Magazine Le Mensuel

Nº 2877 du vendredi 28 décembre 2012

Monde Arabe

La Syrie à feu et à sang

Janvier
11 Le journaliste français Gilles Jacquier est tué à Homs. Certains parlent d’«une bavure» de l’ASL, d’autres d’un «piège» du régime.
26 Homs est pilonné par l’armée syrienne. Plusieurs centaines de personnes perdent la vie en quelques jours.
28 La Ligue arabe suspend sa mission d’observation en raison de la dégradation de conditions de sécurité.

Février
4 La Russie et la Chine opposent leur veto pour la seconde fois au Conseil de sécurité sur un projet de résolution condamnant la répression.  
11 Le chef d’al-Qaïda, Ayman el-Zawahiri, apparaît dans une vidéo où il exprime son soutien à l’opposition syrienne.
 22 Les bombardements à Homs tuent 2 journalistes occidentaux, le Français Rémi Ochlik et l’Américaine Marie Colvin.
 26 La nouvelle Constitution proposée par le régime syrien est adoptée par référendum avec 89, 4% de «oui» et 57,4% de participation.

Mars
2 En signe de protestation et pour accentuer la pression autour du président syrien, la France ferme son ambassade à Damas.
10 Kofi Annan, émissaire international de l’Onu  rencontre Bachar el-Assad en vue de négocier un plan de sortie de crise.
17 Devant la direction de la police criminelle à Damas, deux voitures piégées explosent et font 27 morts et 140 blessés.
28 Bachar el-Assad annonce qu’il accepte le plan de paix de Kofi Annan. Les objectifs sont la cessation des combats, la mise en place d’un processus politique ouvert dirigé par les Syriens et le droit de manifester pacifiquement. Assad n’est pas mis en cause personnellement.

Avril
9 Mort du cameraman libanais Ali Chaabane, sa voiture est criblée de balles. Il est enterré à Beyrouth le lendemain.
 14 Afin de surveiller le cessez-le-feu mis en place par l’accord Annan, les Nations unies adoptent une résolution qui envoie des observateurs sur le terrain.
23 Alors que la trêve devait entrer en vigueur le 12 avril, l’OSDH dénombre 59 morts depuis cette date.

Mai
10 Une explosion fait 55 morts à Damas. L’Onu demande au pouvoir et à l’opposition de prendre leur distance avec le terrorisme.
16 Selon la presse américaine, les Américains aident à coordonner l’acheminement d’armes aux rebelles syriens.
23 Le ministre syrien du Pétrole affirme que son pays a perdu 4 milliards de dollars à cause des sanctions européennes et américaines. 25 100 personnes sont sommairement exécutées à Houla, le régime et les oppositions s’accusent mutuellement d’être les responsables de cette tuerie. Dans la foulée, l’Allemagne, les Etats-Unis, l’Espagne, le Canada et d’autres encore expulsent leur ambassadeur syrien.
29 Pour la première fois, l’ambassadrice des Etats-Unis à l’Onu évoque des plans hors du cadre du plan Annan et des Nations unies.

Juin
16 En raison de l’intensification de la violence, les observateurs suspendent leur mission mais demeurent en Syrie.
22 Un chasseur turc est abattu au-dessus de la frontière syrienne, les relations entre les deux pays se durcissent.
30 A Genève, les grandes puissances définissent une feuille de route. Un processus de transition devant être mis en œuvre par les Syriens et n’impliquant pas nécessairement le départ de Bachar el-Assad.

Juillet
5 Le site Wikileaks publie plus de 2 millions de mails de dirigeants syriens, parmi lesquels des mails de la famille Assad. On y découvre en particulier l’humour du président.
 6 La troisième réunion des amis du peuple syrien s’ouvre à Paris. Avec une centaine d’Etats et d’organisations représentées. Le général Manaf Tlass, ami d’enfance de Bachar el-Assad fait défection, il est accueilli à Paris.
15 Pour la première fois des combats ont lieu dans la capitale. L’armée bombarde un quartier de Damas pour la première fois.
18 A Damas un attentat élimine quatre hauts dirigeants dont le ministre de la Défense.
19 Nouveau Veto russe et chinois au Conseil de sécurité contre des sanctions à l’encontre du régime syrien.
21 Bataille d’Alep, les forces rebelles ont pris position dans la ville et font face à la riposte de l’armée.

Août
2 Kofi Annan abandonne ce qui ressemblait à une mission impossible, mettre les Syriens d’accord.
 4 Damas est entièrement sous contrôle de l’armée régulière.
 25 Dans le sud de Damas à Daraya, 300 personnes sont massacrées.

Septembre
9 Alep est la cible d’un attentat qui tue 27 personnes et blesse 40 autres. La veille, symbole de l’importance des dégâts des bombardements, l’eau potable était coupée.
 15 Le médiateur international, Lakhdar Brahimi, rencontre Bachar el-Assad à Damas.
26 Un attentat touche le siège de l’état-major syrien à Damas. 14 morts.
30 Dans la ville d’Alep, les souks, inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco, sont en flammes.

Octobre
3 A Akçakale, un village turc frontalier de la Syrie, 5 personnes trouvent la mort suite à l’explosion d’un obus syrien. L’Otan condamne fermement. Le lendemain, le Parlement turc vote un mandat autorisant «si nécessaire» les forces armées à intervenir en Syrie.
8 Pour la première fois depuis le début du conflit armé, le président du CNS met le pied en Syrie… Pour quelques heures seulement.
9 Les opposants armés s’emparent de la ville de Maaret el-Noomane située sur l’autoroute Damas-Alep. L’acheminement des renforts militaires s’en trouve affaibli.
31 Selon Hillary Clinton, le CNS ne «peut plus être considéré comme le dirigeant visible de l’opposition».
 
Novembre
8 Ouverture d’un congrès réunissant plusieurs membres de l’opposition à Doha sous l’égide du Qatar et des puissances internationales. Le CNS devient la CNS: Coalition nationale syrienne. Dans la foulée, le Conseil de coopération du Golfe reconnaît la CNS comme «seul gouvernement légitime de la Syrie». La France et la Turquie font de même dans les jours qui suivent.
19 Le front al-Nosra rejette la coalition d’opposition.
22 L’OSDH annonce que le conflit syrien a déjà fait plus de 40000 morts.
29 L’accès à Internet est coupé dans tout le pays pour 3 jours. De violents combats opposent l’armée aux rebelles dans les banlieues sud. Le trafic aérien de l’aéroport de Damas est interrompu l’espace d’une nuit.

Décembre
3 Suite à la dégradation des conditions de sécurité, l’UE et l’Otan réduisent leurs effectifs présents sur le terrain au minimum.
3 Sous couvert d’anonymat, un responsable américain affirme que le régime assemblerait des précurseurs chimiques nécessaires à la militarisation des armes chimiques. Dans les jours qui suivent, d’intenses pressions médiatiques sont menées avec cette information. 11 En marge de la réunion des «amis de la Syrie», Barack Obama annonce que Washington reconnaît la Coalition nationale syrienne comme étant «la représentation légitime du peuple syrien». Quelques heures après, tous les participants font de même.
14 Dans le cadre de l’Otan, les Etats-Unis, l’Allemagne et les Pays-Bas vont déployer 1200 soldats et 6 batteries de missiles «Patriots» à la frontière turque.
16 L’armée bombarde pour la première fois le camp palestinien de Yarmouk au sud de Damas, envahi par les rebelles.

 


 

Printemps arabes
Des lendemains qui déchantent

Depuis deux ans, les pays du Maghreb comme du Mashreq arabe opèrent leur mue, passant des régimes dictatoriaux à l’exercice d’une démocratie balbutiante. L’Egypte, la Tunisie, le Maroc, la Libye ont tous vu l’ascension des islamistes au pouvoir, avec plus ou moins de bonheur.

De nombreux experts avaient prédit, il y a déjà deux ans, ce qui est en train de se passer. L’euphorie générée par les révolutions populaires en Tunisie, en Egypte, mais aussi au Maroc ou en Libye aura finalement été de courte durée. Dans la plupart des pays touchés par la vague du Printemps arabe – à l’exception du Maroc – les mois suivant la révolution ont le goût amer des lendemains qui déchantent.
En Tunisie, d’où la contestation est partie, chaque semaine amène son lot de déconvenues. La preuve encore ces derniers jours avec les jets de pierre lancés contre le président Moncef Marzouki, venu prononcer un discours à Sidi Bouzid, berceau de la révolte tunisienne le 17 décembre 2010. Deux ans après la révolution qui a conduit à la chute du clan Ben Ali, le pays le plus laïque du monde musulman semble tomber progressivement sous la coupe des islamistes d’Ennahda. Censure, retard dans l’élaboration de la Constitution, grèves, opérations coup de poing des salafistes, comme le 14 septembre, contre l’ambassade américaine, les polémiques entre camp laïque et islamistes ne manquent pas. Sans oublier que même sur le plan économique, les choses n’avancent pas. Le chômage continue de faire des ravages et l’agence de notation Fitch a abaissé la note du pays à BB+, en raison de la «transition économique et politique du pays qui s’avère plus longue et plus difficile que prévu».

Un pharaon en Egypte
En Egypte, les lendemains de révolution ne sont pas plus glorieux. Le pays n’a jamais été aussi divisé que depuis la tentative du président islamiste ex-Ikhwan, Mohammad Morsi, de s’octroyer tous les pouvoirs, tel un pharaon. Une tentative toutefois avortée par la pression de la rue égyptienne, qui sait que désormais, elle peut s’exprimer et changer les choses. S’il a reculé sur l’élargissement de ses pouvoirs, en revanche, le référendum sur une Constitution rédigée par les islamistes a été maintenu, au grand dam de l’opposition. Celle-ci a, d’ores et déjà, dénoncé des fraudes et appelé à des manifestations massives. Alors que les Frères musulmans espéraient un plébiscite, les premiers décomptes font apparaître un «oui» au référendum à une très courte majorité. A peine six mois après l’arrivée de Morsi au pouvoir, le sang continue de couler épisodiquement en Egypte. L’économie ne se porte pas mieux non plus, avec la décision du Caire de geler la demande d’aide de 4,8 milliards de dollars au FMI, en raison des troubles dans le pays.
En Libye, les huit mois de conflit armé qui ont fait tomber le régime de Mouammar Kadhafi ont laissé des traces. Bien sûr, les autorités sont parvenues à organiser des élections générales en juillet et à rétablir la production pétrolière mais l’insécurité et les menaces extrémistes n’ont pas disparu. Les milices armées restent très nombreuses, le trafic d’armes vivace. L’attaque contre le consulat de Benghazi le 11 septembre dernier, qui a conduit à la mort de l’ambassadeur Christopher Stevens et de trois autres Américains, laisse elle aussi un goût amer aux Occidentaux qui ont tant fait pour soutenir la rébellion.
En Syrie, quelle que soit l’issue du conflit actuel, les jours qui suivront seront sans doute tout aussi sombres. L’opposition syrienne, bien que dominée par la Coalition nationale syrienne constituée à Doha, est très morcelée, avec la présence de nombreux groupes salafistes. Le régime de Bachar el-Assad, s’il tombe, pourrait être remplacé par les Frères musulmans, comme c’est le cas dans tous les autres pays touchés par le Printemps arabe. Avec le risque de lendemains qui déchantent, encore et encore.

Jenny Saleh

 

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