Magazine Le Mensuel

Nº 2891 du vendredi 5 avril 2013

Diaspora

Immigration libanaise. Les grands enjeux politiques

Pour la deuxième année consécutive, l’Institut d’histoire de l’Usek à Kaslik, a organisé un colloque international sur le thème des Libanais dans le monde. Ce deuxième volet du colloque s’est assigné pour objectif de porter une réflexion sur la dimension politique de la présence libanaise dans le monde, comme l’a souligné en ouverture le professeur Jean-Maroun Mghamès, directeur de l’Institut.

«2012 était l’année de la Bible et 2013 celle de la foi. Cet événement serait-il l’affirmation de la politique et de la religion qui se rejoignent dans la foi?», s’interroge le professeur Mghamès à la séance d’ouverture. Il ajoute: «On se prépare pour les grands événements dans le monde, pour le nouveau Liban au cœur du nouveau millénaire. En quoi croyons-nous ensemble? Que voudrions-nous vivre ensemble? A ces questions, ce colloque apporte une réponse».
Comme le rappelle le directeur de l’Institut d’Histoire de l’Usek, «A une heure critique de notre vie en Terre d’Orient, à un moment de l’Histoire où nous assistons à un Proche-Orient devenu scène principale de la violence. Où la démocratie et le changement vers la liberté s’accompagnent de bruits de canons, de baptêmes de sang, d’exode et de rêve brisé… la religion et la politique, supposées être le support de notre siècle, font défaut».
Pour le politologue Louis Honeiné, «la partie chrétienne du Liban fait de nos émigrés des missionnaires en quelque sorte. Un point de vue que je ne partage pas». Il est affectif, notamment pour «les fondamentalistes» chrétiens libanais qui s’attachent plus à des valeurs fondamentales de terre et de patrimoine, qu’à un aspect concret du phénomène. «Si nous avons des émigrés en masse actuellement, c’est surtout pour un problème socioéconomique. Ces chrétiens glorifient nos émigrés comme ambassadeurs d’une certaine culture, et cela peut être dangereux», estime-t-il.
«Nous sommes minoritaires, il nous faut l’admettre», poursuit Honeiné. «Je ne suis pas philosophe mais politologue et j’ai une approche pragmatique de ce dossier. Chaque fois que le Liban a connu une crise profonde, on a assisté à une vague d’émigrés. Les choses sont claires à partir de 1840, puis 1860, ensuite la Première Guerre mondiale et la Deuxième, ainsi que toutes les crises du Liban contemporain». L’émigration libanaise, explique-t-il, est un problème politique et social.  Faute de travail et dans l’incertitude, l’engagement industriel ou financier devient fort difficile.

La transformation du visage libanais
  Toujours selon le politologue: «Ce dossier est une réalité et il faut le traiter scientifiquement. Il y a un visage du Liban occidentalisé, pour ne pas dire chrétien, actuellement modifié au nom de la démographie et d’une certaine arabisation de la clientèle politique libanaise».
La mondialisation n’est pas un vain mot, C’est un élément qui conduit le monde. Pourquoi le Liban n’en ferait-il pas un atout? Et qui mieux que les diasporas en Afrique, en Amérique et en Europe pourraient amener le Liban à faire partie de cette transformation mondiale? Le problème majeur c’est la lutte actuelle. Nous pensons aux adeptes du Hezbollah expulsés des Etats-Unis, à l’Arabie saoudite qui menaçait de fermer ses portes aux Libanais qui affichaient leur appartenance politique, à nos amis du Golfe qui ne s’aventurent plus à venir au Liban etc. Il y  a une tendance de l’Occident à laisser de côté le Liban. Peut-on y échapper? Peut-on avoir une émigration transparente sans attaches politiques avec son pays d’origine? Peut-on trouver un consensus? Les Libanais ont déjà du mal à régler leurs problèmes, peuvent-ils le faire hors frontières?
Pour Honeiné, nos émigrés doivent être un facteur de la reconstruction du pays quelle que soit leur adhésion.
Pour que la diaspora puisse être mise à contribution, il faut trouver un terrain d’entente. Nous devenons suspects en Occident. La simple connotation d’un nom de famille peut nous coûter cher! Le fait de porter le nom de Abdallah nous porte préjudice. Cela se répercute sur le Liban. Les émigrés doivent parler à l’étranger au nom d’un Liban uni.
L’immigration en Afrique noire est un aspect délicat. Certains Libanais, on le sait, sont impliqués dans des coups d’Etat et dans le trafic, entre autres, de diamants. Mais il ne faut pas généraliser. «Beaucoup de chiites en Afrique peinent à gagner de l’argent. Par contre, ils affichent trop leur appartenance politique. C’est la condition que la diaspora continue de jouer son rôle de catalyseur, autrement les émigrés auront des difficultés et le Liban ne profitera pas de l’aubaine d’avoir des compatriotes par dizaines de milliers dans le monde», rappelle le politologue.
 

Anne Lobjoie Kanaan

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