Magazine Le Mensuel

Nº 2884 du vendredi 15 février 2013

Affaire Déclassée

Zghorta des années soixante. Politique et vendetta

Dans les années soixante, Zghorta est la scène de nombreuses vendettas entre les familles Douaihy et Karam, qui ont nécessité l’intervention de l’Armée libanaise pour y ramener l’ordre.

Avant l’indépendance, Zghorta était connue pour être une « société de familles ». Après l’indépendance, au Liban, l’individu a appartenu successivement à sa famille directe, à sa lignée, à sa famille sociopolitique, à sa communauté villageoise, à l’Eglise maronite et à la patrie et Zghorta représente l’exemple type. Les habitants de la région avaient développé des traditions guerrières durant les années d’avant l’indépendance, qui se sont retournées après l’indépendance contre la société elle-même.
En 1964, Zghorta est le théâtre de violents affrontements à connotations politiques entre les différentes familles maronites. Aux législatives, d’avril et mai de la même année, sont élus Sleiman Frangié, René Moawad et Semaan Douaihy.
L’année suivante, de nouveaux affrontements opposent les familles Douaihy et Karam. Et le 29 août 1966, un des partisans des Douaihy trouve la mort dans une fusillade avec des membres de la famille Karam.

Vaine médiation
Il n’en faut pas plus pour que la situation dégénère. Les deux députés de Zghorta, René Moawad et Sleiman Frangié, tentent une médiation sans résultat.
En septembre toujours de la même année, la vendetta reprend le 4 du mois, on compte quatre tués, dont le neveu du député de Zghorta, le père Semaan Douaihy. Deux jours plus tard, deux autres victimes tombent dans les mêmes conditions, elles sont suivies de deux autres le 20 du mois. La situation se détériore. Les deux clans se livraient une guerre sans merci. Les embuscades se multiplient. L’armée décide d’intervenir. Soutenus par des blindés, les soldats se déploient à Zghorta et ses environs. Ils occupent des positions stratégiques et effectuent des tournées pour maîtriser la situation.
L’armée recherche les suspects des affrontements qui avaient mis la région à feu et à flamme. Les noms de 80 personnes sont sur la liste, ainsi que plusieurs repris de justice. Quelques jours plus tard, plus d’une vingtaine de personnes sont arrêtées. Les FSI s’installent alors dans le village alors que l’armée se trouve tout près, à Ehden. Les autorités, jugées lentes à intervenir, avaient fini par donner carte blanche aux forces de l’ordre pour sécuriser la région. Des appels à l’application de la loi se font pressants, car si l’armée a réussi à rétablir l’ordre pour une courte période, la situation n’en reste pas moins très fragile.

Non-lieu
La Cour de justice, devant laquelle l’affaire est déférée, charge le juge Mounif Oueidate de l’enquête. Le 25 octobre toujours de 1966, le magistrat rend son acte d’accusation. Il prononce un non-lieu pour 17 des accusés et requiert la peine de mort pour 24 autres, impliqués dans les affrontements qui ont fait plus de 8 morts. Seuls 3 des 24 accusés sont arrêtés, les autres restent introuvables.
En janvier 1967, le chauffeur du député Semaan Douaihy est abattu. Ce crime provoque la déclaration de Zghorta zone militaire. Soldats et policiers investissent la région. Le meurtrier est arrêté le 19 septembre. L’instauration d’un couvre-feu permet à l’armée de mettre la main sur plus de 300 personnes. D’autres arrestations sont effectuées à Tripoli et des armes sont saisies dans toute la région. Il fallait cependant que des mesures radicales soient prises. Ce qui ne tarda pas. Le père Douaihy et les représentants de la famille Karam décident de livrer aux autorités les repris de justice dans leurs clans respectifs. Le calme revient dans la région et l’affaire prend fin.

Arlette Kassas

Les législatives de 1968
L’élection de trois membres du Parlement libanais a eu lieu dans le caza de Zghorta en 1968. Sont réélus les trois députés Sleiman Frangié, René Moawad et Semaan Douaihy. 13412 électeurs parmi les 35099 inscrits ont voté.
Les informations de cet article sont prises sur un site Internet et tirées du Mémorial du Liban: le mandat Charles Hélou de Joseph Chami.

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