Magazine Le Mensuel

Nº 2888 du vendredi 15 mars 2013

Rencontre

Guy Manoukian. Tournée Roots Forward

Le musicien et compositeur libanais d’origine arménienne Guy Manoukian a entamé, il y a quelques mois, sa tournée Roots Forward, qui l’a mené jusqu’au Sydney Opera House. Rencontre.

Comment a débuté la tournée Roots Forward?
Il y a trois ans, j’ai commencé à donner beaucoup de concerts dans le sud de l’Asie. En 2009, j’ai joué pour la première fois à l’Esplanade à Singapour, grâce notamment aux efforts de mes agents là-bas, Karma Productions. Ce qui a facilité mon entrée dans une salle aussi grande, c’est que mes compositions sont musicales, donc il n’y a pas la barrière de la langue, et mon instrument est le piano, même si ma musique est un métissage entre l’Orient et l’Occident. Le concert a été un vrai succès. J’ai été invité à nouveau à Singapour pour deux concerts aussi réussis devant une salle comble. C’est ainsi qu’a débuté la tournée Roots Forward, qui m’a ensuite mené au Sri Lanka. Quand tout le monde se concentrait sur l’Ouest, je me concentrais sur l’Asie. Ensuite, mes agents ont été contactés par le Sydney Opera House, qui a eu écho du succès, pour discuter d’un éventuel concert. Pour moi, c’était un rêve qui se réalisait. De pourparlers en pourparlers, mon concert a été confirmé pour le 28 janvier. Et ça a été un immense succès. Pourtant, le stress était là. Mon nom était inconnu en Australie, mais nous sommes parvenus à rassembler plus de 2000 spectateurs, entre Libanais, Arméniens et étrangers. J’ai ensuite joué à Dubaï Jazz Festival, au Koweït, et la tournée va se poursuivre en Amérique latine, avec deux concerts au Venezuela et quatre au Brésil. Il n’y a pas de concert prévu au Liban, cet été. En fait, ces derniers temps, je me concentre davantage sur les concerts et moins sur la production. Avant, je sortais un album tous les ans, maintenant chaque trois ans. D’ailleurs, mon nouvel album, mon treizième, est prévu pour le mois de juin. C’est mon meilleur travail jusqu’à maintenant.

Comment avez-vous ressenti l’appel de la musique?
J’ai commencé très tôt, à l’âge de quatre ans. J’adore la musique. C’est mon talent, ma voie, ma vocation. C’est comme être un prêtre. Je n’arrêterai jamais, d’ailleurs je l’ai promis à mon père avant qu’il ne décède. Quand on est jeune, on veut faire plaisir à ses parents, et moi je le faisais en jouant. Tout ce que je voulais avoir, je l’avais à travers la musique, à toutes les étapes, l’argent, les filles, les voitures, la popularité… A cet âge-là, surtout depuis que je suis devenu père, tout a réellement changé. Maintenant ce que je veux, c’est un héritage. Et la musique me le procure. Plus tard, mes enfants diront que leur père est Guy Manoukian. C’est ce souvenir que je veux laisser.

Entre la musique et les affaires au sein de votre compagnie de construction Zardman, comment ménagez-vous votre temps?
Je me trouve à un moment de ma vie où je suis tellement heureux. J’ai une épouse merveilleuse, deux enfants adorables. Les affaires dans le monde de la construction m’ont rendu plus sélectif dans le monde de l’art, m’ont rendu un meilleur artiste. Un point que contestent grand nombre de puristes. Mais je n’ai jamais été un artiste dans le sens de la folie ou dans le sens négatif. J’ai étudié le droit, la gestion immobilière à Harvard. J’ai compris que plus on étudie, plus on devient pragmatique, plus on a de chances de réussir dans tout ce qu’on entreprend. Je suis artiste et on ne croit pas facilement que notre compagnie Zardman est responsable de quatre mille projets au Liban. J’ai également joué durant dix ans du basketball en professionnel, ce qui m’a appris le travail d’équipe. Et en musique, c’est la même chose, j’ai des partenaires. Un musicien a toujours besoin d’être guidé. J’ai eu la chance d’être mon propre guide. Le guide de Guy Manoukian le musicien et Guy Manoukian l’homme d’affaires et vice versa. D’ailleurs, tous les projets de notre compagnie sont artistiques.

Sur scène, comment gérez-vous le stress?
Je ne stresse pas. J’ai toujours été sur scène. Je sens que tout ce que je fais maintenant est un bonus, par rapport à ce que j’aurais dû faire, par rapport à ce qui est attendu de moi, de tout musicien libanais. Ici, on est tellement occupé par la politique qui, moi, ne m’intéresse nullement. J’adore le pays, mais il m’attriste parfois, surtout en ce qui concerne la scène artistique. C’est parce que personne n’attend rien des artistes. Alors que si on leur donne une chance, comme dans le monde de la mode et de la peinture, les Libanais brillent. Je suis peut-être le musicien le mieux payé dans la région et c’est ce que doivent être les Libanais, parce que nous avons la capacité d’être des pionniers.

Propos recueillis par Nayla Rached
 


 

A Michigan
Le tarab d’Oum Kalsoum par Amer Zahr

Amer Zahr, humoriste et musicien, s’est produit le 15 février dernier à Michigan, à l’Arab American Museum. Reprenant à ses propres rythmes les chansons d’Oum Kalsoum, il a plongé le public dans une ambiance purement orientale. Zoom sur l’artiste.

Il n’a pas porté ses fameuses lunettes noires, n’avait pas des cheveux attachés. Entre ses mains, il n’y avait pas de mouchoirs blancs. Bref, Amer Zahr ne s’est pas déguisé en Oum Kalsoum!
Zahr n’a pas non plus la voix d’Oum Kalsoum qui a séduit tant de générations. Pourtant, le musicien se lance un défi. Il a revisité le tarab d’Oum Kalsoum avec, entre ses mains, simplement son «oud», son talent et sa voix. En reprenant à sa façon des fameuses chansons telles qu’Enta omri, il a rendu hommage à la fameuse «voix des Arabes».
Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que l’humoriste et musicien décide de plonger le public dans un tarab oriental. Quelques mois auparavant, il avait déjà interprété, devant son public à Michigan, les chansons de Abdel-Wahab. Ce que le public avait sans doute alors apprécié c’est le ton bien particulier de Amer Zahr. Entre une chanson et une autre, place soudainement à une blague, suivie par le fou rire des présents. Un but atteint pour cet humoriste.
Pour lui, tout a démarré dans des camps palestiniens. Muni de ses propres expériences et de son vécu, il a réussi à en créer des histoires drôles. Qu’il aborde la culture, la religion, la société, tout est pour lui objet d’inspiration. Mais c’est surtout la politique qui est victime de ses manières comiques. Amer n’hésite pas à donner son avis sincère sur ce sujet. A la radio, à la télé. A ce propos, il apparaissait régulièrement dans des émissions telles que Politically incorrect avec Bill Maher. Rappelons que l’émission de Maher a été nominée dix-sept fois aux Emmy Awards et a reçu, en 2000, l’Emmy Award de la meilleure direction technique, cadrage et vidéo pour une émission. Outre ses diverses apparitions, Amer Zahr a travaillé avec Ahmad Ahmad, acteur d’origine égyptienne qui s’est notamment fait connaître grâce à ses apparitions dans Iron man, You don’t mess with the Zohan, The tonight show with Jay Leno. Ensemble, les deux humoristes ont travaillé sur un projet intitulé Where are you from? Ils se sont alors rendus à cette occasion au Moyen-Orient, dans les Territoires palestiniens pour une présentation de leur show commun. Amer a joué dans d’autres villes du Moyen-Orient et dans des festivals à travers le monde. A Jérusalem, Ramallah, Bethléem, Haïfa, Nazareth, Tel-Aviv, Mascate, Kuwait City, Le Caire. Il s’est produit également dans son pays d’adoption et notamment à New York City, Washington, San Francisco, Chicago… Amer Zahr a eu la possibilité de présenter certains de ses shows comme 1001 Tour de Rire et Nous ne sommes pas blancs! dans des universités comme Portland State University, University of Colorado, University of Michigan.

Pauline Mouhanna (Etats-Unis)
 

Pour découvrir quelques sketchs d’Amer Zahr, se rendre sur son site Internet: http://www.amerzahr.com/clips.htm

1948, un sketch à ne pas manquer
S’il y a une date qu’Amer Zahr n’a pas oublié c’est évidemment 1948. La création de l’Etat d’Israël a marqué les esprits des émigrés. Zahr tient à démontrer d’une manière comique comment cette date hante les Palestiniens et comment ils se comportent depuis en l’évoquant. Pour découvrir ce sketch, cherchez Sh*t Palestinians Say sur Internet.

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