Etats-Unis en 2006 selon les chiffres fournis par le Lebanese Information Center. Répartis un peu partout, un bon nombre d’entre eux continuent de suivre régulièrement l’actualité de leur pays d’origine.
C’est le cas de Joseph Mourani, responsable associatif, très impliqué au sein de la diaspora. Installé à Michigan depuis de nombreuses années, il a été parmi les premières personnes à saluer la vaste campagne menée actuellement par l’ambassade du Liban à Washington DC. Celle-ci, tout comme les différents consulats qui lui sont affiliés (basés à New York, Detroit, Los Angeles, Miami, Houston, Boston, Raleigh), tentent de se mobiliser pour inciter les Libanais à participer aux prochaines élections législatives de 2013. Pour cela, la procédure est simple: un Libanais de l’étranger doit remplir un dossier disponible en ligne sur Internet et présenter ses pièces d’identité. Cette démarche doit être entreprise avant le 31 décembre prochain et ne semble pas du tout compliquée. Les émigrés vivant aux Etats-Unis ont eu d’ailleurs l’occasion de s’informer sur cette campagne grâce à divers organes. Tels que les partis politiques, les médias, les organisations, les institutions religieuses et communautaires. Mais malgré cet appel généralisé, moins de cent personnes se sont enregistrées via l’ambassade à Washington DC pour voter lors des prochaines élections législatives. C’est une source de l’ambassade qui le confirme et regrette que la situation soit encore plus grave dans les consulats. «Dans certains Etats, près de dix personnes seulement se sont enregistrées!». Cette source assure pourtant que tout est fait pour inciter les Libanais à y participer. «Nous tenons des réunions toutes les semaines et cela fait des mois que nous alertons les instances locales sur cette réalité. Mais hélas la situation ne s’améliore pas». Que ce soit à Washington ou dans d’autres villes américaines, les émigrés font donc la sourde oreille. Et pourtant, ce sont ces mêmes émigrés qui se rendent régulièrement aux consulats et à l’ambassade, qui lisent quotidiennement la presse locale et tiennent des événements pour le Liban. Alors pour quelles raisons ne veulent-ils pas exercer leur droit de vote lors des prochaines élections? Pour plusieurs raisons, rapporte cette source qui va jusqu’à dire que leur comportement est tout à fait compréhensible. «Tout d’abord, la loi électorale n’a toujours pas été adoptée et les procédures qui seront appliquées lors de ce vote ne sont pas encore fixées. Tous ceux qui se rendent à l’ambassade nous posent la même question. Si on est inscrit ici, est-ce que notre nom sera rayé des registres locaux?».

Questions sans réponses
Cette question semble presque sur toutes les lèvres. Haïtham, 27 ans, résident de l’Illinois. Aziz Chaaya, représentant d’un parti politique libanais à Michigan. Partout, ces mêmes propos. «On ne sait pas encore dans quel pays on sera lors des prochaines élections. Or, si on s’enregistre ici, on sera peut-être rayé de la liste électorale au Liban». Les émigrés veulent donc être confortés que ça ne sera pas le cas mais ils n’ont toujours pas reçu des réponses bien claires. Ce qui les inquiète également, c’est le fait que jusqu’aujourd’hui, la loi électorale n’a toujours pas été votée. Haïtham raconte qu’il suit attentivement ce qui se passe au Liban mais qu’il ne voit pas comment dans de telles circonstances une nouvelle loi sera adoptée. Joseph Mourani pour sa part va plus loin. Il doute même que les élections aient lieu. «Je ne suis pas du tout rassuré et lorsque je parle aux jeunes Libano-Américains vivant à Michigan, ils semblent convaincus qu’il n’y aura même pas de bataille électorale cet été», ajoute-t-il. Les responsables politiques sont eux aussi très sceptiques. Chaaya, note que les émigrés ne savent pas comment et par qui ils seront représentés. «C’est compliqué. Comment les élus seront-ils choisis et comment les émigrés seront représentés».
Le gouvernement a récemment approuvé la loi qui fixe un quota de six élus par les émigrés libanais. «Mais un besoin de représentants de chaque pays de l’émigration nous garantit une représentation plus juste», assure Haïtham. Pour lui, il est surprenant qu’un émigré libanais vivant en Mexique soit représenté par un député de l’Australie. Il ajoute: «J’ai l’impression qu’on ne pense pas du tout à cela. Pourtant, les gouvernants libanais disent comprendre nos inquiétudes. Mais ce ne sont que des paroles, encore et toujours». A moins d’un an des élections législatives libanaises, il est temps de casser ce cercle vicieux. Un ministère des Affaires étrangères qui pense que les émigrés ne veulent pas exercer leur droit de vote puisqu’ils ne s’inscrivent pas auprès des instances. Et des émigrés faisant face seuls à leurs inquiétudes.

Pauline Mouhanna
 


Pétition transfrontalière
Tout a commencé au Mexique et par la suite le projet de Betty Hindi, fondatrice de l’association World House of Lebanon s’est internationalisé pour toucher l’Europe, l’Australie et d’autres pays de l’Amérique latine. Convaincue que les émigrés libanais doivent avoir leur mot à dire sur la situation politique et sociale de leur pays d’origine, Hindi a fait signer une pétition aux responsables de la diaspora aux Etats-Unis et au Mexique. «Les chefs des communautés religieuses et les clubs libanais de l’étranger ont tous accepté de signer des papiers qui demandent de tout faire pour que les émigrés puissent voter lors des législatives de 2013. Par la suite, nous avons estimé qu’une pétition en ligne s’impose». Combien de personnes ont déjà signé cette pétition? «Je ne peux pas vous donner de chiffres exacts puisque le projet est toujours en cours jusqu’en décembre. Approximativement, plus de 4500 signatures ont été recueillies.» Pour plus d’informations, se rendre sur le site de l’association: https://www.worldhouseoflebanon.org/index.php

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