Pour tisser des liens entre tous les chrétiens d’Orient et avoir une lecture commune des dangers qui guettent la communauté dans cette partie du monde, l’Assemblée des chrétiens d’Orient a tenu son premier congrès en présence du patriarche maronite Béchara Raï, du président de la République, Michel Sleiman, et du général Michel Aoun. Absence remarquée: celle des composantes chrétiennes du 14 mars.
Les intervenants ont abouti à une conclusion unanime: les chrétiens doivent s’enraciner dans leurs terres et activer le dialogue avec leurs confrères musulmans.
Depuis la montée de l’extrémisme dans les pays arabes et la fuite des chrétiens d’Orient vers des horizons plus cléments, des instances politiques et religieuses libanaises s’attellent à la dure tâche de trouver des solutions aux peurs existentielles, aux dangers qui guettent et de réfléchir aux moyens de freiner l’émigration. Dans ce cadre, l’Assemblée des chrétiens d’Orient, réunie dans un premier congrès, après des débats sur des thèmes communs à tous, a présenté des recommandations précises. «Les chrétiens sont les fils de cette région et doivent s’y enraciner», ont affirmé les divers intervenants libanais et ceux venus de plusieurs pays de la région. Il est aussi essentiel «d’activer le dialogue entre les chrétiens d’Orient et les musulmans de la région afin de consolider l’entente entre les différentes composantes», ont-ils conclu.
Le but du congrès de cette assemblée a été clairement défini par ses membres fondateurs: trouver un espace commun et établir des liens entre tous les chrétiens d’Orient. Il s’agit d’assurer un tremplin médiatique pour que leur voix soit entendue à cette phase historique et dangereuse qu’ils traversent. Cette rencontre, qui regroupe les chrétiens avec leurs appartenances politiques, sociales, économiques, intellectuelles et culturelles multiples, est un événement historique et une initiative pionnière, selon les organisateurs. «Nous souhaitons, déclare à Magazine Fouad Abou Nader, un des membres fondateurs de l’assemblée, que cette rencontre serve de plateforme permanente et devienne une entité incontournable de la présence chrétienne en Orient». «C’est la première fois, poursuit-il, que religieux et laïcs fondent ensemble une institution de ce genre dans laquelle sont représentées toutes les Eglises d’Orient. Cette rencontre ne s’arrêtera pas là. Nous voulons créer un centre permanent de référence sur toutes les questions qui se posent aux chrétiens d’Orient. Nous réfléchirons ensemble aux défis auxquels ils font face dans leurs sociétés et aux moyens de les affronter et de les surmonter. Parmi les sujets auxquels nous devons tous ensemble réfléchir: le renforcement de nos libertés politiques et religieuses, les droits de l’homme, l’encouragement des chrétiens à participer à la vie politique, l’implantation sur leurs terres, la consolidation de leur présence, la lutte contre l’extrémisme et le recours à la force et à la persécution. Autre thème important, les répercussions de la laïcité sur la chrétienté… Enfin comment empêcher les répercussions du conflit israélo-arabe sur la présence chrétienne au Moyen-Orient. Nous allons également établir un plan pour faire du lobbying auprès de tous les chrétiens éparpillés dans le monde. Leur soutien est, plus que jamais, essentiel».
Le point du vue de Mgr Mazloum
Le secrétaire général de l’assemblée, Mgr Samir Mazloum, a confié, pour sa part, à Magazine, que les chrétiens d’Orient ressentent une peur existentielle devant les dangers qui les guettent. Cette peur, selon lui, est justifiée par la montée de l’extrémisme et par toutes les menaces et les persécutions qu’ils subissent. «Ce congrès constituera, dit-il, un point de départ pour trouver des espaces de dialogue interchrétien et pour des échanges entre chrétiens et musulmans». Avec cette succession de rencontres, organisées par diverses forces politiques chrétiennes au Liban, ne craint-il pas que les musulmans, surtout les modérés d’entre eux, ne se sentent négligés, voire rejetés? «Ce que nous essayons de faire, répond l’évêque, n’est pas une conspiration forgée contre quiconque. Bien au contraire. Nous souhaitons établir le dialogue avec toutes les entités qui constituent ce Moyen-Orient afin qu’ensemble nous tentions d’élaborer un projet qui consolide l’existence de tous, le vivre en commun, mode de vie que nous défendons, mais dans lequel il revient à chacun d’assumer les responsabilités qui lui incombent. Il revient aux musulmans de rassurer les chrétiens sur leur sort et de prendre en considération leur présence. Les chrétiens, de leur côté, doivent mettre fin à leurs complexes d’infériorité et se libérer de la peur de l’autre. Ensemble, ils parviendront ainsi à bâtir leur destin commun». Dans son intervention, le secrétaire général de l’assemblée, a dit haut et fort ce qu’il pensait: «Deux dangers guettent les chrétiens d’Orient: l’angoisse existentielle et l’anxiété concernant leur présence. Certains, dit-il, sont convaincus que le destin des chrétiens est décidé d’avance et que sur le plan démographique ils sont devenus minoritaires. Or, il faut comprendre que les chrétiens n’observent pas l’Histoire mais l’écrivent ou participent à son écriture». En conclusion, il souligne «que l’extrémisme qui sévit actuellement menace aussi bien les chrétiens que les musulmans modérés», et qu’il faut conjuguer les efforts et traverser main dans la main les épreuves avec le moins de dégâts possibles.
Le patriarche Béchara Raï a béni la rencontre et prononcé une allocution dans laquelle il a mis l’accent sur le fait que Dieu a choisi la terre d’Orient pour que Sa volonté y soit faite. «C’est pourquoi, assure-t-il, les chrétiens, ambassadeurs de Dieu en Orient, doivent s’accrocher à leurs terres et à leur présence dans cette partie du monde… sans crainte ni peur, sans repli sur soi et sans se dissoudre au point de cesser d’exister». «Aucune force au monde ne peut nous arracher à cette terre, martèle-t-il, quels que soient les souffrances infligées et les sacrifices consentis».
Le président de la République, Michel Sleiman, a abordé le problème des minorités que la démographie et l’extrémisme ont remis sur le tapis. «Pourtant, dit-il, je reste rassuré sur le sort des chrétiens dans cette partie du monde. L’exception libanaise, où le vivre en commun est adopté comme mode de vie dans le respect des libertés, de la démocratie et des minorités, est un exemple encourageant dans ce nouveau monde arabe qui émerge».
Danièle Gergès
Les thèmes abordés
♦ La démographie et l’émigration.
♦ Les libertés religieuses dans la pratique.
♦ La participation des chrétiens dans les institutions étatiques et leur rôle dans la vie publique.
♦ La situation des chrétiens et leur rôle sur le plan économique et social.
♦ Les principaux intervenants sont libanais, mais ils viennent également de Syrie, de Suède, d’Egypte, de Jordanie et de Palestine. De nombreuses personnalités religieuses y étaient présentes: des représentants des Eglises d’Orient, mais aussi des personnalités politiques, médiatiques et diplomatiques.