A l’initiative d’activistes de la société civile, tel Michel Eleftériadès, un appel est lancé aux citoyens de se rassembler, Place des Martyrs, pour soutenir l’armée à l’occasion du 1er août. Beaucoup ont répondu présents. Un seul drapeau flottait au-dessus de la tête des manifestants: celui du Liban. Un seul slogan: «Le peuple veut l’armée».
«Je suis là pour témoigner de mon soutien à l’armée, clame avec enthousiasme cette cinquantenaire. Je suis venue dire que ces hommes ont offert leur vie au Liban et qu’ils sont notre seule planche de salut».
«Je suis là, dit ce jeune homme plein de vie, pour déclarer haut et fort que l’armée est une force de la nation, que nous devons la soutenir plutôt que de nous en prendre à elle. Je suis venu lui apporter mon soutien».
«Je vis en France, raconte cette jeune femme, et je suis de passage au Liban. J’ai tenu à venir sur cette place parce que tout Libanais doit réaliser que sans une armée forte et unie le pays part à la dérive et perd toute dignité».
Tout avait commencé à travers les réseaux sociaux, dont Michel Eleftériadès s’est servi, pour inviter les citoyens à se retrouver, place des martyrs, le jour où l’on célébrait la fête de l’armée pour lui apporter leur soutien. Très vite, un comité d’organisation se met en place. Il est formé d’une vingtaine de personnes appartenant, pour la plupart, au monde de l’art et des médias. Les organisateurs se sont entendus sur un point: pas de slogans partisans ou politiques. L’événement s’articule autour d’un seul but: affirmer le soutien des citoyens à l’armée. Le réseau d’affichage réservé à cet effet appelle le peuple à prouver son appui à l’institution militaire.
Viendront, viendront pas, les pronostics étaient contradictoires. Les gens se demandaient dans quelle mesure les citoyens, faisant fi de leurs affinités partisanes, répondraient à cet appel lancé – entre autres- par un aouniste notoire. L’un des organisateurs principaux de l’événement, Michel Eleftériadès, qui a invité les citoyens, quels que soient leurs choix politiques, à se retrouver autour de l’armée est un proche du général orange. Les partisans du 14 mars, pour la plupart du moins, ont décidé de boycotter l’événement, alors que ceux du général Michel Aoun et de l’armée sont là, bien décidés à affirmer que l’institution militaire est une ligne rouge et, qu’en aucun cas, on n’a le droit de lui tirer dans le dos. Ils sont donc venus plus nombreux que les observateurs n’avaient prévu. Sur les banderoles, on pouvait lire: «Si vous aimez l’armée, ne pointez pas vos armes contre elle». «Nous ne pardonnerons pas aux criminels». Si l’on ne s’est pas mêlé à la foule et si l’on n’a pas suivi sur les réseaux sociaux, des commentaires ironiques, voire critiques, des partisans du 14 mars, on aurait eu l’impression que tous les Libanais s’étaient en quelque sorte rassemblés autour de l’armée sur cette place. Mais les faits sont là: d’après les observateurs sur le terrain, la majorité des présents étaient aounistes ou proches de l’armée. Beaucoup de liesse, de joie, une ambiance de fête régnait. Parmi les participants, on remarquait des délégations d’ulémas sunnites, chiites et druzes, mais aussi l’ancien ministre Ziad Baroud qui, se fondant dans la foule, expliquait aux médias qu’il fallait que la grande muette reste au-dessus de toutes les considérations et des alignements. Pesant leurs mots, les activistes n’hésitaient pas à confier à Magazineque les partisans du 14 mars ne se sont pas joints au rassemblement et que même les représentants sur place de certaines chaînes politiques proches du 14 mars ne mettaient pas beaucoup d’enthousiasme à couvrir l’événement qui, de l’avis unanime, est une réussite.
Michel Eleftériadès, certes pro-aouniste mais aussi à la tête de Nowheristan, vêtu de sa cape or et noir, entouré de ses gardes du corps, se tenait sur la scène ovationnant la foule, alors que l’hymne national était interprété par une chorale de 70 enfants de martyrs de l’armée. Parmi les intervenants, le représentant du patriarche maronite Béchara el-Raï, l’évêque Elias Nassar, qui a vu dans ce rassemblement «un hommage rendu à l’armée : «Nous disons aux politiciens, assène-t-il, arrêtez de nuire à l’armée, arrêtez d’offenser nos soldats. L’armée est au service de tout le Liban». Elie, le fils du colonel François el-Hage, s’exprimant avec enthousiasme et détermination, s’est adressé aux soldats: «Nous sommes là, leur dit-il, pour vous soutenir. Nous sommes fatigués de toutes les effusions de sang. Nous lançons ce cri du fond de notre cœur. Le terrorisme doit être irradié à la base et ceux qui sont de connivence avec le terrorisme sont des traîtres, des lâches et des comploteurs…». Il poursuit: «Il est inconcevable de demander des comptes à l’armée, c’est à elle qu’il revient de le faire». Il a déploré ensuite que les soldats de la grande muette soient morts à l’intérieur des frontières libanaises au lieu et non sur les fronts.
Le président des waqfs musulmans, Malek Drida, a, pour sa part, déclaré: «Nous sommes venus apporter notre appui à l’armée parce qu’elle nous protège, parce que l’armée est à nous, citoyens, parce que nous aimons le Liban uni… celui qui n’a pas d’armée, n’a pas de dignité. Notre armée est l’expression des ambitions de chaque citoyen honnête et digne».
Jacques Khalil, professeur à l’Université de Balamand et archimandrite, a assuré que dans les deux religions chrétienne et musulmane, le soldat est «honoré». «Ce qui unit tous les Libanais, assure-t-il, c’est l’armée».
Danièle Gergès
Slogan du 14 mars
Les organisations de la jeunesse du 14 mars ont lancé une campagne sous le slogan «Si tu aimes l’armée, remets-lui tes armes». Cette initiative invite les citoyens à signer une pétition qui demande que toutes les armes illégales soient remises entre les mains de l’armée. Simon Dergham (PNL) et président des organisations a déclaré: «L’idée principale du projet est qu’il revient seulement à l’armée et aux institutions sécuritaires de monopoliser le pouvoir sécuritaire sur le territoire libanais». Il a invité les citoyens à signer la pétition. Nadim Yazbeck (FL) a précisé: «Le but de cette pétition est de montrer à l’opinion publique libanaise et internationale qu’au Liban il y a des citoyens qui refusent de se plier face aux armes du Hezbollah, parti qui ne les représente pas mais qui représente l’Iran». Wissam Chebli (Moustaqbal) a dénoncé la campagne menée par certains et qui vise le Courant du futur. «Ils veulent, dit-il, nous placer en vis-à-vis avec l’armée, mais cette campagne est vaine puisque nous avons toujours défendu l’Etat et ses institutions». Enfin, Youssef Abdelnour (kataëb) a précisé: «Nous ne voulons pas que l’armée devienne une institution qui, au lieu de défendre l’Etat et le citoyen, s’attelle à se défendre». La pétition sera bientôt mise sur les réseaux sociaux pour être signée par ceux qui le souhaitent.