Magazine Le Mensuel

Nº 2948 du vendredi 9 mai 2014

Musique

Znoud el sitt. Une Emma Bovary très libanaise

A partir du 15 mai et jusqu’au 1er juin, le théâtre Monnot accueille, à 20h30, la comédie musicale satirique en libanais Znoud el sitt, écrite et produite par Marwa Khalil et Wafaa Halawi, qui coiffent également la casquette de comédiennes aux côtés de Patricia Nammour. Quand les masques tombent…
 

Il y a deux ans environ, Marwa Khalil a eu l’idée de travailler un texte dramaturgique sur le thème de la femme au foyer. Ce n’est qu’au bout de sept mois de tentatives de collaboration qu’elle approche Wafaa Halawi. Elles s’entendent tout de suite, se comprenant mutuellement et ayant une vision commune. Leur complicité est telle que l’une complète la phrase de l’autre. Elles commencent à élaborer le texte avec cette idée de base: parler de ce moment où la femme mariée se demande ce qui aurait été si elle avait dit non. S’inspirant de deux pièces, Une femme seule de Dario Fo et Franca Rame, et La peau d’Elisa de Carole Fréchette, elles esquissent le squelette du texte qu’elles enrichissent ensuite par les multiples entretiens qu’elles ont effectués avec plusieurs femmes mariées.
«Amal ressemble énormément aux Libanaises, au niveau culturel, du goût, du conte de fées, de la robe blanche», affirme Marwa. «Nous ne cherchons pas à dire qu’elle représente la femme libanaise, mais c’est l’histoire d’une femme ancrée dans notre société», ajoute Wafaa. Amal est la parfaite femme au foyer qui s’apprête à recevoir des invités à dîner. Préparant, durant la journée, des znoud el sitt selon la recette de sa mère, elle découvre une voisine dans l’immeuble d’en face. Est-elle fictive? Existe-t-elle réellement? Amal se présente et affiche l’image d’une femme épanouie. «Petit à petit, le masque tombe. Galère après galère, avec toutes les complications de préparation du dîner, elle se dévoile et la première couche qu’elle avait présentée à la voisine, une surface très luisante, comme au cinéma, comme dans les publicités, se détruit progressivement quand se révèlent son passé, ses rêves, ses fantasmes, et on découvre que c’est une femme légèrement hystérique, profondément seule».

 

Femme plurielle
Amal est «une femme à multiples facettes; elle est femme au foyer, femme adultère, femme-enfant. Parce que chaque femme est plurielle». Et pour exacerber ce côté et rendre la mise en scène plus intéressante que de se limiter à un solo ou un one woman show, Amal est interprétée par trois comédiennes: Marwa Khalil, Wafaa Halawi et Patricia Nammour. «Même costume, mêmes cheveux, même maquillage, elles complètent les phrases l’une de l’autre, comme une femme dédoublée qui se parle». La présence de trois comédiennes sur scène rend les parties musicales plus intéressantes. Le choix s’est porté sur une comédie musicale pour accentuer le côté «show», le côté publicité, comme Amal qui présente au monde un spectacle où tout est beau. Parce qu’au final, ajoute Wafaa, «elle est la première victime de la société de consommation. Elle a absorbé ces pubs et a voulu les projeter dans sa vie. Elle a créé des illusions et s’est retrouvée désillusionnée par elle-même».
Les paroles des chansons ont été écrites par Chadi Zein, qui a aussi créé les chorégraphies et s’est chargé de la mise en scène. «Il a, non seulement, beaucoup d’expérience dans le théâtre, mais il est très sensible au thème de la femme. Il est capable de la ridiculiser, de la rendre pathétique, puis de la remettre sur un piédestal, de la faire paraître très drôle avant qu’elle ne devienne forte, puis faible. Dans son esprit, l’image de la femme est plurielle. Il nous a aidés à rendre Amal un monstre touchant». Marwa et Wafaa insistent sur cette idée de monstre touchant. «Amal est une femme désillusionnée. Elle a trop rêvé et veut continuer à rêver du prince charmant. C’est peut-être sa morphine qui l’aide à tenir dans cette maison. Et chaque fois elle a été désillusionnée, et par le mariage et par ses relations d’adultère. Frustrée, elle n’est satisfaite ni dans l’une ni dans l’autre, car tout est fantasme. Amal a également un côté romantique. Elle a envie d’aimer, d’être aimée. Un romantisme puéril, à la Mme Bovary. Des Emma, il y en a beaucoup au Liban!».
A l’image du titre Znoud el-sitt, qui renvoie en même temps à ces douceurs libanaises et au fait que la femme représente le pilier de la maison, «la pièce a un côté doux au goût amer, une pièce divertissante mais composée de couches assez dramatiques. Les gens disent tout le temps avoir envie de rire au théâtre, alors nous utilisons la pilule du rire pour faire passer des idées crues».

Nayla Rached

Billets en vente à la Librairie Antoine: 45 000 L.L., 35 000 L.L. et 20 000 L.L. (étudiants).

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