L’organisation écologiste vient de jeter un énorme pavé dans la mare avec sa dernière campagne. Greenpeace s’attaque aux grandes marques internationales de vêtements, accusées d’utiliser des substances toxiques dans les textiles.
La nouvelle campagne, lancée par Greenpeace dans plusieurs pays européens et au Mexique, fait déjà couler beaucoup d’encre. Et pour cause. L’ONG accuse plusieurs grandes marques internationales d’habillement d’user de produits toxiques dans les tissus.
Cette campagne choc, qui a provoqué des manifestations devant les enseignes visées par Greenpeace dans plusieurs pays d’Europe, est consécutive à la publication d’un rapport établi par l’ONG. Intitulé «Les dessous toxiques de la mode», ce document livre les résultats d’analyses effectuées sur des vêtements d’une vingtaine de grandes marques largement distribuées au niveau mondial. Des analyses qui établissent, selon Greenpeace, une présence d’éthoxylates de nonylphénol (NPE), des produits considérés des perturbateurs endocriniens. Ces produits auraient donc des incidences notables sur le système reproductif et sont suspectés d’accroître le risque de cancers. Les vêtements, contenant ces substances, sont dangereux pour l’environnement lors des passages en machine notamment. Une fois rejetées dans l’environnement, certaines de ces substances se dégradent en composés toxiques-nonylphénols, amines aromatiques. Problème, ces composés chimiques sont persistants et bioaccumulables, surtout dans les sédiments. Autrement dit, ils se retrouvent ensuite tout au long de la chaîne alimentaire, les premiers touchés étant les poissons, pour finir peut-être dans l’eau potable. Autre inquiétude de Greenpeace, le cycle de fabrication lui-même. Selon l’ONG, les substances chimiques incriminées seraient directement rejetées dans les cours d’eau situés à proximité des usines textiles, en Chine, au Mexique et ailleurs.
Pour élaborer son rapport, Greenpeace a acheté puis testé plus de 140 produits textiles dans 27 pays. Les analyses révèlent que 63% des articles étudiés contenaient des NPE. D’autres substances dangereuses telles que des colorants azoïques et des phtalates toxiques ont aussi été trouvées. A noter que les vêtements qui comportent ces substances ne seraient pas dangereux au contact, mais le deviennent une fois lavés.
Selon l’ONG, les concentrations les plus élevées de NPE se retrouveraient ainsi dans des vêtements des marques C&A, Mango, Levi’s, Zara, Metersbonwe, Jack & Jones et Marks & Spencer. Des phtalates, également perturbateurs endocriniens, ont été détectés dans 31 vêtements comportant des impressions «plastisol», parmi lesquels quatre présentaient des concentrations très élevées (jusqu’à 38 % du poids): ceux de Tommy Hilfiger, Armani et Victoria’s Secret.
Les accusations de Greenpeace sont graves, étant donné les grandes enseignes visées. Parmi elles, la marque espagnole grand public Zara, particulièrement pointée du doigt par les écologistes. Des manifestations ont d’ailleurs pris place ces derniers jours devant plusieurs magasins de la marque en France, mais aussi en Belgique, en Allemagne, en Suède ou au Mexique. Des militants de l’association ont ainsi mimé des défilés de mode, portant des masques contre les produits chimiques, où était notamment inscrit «Zara toxique».
Greenpeace a expliqué cibler particulièrement la marque espagnole car «c’est l’un des premiers vendeurs de prêt-à-porter. Comme C&A et Marks & Spencer qui ont nettoyé leur chaîne de production, il est temps que Zara nettoie la sienne».
Pour Jérôme Frignet, chargé de campagne pour Greenpeace en France, «les résultats des tests donnent à l’expression fashion victim un sens particulièrement inquiétant. Ces grandes marques contribuent à la pollution des eaux partout dans le monde et menacent à terme notre santé. Il est grand temps que ces marques entament une cure de désintox, en s’engageant à cesser d’utiliser ces produits toxiques. Les gens doivent pouvoir s’habiller sans être les complices involontaires de cette contamination».
En réponse à ces accusations, Zara a indiqué «vouloir» cesser tout rejet de substance chimique dangereuse. Une déclaration jugée insuffisante par Greenpeace qui demande à la marque «de prendre un engagement crédible et ambitieux». L’ONG donne aux marques incriminées jusqu’à 2020 pour prendre des mesures. Mais sans réaction sur leurs ventes et leurs chiffres d’affaires, les grandes enseignes réagiront-elles? L’avenir nous le dira.
Jenny Saleh
Pour accéder aux analyses de Greenpeace: http://www.greenpeace.org/france/fr/campagnes/Toxique/Toxic-Threads/
Pas un coup d’essai
Greenpeace n’en est pas à sa première campagne choc. Selon l’ONG, sept autres grandes marques de sport et d’habillement, incriminées en 2011 par le rapport Dirty laundry, se seraient d’ores et déjà engagées à ne plus utiliser de substances chimiques dangereuses dans leur processus de fabrication. Il s’agit de Puma, Nike, Adidas, H&M, M&S, C&A et Li-Ning.