Magazine Le Mensuel

Nº 2899 du vendredi 31 mai 2013

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Byblos. Destination touristique arabe

Considérée comme l’une des plus anciennes villes du monde, Byblos la belle, l’historique, la bourgeoise, a été désignée destination touristique arabe pour l’année 2013 par l’Organisation mondiale du Tourisme en avril dernier.

Au Liban, plus qu’ailleurs, chaque ville a son charme distinctif. De Tyr à Tripoli en passant par Beyrouth, Baalbeck, Batroun, Saïda, Zahlé et toutes les autres, chacune a ses particularités. Byblos ne fait pas exception à la règle. Accueillant ses visiteurs par la voie romaine, elle leur réserve quelques surprises d’envergure: les dédales de ses souks médiévaux et ottomans parsemés de boutiques et restaurants, sa citadelle, ses multiples musées, ses lieux de culte musulmans et chrétiens, ses plages, son port bordé de cafés… et, avant tout, son histoire hors du commun, ville berceau de l’alphabet moderne. «Byblos ô mon amour, n’est que le cœur du temps», poétisait Nadia Tuéni. Un temps qui passe, depuis quelque sept millénaires et qui laisse ses traces.
«Accoudé sur les millénaires, Byblos peut se targuer de remonter au néolithique, écrivit Andrée Chédid dans son Guide du Liban en 1969. Byblos, le Gebal de l’écriture, est une des plus anciennes cités du monde; les siècles s’y empilent, s’y superposent. Dans ce même emplacement, des ruines s’étalent sur sept mille ans d’Histoire».
C’est donc dans la nuit des temps, il y a près de 7000 ans, qu’à son emplacement actuel, des pêcheurs auraient fondé leur petit village. Depuis, la cité aurait été habitée continuellement. C’est aux alentours de 3000 ans avant Jésus-Christ que «Gubla» ou «Gebla» prit un tournant décisif grâce à une grande période de prospérité. A cette époque, les Egyptiens sont demandeurs de bois de cèdre autant pour la construction d’édifices et de bateaux que pour utiliser son huile, à des fins de momification des corps. En retour, Byblos reçoit des objets en or et en albâtre, des tissus en lin et des rouleaux de papyrus. Le commerce de ce dernier à Gebla donna l’idée aux Grecs, de baptiser la ville Byblos, signifiant dans leur langue, «Papyrus».
Quelques siècles plus tard, elle est l’objet de toutes les convoitises et conquêtes: Amorites, «Peuples de la Mer», Assyro-Babyloniens, Perses, Grecs, Romains, Byzantins, Omeyades, Abbassides, Croisés, Mamelouks et Empire ottoman. «Malgré douze invasions et une occupation étrangère étalée sur cinq millénaires, elle sut assimiler ce qu’il y avait de meilleur dans ces douze civilisations dont elle garde les vestiges comme autant de signatures dans un livre d’or», remarque Nina Jidejian dans l’une de ses publications.
Autant dire qu’à l’approche de l’enceinte du site archéologique, mieux vaut être équipé en carte et guide touristique pour ne rien rater de ce livre d’histoire grand ouvert, juste devant nos yeux. Pour l’anecdote, des plus importantes, c’est grâce à des pluies diluviennes en 1922, qu’à la faveur d’un glissement de terrain, on découvrait à douze mètres de profondeur neuf tombes royales dont celle du roi Ahiram de Byblos (1250 – 1000 avant J.-C.) dont le sarcophage présente la forme la plus ancienne de l’alphabet phénicien découvert à ce jour, un alphabet phonétique, ancêtre de tous les alphabets modernes.
Byblos, classée sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco en 1984, n’est pas pour autant restée figée dans le temps. Sa vieille ville, tout simplement magnifique, a d’ailleurs été restaurée grâce à des fonds de la Banque mondiale. Son renouveau, on le doit également à l’engouement de Roger et Alice Eddé qui, grâce à leurs boutiques diversifiées, cafés et restaurants, implantés dans les souks, ont su créer une dynamique. Byblos, c’est aussi le silence, celui de la mer, de la nature et du temps. Au détour de ses ruelles paisibles et pittoresques, la cathédrale Saint-Jean-Marc ne laisse pas indifférente, construite par les Croisés au XIIe siècle.
Sur le port, dont les tours défensives ont été érigées par les Croisés, les piétons ont désormais gain de cause, pouvant flâner tranquillement, s’embarquer dans un bateau de pêche aménagé ou s’attabler à l’un de ces restaurants à la vue et à la gastronomie alléchantes. Parmi eux, l’établissement d’un certain Pépé Abed, qui se targue d’avoir servi le couvert à des personnalités internationales au rang desquelles Charles Aznavour, Brigitte Bardot, Johnny Hallyday, Marlon Brandon ou encore Jacques Chirac.
Pour Nina Jidejian, «tout être humain doit avoir connu ou connaître Byblos pour découvrir son véritable patrimoine et feuilleter son album de famille. Il faut avoir visité Byblos pour savoir combien cette ville eut à la fois le sens de l’humain et du spirituel dont sont imprégnés ses murs. Il faut visiter Byblos pour ressentir cette ambiance de mythes sacrés et de légendes d’amour qui furent, en leur temps, la seule profession de foi des Byblosiens. Car cette cité n’est pas simplement une ville, c’est une âme, un cœur et une mémoire».

 

Delphine Darmency
 

Carte d’identité
Pays: Liban.
Gouvernorat Mont-Liban.
District: Jbeil.
Population: 40000 habitants.
Inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1984.

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