Magazine Le Mensuel

Nº 2932 du vendredi 17 janvier 2014

  • Accueil
  • Société
  • «I am not a Martyr». Cri d’alarme de la nouvel  le génération
Société

«I am not a Martyr». Cri d’alarme de la nouvel  le génération

Le 30 décembre 2013, un groupe de jeunes Libanais crée un blog intitulé I am not a Martyr dont le but est de lancer un appel qui dit: «Nous, Libanais, refusons de devenir des martyrs». Mais qui offre aussi aux citoyens une plateforme pour un dialogue enrichissant et constructeur qui peut être établi malgré toutes les divergences. Quand chacun a droit à la parole sans censure, ni idées préconçues, l’espoir en un avenir meilleur devient possible.
 

«Je veux un meilleur avenir pour mes enfants». «Je veux que l’on me croit quand je dis que le Liban est le plus beau pays du monde». «Je suis malade de vivre loin de mon pays. Je veux retourner au Liban». «Je ne veux plus avoir de raisons de haïr mon pays et d’en avoir honte». «Je veux que le Liban soit le pays du vivre en commun et non du plus grand plat de hommos». «Quand tu lis explosion au lieu d’exposition, tu comprends que tu commences sérieusement à aller mal». «Je veux marcher dans la rue en tenant la main de mon copain sans que la police ne m’interpelle». «Je veux profiter de la vue sur la mer devant ma baie vitrée sans craindre qu’une explosion ne fasse éclater mes vitres»… Des milliers de messages envoyés par des Libanais vivant au pays ou à l’étranger viennent enrichir ce blog qui connaît désormais un succès fulgurant.
Tout a commencé, le 30 décembre 2013, quand des Libanais ayant ras-le-bol des explosions et des attentats, des dommages collatéraux qui coûtent la vie à des citoyens qui n’ont pas choisi de mourir, décident de créer le blog I am not a Martyr et d’ouvrir un compte sur Twitter et Facebook. La page compte déjà plus de 8 000 «j’aime» et des citoyens  de tous bords, de toutes confessions, de toutes communautés, de tous âges aussi. Ce site des jeunes trouve écho chez leurs aînés qui y voient l’expression d’une rage, de frustrations, mais aussi des aspirations et des rêves. Les créateurs de ce blog ne souhaitent pas divulguer leur identité. Ils préfèrent garder l’anonymat, dit l’un d’eux à Magazine: «Le but de cette initiative n’est pas de promouvoir des personnes, mais des idées et de contribuer véritablement et efficacement au changement». «Nous ne devons pas accepter la normalisation de la violence, explique l’un des fondateurs du blog. Nous ne devons pas rester insensibles aux horreurs qui sont devenues presque quotidiennes. Nous sommes victimes et non pas martyrs. Les innocents qui meurent n’ont choisi de mourir ni pour une cause politique, ni pour une cause religieuse. Les citoyens libanais se sont habitués, après toutes ces années de guerre, à un fait inacceptable: malgré les bombes, le terrorisme, les explosions et les assassinats, la vie et le train-train se poursuivent comme si de rien n’était. Non. Nous devons nous insurger contre cet état de choses et conjuguer nos efforts pour assurer un avenir meilleur au Liban et aux Libanais. Certes, nous sommes en colère, tristes et frustrés du fait de la situation qui prévaut, mais nous gardons espoir. Nous avons des rêves pour ce pays et comptons les réaliser tous ensemble». Pour les fondateurs de ce blog, leur but est ambitieux. Ils veulent moins de rancune et de rancœur les uns envers les autres, plus de tolérance, moins de drapeaux, plus d’opportunités. Ils veulent, garantir le droit des minorités, le respect de l’environnement… ils veulent déployer tous les efforts nécessaires pour faire en sorte que le pays soit un endroit où il fait bon vivre et où la dignité de tout individu est respectée, où les expatriés libanais qui le désirent peuvent revenir à un bercail où la paix, la sécurité et les droits les plus basiques seront assurés. Parmi les initiatives récemment prises: lancer chaque mardi sur le blog un sujet à débattre. Le but: «Etablir le dialogue entre toutes les composantes de ce pays, répond à Magazine notre interlocuteur. Cela peut constituer un premier pas vers la paix. Nous appelons chaque personne à se joindre à la conversation à travers les réseaux sociaux, mais aussi à travers les médias, la presse dans les rues, les cafés, dans les écoles et les universités. Nous souhaitons, par ailleurs, que des experts en la matière donnent leur avis sur le thème proposé et se joignent à la conversation. Nous voulons échanger les idées, débattre des sujets qui concernent le pays et le citoyen. Nous considérons qu’il est essentiel d’engager le dialogue loin des divergences politiques, communautaires ou confessionnelles».

Danièle Gergès

Témoignage d’une blogueuse…
«Moi, confie à Magazine une blogueuse active sur la page à l’instar de beaucoup de jeunes et de moins jeunes, j’en ai marre de ces divergences politiques qui foutent le pays en l’air, de l’opportunisme de nos politiciens qui font prévaloir leurs intérêts sur ceux du Liban. J’en ai marre que les puissances régionales et internationales décident de notre sort. J’en ai  en marre que les droits les plus élémentaires des citoyens soient bafoués. Ce blog nous permet d’exprimer nos points de vue librement dans le respect de l’autre et dans ses différences. Certes, les Libanais sont divisés sur tant de choses sur le plan politique. Mais nous pouvons trouver tant de points communs et aussi des idées autour desquels nous 
pourrons nous retrouver. Le chemin est difficile et beaucoup de citoyens ont choisi d’aller vivre à l’étranger pour 10 000 raisons. Mais si nous œuvrons pour faire du Liban un pays de droits, beaucoup reviendront. La nouvelle génération a des exigences que les responsables doivent prendre en 
considération comme l’acceptation de l’homosexualité, l’instauration du mariage civil au Liban, le respect des minorités, de l’environnement… ce blog nous donne la latitude de nous exprimer, mais aussi de conjuguer nos efforts, nous, tous les 
citoyens, pour que le Liban devienne un pays à la hauteur de nos attentes. Mais aussi un pays où la violence et la mort ne doivent pas être banalisées sous aucun prétexte».

Related

Harcèlement sexuel. Bientôt une loi?

La maltraitance des mineurs. Un enfant sur quatre en souffre

Le syndrome du nid vide. Quand les enfants déménagent

Laisser un commentaire


The reCAPTCHA verification period has expired. Please reload the page.