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Nº 2906 du vendredi 19 juillet 2013

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Le meurtre de Georges Ivanoff. Une enquête qui n’a jamais abouti

Au début du mandat de Fouad Chéhab et à la fin des événements de 1958 qui ont secoué le Liban, les forces de sécurité sont chargées de ramener l’ordre sur la scène libanaise, fortement éprouvée par les multiples incidents qui ont duré de longs mois. La chasse aux criminels a permis l’arrestation de plusieurs dangereux repris de justice. Les tribunaux ont eu fort à faire. L’affaire Ivanoff en fait partie et reste un mystère.
 

Le 22 mars 1959, un incident surprenant a eu lieu. L’explosion d’une bombe, à son domicile à Beyrouth, blesse mortellement Georges Ivanoff, directeur des hôtels Excelsior et Palm Beach, ainsi que des night-clubs en vogue de l’époque, les Caves du Roy et la Macumba. Il succombe à ses blessures une semaine plus tard après avoir accusé du meurtre l’un de ses anciens amis, Rachad Koleilat.
Ivanoff était très connu. Il avait rendu d’importants services au Liban dans le secteur du tourisme. Son assassinat ne s’explique pas, ainsi que la façon dont a été perpétré ce meurtre. Il n’avait pas de famille au Liban. Ses obsèques sont conduites par le ministre du Tourisme de l’époque, Michel Touma.
L’enquête, menée par le juge d’instruction, Joseph Freiha, révèle que la bombe avait été placée sous son lit sans réussir à établir comment cela a pu être fait. Les portes étaient fermées et aucune effraction n’est signalée. Le mystère a continué à planer sur l’affaire. Tout a été passé au peigne fin, mais l’énigme restait entière.

 

Visite suspecte
Petit à petit, le voile se lève. Les témoins apportent de nouveaux éléments susceptibles d’éclairer les enquêteurs. Ainsi, un domestique assure avoir vu un ami de Georges Ivanoff entrer dans la maison de la victime la veille du meurtre à l’insu 
de l’intéressé.
Le 16 juin, Rachad Koleilat est inculpé. Ce dernier possédait la clé de la maison de la victime. Son amitié avec Ivanoff n’a pas empêché une dispute qui les avait opposés quelques mois plus tôt. Koleilat aurait giflé et menacé Ivanoff publiquement.
Selon le domestique, qui a témoigné dans l’affaire, Koleilat serait passé au domicile d’Ivanoff durant la nuit du crime. Il lui a parlé et posé plusieurs questions, avant d’inspecter les lieux et lui demander de faire l’impasse sur son passage. Les enquêteurs ont donc estimé qu’il avait été tout à fait possible à Koleilat de déposer la bombe, style bombe-stylo, sous le lit de la victime avant de quitter les lieux. Mais si Koleilat admet avoir menacé de mort Ivanoff, il nie tout lien avec l’explosion qui lui a coûté la vie. Le travail des enquêteurs se complique. Devant les dénégations de Koleilat, l’affaire revient au point de départ.
Les avocats du suspect, Bahige Takieddine et Nasri Maalouf, se démènent pour prouver son innocence. Ils mettent tout en œuvre pour disséquer l’acte d’accusation basé sur le simple témoignage du domestique, qui avait affirmé que Koleilat lui avait demandé de ne rien révéler de son passage dans la maison de la victime le soir du meurtre.
Après cinq mois de détention, l’affaire Koleilat passe d’un niveau à un autre pour échoir finalement devant la Cour criminelle, présidée par Wadih Traboulsi. Le procès est ouvert le 10 novembre. Il tourne rapidement à l’avantage de Koleilat. Ses avocats font vaciller les quelques preuves apportées par l’enquête.
Le verdict est rendu le 28 novembre 1959. Koleilat est acquitté. La Cour estime que faute de preuves concluantes, il était impossible de l’inculper sur les simples aveux du domestique, jugé faible d’esprit.
Koleilat, qui assistait détendu au procès, accueille le verdict de son innocence avec un grand sourire. Aussitôt que la Cour se prononce que Koleilat est «non coupable», les présents à l’audience applaudissent, et ses partisans voulaient le porter sur leurs épaules, mais les forces de l’ordre les en empêchent et rétablissent le calme au tribunal.
Cependant, après ce coup de théâtre inattendu, la question se posait de nouveau: qui a alors commis le meurtre d’Ivanoff? Une question qui n’aura pas de réponse.

Arlette Kassas

Extrait du Mémorial du Liban – Mandat
Fouad Chéhab, de Joseph Chami.

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