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Nº 2880 du vendredi 18 janvier 2013

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Santé

La malnutrition et ses conséquences. Les risques des mauvais coups de fourchette


Diabète de type 2, hypertension, cholestérol, etc., ces maladies provoquées notamment par une alimentation trop riche et pas assez équilibrée font de plus en plus de victimes dans le monde. En cause? La malnutrition. Une étude française menée récemment montre également que l’obésité augmente le risque de développer des symptômes liés à la maladie d’Alzheimer. Alors, faut-il dorénavant succomber à toutes ses envies?

L’obésité fait trois millions de morts par an dans le monde. Un chiffre alarmant et que, malheureusement, beaucoup ne prennent pas au sérieux. Une étude internationale «Global Burden of Disease», menée dans 187 pays et entamée en 1990, vient de dévoiler ses résultats sur la santé dans le monde. Au classement des causes de mortalité, en première place l’hypertension artérielle avec 9 millions de décès. Une alimentation trop salée et pas assez riche en fruits et légumes est l’un des facteurs de risque principal de ce trouble cardiovasculaire. En deuxième place, on retrouve le tabac avec 6,3 millions de décès, suivi en troisième place par l’alcool avec 4,9 millions de morts. Ce trio «gagnant» varie selon les zones. Le tabagisme est ainsi la première cause de mortalité en Amérique du Nord et en Europe de l’Ouest. L’obésité et le surpoids sont les facteurs de risque de mortalité qui comptent la plus forte hausse. Avec plus de trois millions de morts par an, ils passent à la sixième place du classement. A l’opposé, le manque de nourriture n’induit «que» 1 million de décès.
Au Liban, Cléa Daher, nutritionniste au Centre Bellevue, brosse l’état des lieux. «Les gens ne mangent pas bien, ils consomment énormément de junk food (hamburger, sandwichs, frites…). Malgré ce que l’on croit, ils mangent de moins en moins de la vraie cuisine maison. Les problèmes de santé que l’on observe touchent particulièrement les 30, 40 et 50 ans. Beaucoup de personnes dans cette tranche d’âge sont en surpoids, voire même obèses, mais elles ne le savent pas», déclare la nutritionniste.
Elle ajoute: «Nous n’avons pas de chiffres clairs dans le pays, ils sont très difficiles à obtenir. Mais je pense, de par mon expérience professionnelle, que dans certaines tranches d’âge il peut y avoir 30% de la population obèses et, bien entendu, de nombreux décès causés par la malnutrition au Liban. Ce n’est pas aussi grave que dans les pays arabes, mais chez l’homme libanais, on commence à avoir de sérieux problèmes. Les jeunes femmes, elles, font plus attention, l’apparence étant très importante dans la société libanaise, les problèmes de poids apparaissent surtout après 40 ans».
Il faut porter une attention spéciale aux enfants. La cuisine version fast-food est tellement devenue une mode que chez les adolescents libanais on commence réellement à observer les conséquences d’une alimentation peu contrôlée. «Hors de la portée des parents quand les ados sortent, ils mangent mal et cela continue jusqu’à l’université», souligne Cléa Daher, elle ajoute: «Ils ne vont pas, bien entendu, manger de salades ou des légumes, ils opteront plutôt pour un burger frites ou une junk food libanaise comme les chawarmas, alors que cela doit rester occasionnel».
Ce constat est assez alarmant surtout dans un pays où la cuisine est plutôt saine si, bien entendu, on ne rajoute pas une tonne d’huile dans son hommos et que l’on utilise de la viande de bœuf plutôt que du mouton très riche en gras.
Un autre facteur aggrave les problèmes de poids au Liban «Nous sommes dans un pays sédentaire où les gens ne bougent pas. Nous utilisons la voiture pour faire 500 mètres au lieu de marcher. Si je peux donner quelques conseils pour avoir la ligne, sans être obsédé par cela bien sûr, il faut opter pour les produits light, éviter la charcuterie et les fromages gras, manger des fruits et légumes à chaque repas sans trop d’huile et pratiquer une activité physique régulière, sans forcément aller trois heures par jour à la salle de gym!».
Selon les professionnels de santé, rien n’est pris en charge par le ministère compétent. «Aucune campagne nationale n’est faite pour inciter les gens à manger mieux, cela reste du domaine personnel. Bien entendu, les consultations d’un nutritionniste n’étant remboursées ni par la sécurité sociale, ni par les assurances médicales, la majorité des Libanais ne peuvent s’offrir ce luxe. Ceux qui viennent nous voir sont plus les gens aisés qui ont envie de suivre un régime, que les personnes ayant de véritables problèmes de santé liés à leur façon de manger», conclut Cléa Daher.

Le lien avec l’Alzheimer
L’obésité pourrait aussi être un facteur aggravant de la maladie d’Alzheimer. Des chercheurs de l’Inserm et de l’Université Nord de France ont démontré cette relation. Ils ont fait ce constat en observant de jeunes souris transgéniques qui ont développé avec l’âge une neuro dégénérescence liée à la protéine Tau, une protéine impliquée dans la maladie d’Alzheimer. En effet, l’accumulation de ces protéines dans le cerveau est responsable de lésions cérébrales à l’origine de la maladie d’Alzeihmer. Les rongeurs ont été nourris pendant cinq mois avec une alimentation riche en graisses, de façon à les rendre progressivement obèses. A l’issue de ce régime, les souris ont présenté des troubles de la mémoire, ainsi qu’une augmentation des lésions cérébrales.
Au Liban, Nabil Naja, président de l’association Alzheimer Liban, estime que «ces données sont justes, surtout parce que, d’une part, elles viennent de l’un des plus prestigieux centres de recherche d’Europe (Inserm) ainsi que de l’Université Nord de France, d’autre part, parce que cela confirme d’anciennes théories qui ont montré des liens assez solides entre l’alimentation riche en matières grasses et le ralentissement des fonctions supérieures. Maintenant, nous avons une preuve neuro-anatomique que cette alimentation augmente la protéine Tau nuisible pour le cerveau. Cela provoque des plaques de beta amyloïdes, en concentration élevée, dans la première maladie neuro-dégénérative, la maladie d’Alzheimer. Mais je vous rappelle que cela a été testé et prouvé chez les souris et pas encore chez l’être humain».
Au Liban, le nombre de personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer est estimé à environ 20000 cas «mais nous prévoyons une augmentation rapide pour arriver à 30000 cas en 2025», souligne Nabil Naja.
Cette maladie est  l’un des «challenges» les plus importants du XXIe siècle. L’Alzheimer se répand très vite et partout dans le monde. «Pour répondre à la question, je peux vous dire que malheureusement, aucune mesure préventive ne peut protéger complètement contre la maladie, mais certaines mesures diminuent le risque de l’avoir, c’est-à-dire une activité physique régulière, une alimentation riche en poissons, légumes et fruits afin de combattre les facteurs de risque cardiovasculaire tels que le diabète, l’hypertension artérielle, le cholestérol et le tabagisme. A cela doivent s’ajouter des activités intellectuelles diverses, ne pas s’isoler socialement et éviter l’abus des anxiolytiques et des somnifères», conclut le président de l’Association d’Alzheimer Liban.
Dans un pays où l’on fume beaucoup et où les bonnes habitudes de manger sainement ont fait place à un étalage massif de junk food qui fait largement concurrence aux Etats-Unis, il serait temps de se reprendre en main et de bouger!

Anne Lobjoie Kanaan

 

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