Dans son dernier roman, Cinq jours, Douglas Kennedy retrace la rencontre inattendue de Laura et Richard, deux inconnus en quête d’une nouvelle vie, qui vivront une histoire d’amour passionnelle et complexe. Interview d’un écrivain qui mélange un style accessible à une vraie écriture littéraire et dont Cinq jours est l’un de ses romans préférés.
Dans votre dernier roman, Cinq jours, vous racontez l’histoire d’un couple à travers laquelle vous dressez sans complaisance le portrait des amours désenchantées. Selon vous, les histoires d’amour finissent forcément toujours mal?
Cinq jours est un roman philosophique. Mais aussi de suspense. Le bonheur est un grand défi. Il est propre à chaque personne. Il y a des gens qui bouleversent leur vie et d’autres qui considèrent que c’est dur de briser un foyer. Pourquoi c’est très difficile de quitter un mariage raté? C’est un peu comme le syndrome de Stockholm. Le malheur devient une habitude. On se dit: ça c’est mon destin. Dans le cas de Laura, son mariage est un pansement après une tragédie. Même si elle ne cherche pas les aventures, le gouffre entre elle et son mari est profond. Ses enfants sont grands. L’un va à l’université et l’autre va quitter la maison. C’est un moment de vérité. Aura-t-elle le courage de changer sa vie? D’après mon expérience, le verbe «changer» est le plus difficile à suivre. La vie est un mélange de choses malveillantes et bienveillantes. A la fin, pour moi, le destin personnel est une question de choix. Ce roman n’est pas autobiographique, mais très personnel.
Le désir de changer de vie, d’histoires, de pays, d’amants… que traduit-il à votre avis? Une conviction que le changement est source de
bonheur? Une illusion? Un aveuglement?
Le bonheur est une chose atypique. Changer est un choix personnel. Moi, j’ai quitté ma femme après vingt-cinq ans de mariage et pas pour quelqu’un d’autre. Pourquoi? Parce que c’était nécessaire. C’était une épreuve très difficile, surtout que nous avons des enfants ensemble. Ce qui donne le courage de changer? C’est peut-être la notion de mortalité. C’est quand on réalise qu’on est mortel, qu’on se dit «allons-y». Le divorce est complexe. C’est un échec. Mais il y a des échecs nécessaires.
Dans ce roman, la notion de fuite est omniprésente. Dans quelle mesure retrouve-t-on un peu de votre vécu, vous qui avez à maintes reprises déclaré: «J’ai passé ma vie à fuir à travers l’écriture»?
J’ai grandi au milieu d’un mariage raté avec des parents qui n’étaient pas heureux d’être ensemble. J’ai commencé à fuir la maison paternelle à 10 ans, pour éviter les disputes parentales, pour me protéger. J’ai découvert la culture et cela m’a sauvé de la détresse. A 17 ans, j’ai quitté le foyer. A mon avis, si on a eu une enfance heureuse, c’est rare qu’on soit écrivain. Mais en même temps, grâce à mon enfance, je suis devenu indépendant très jeune. Très à l’aise avec le monde. Capable de m’adapter à toutes les circonstances. Une enfance difficile, ça donne beaucoup de matériel.
On dit que vous êtes un bon père. C’est par choix ou moralité?
C’est par choix. C’est une responsabilité. La plus importante. Elle est aussi la plus magnifique.
Vous n’aviez pas de bons rapports avec vos parents. Cela justifie-t-il votre dévouement paternel?
J’ai pardonné depuis longtemps à mes parents.
Quelle est votre principale source d’inspiration?
La vie en général m’inspire. Celle des autres aussi. La condition humaine. J’ai commencé à écrire mes propres contradictions, puis j’ai découvert que ces contradictions sont partagées par la moitié des gens. C’est peut-être la raison pour laquelle j’ai un large électorat.
Propos recueillis par D.G.
Bio en bref
Né à Manhattan aux Etats-Unis, Douglas
Kennedy est l’auteur de plusieurs
best-sellers internationaux. Trois de ses ouvrages ont été adaptés sur grand écran.
Il a été révélé, en 1994, par le polar
Cul-de-sac qui connaît un succès
international. En 1998, il publie L’homme qui voulait vivre sa vie, traduit en seize langues. Depuis, ses ouvrages s’enchaînent et le succès accompagne leurs sorties. Il est chevalier de l’Ordre des arts et des lettres et l’écrivain américain le plus lu en France.