Extraits de produits naturels et fabriqués par des micro-organismes tels les bactéries et les champignons, les antibiotiques, ayant eu jadis pour fonction de détruire ou de bloquer la croissance des bactéries, baissent aujourd’hui les bras. Au tour des bactéries de prendre leur revanche. Le Dr Jacques Mokhbat, infectiologue, nous renseigne au sujet du phénomène de la résistance aux bactéries.
Et si une épidémie d’un nouveau genre faisait son apparition aujourd’hui? Le phénomène de la résistance aux antibiotiques ou l’«épidémie de la résistance», tel que le qualifie le Dr Jacques Mokhbat, constitue actuellement l’un des problèmes majeurs du point de vue de la prise en charge des maladies infectieuses.
La genèse du phénomène
La résistance aux antibiotiques n’est pas récente. Elle a pris place avec l’introduction des antibiotiques. Le système de résistance existe en effet naturellement. «Ce n’est que lorsque l’homme a commencé à exercer une pression sélective dans l’utilisation des antibiotiques pour lutter contre les microbes, que ces derniers n’ont pas tardé à sélectionner les germes de plus en plus résistants et à développer des mutations ou des acquisitions de gènes de résistance qui devenaient de plus en plus prépondérants», explique le Dr Mokhbat.
En d’autres termes, chaque fois qu’on développe des antibiotiques de plus en plus sophistiqués contre les phénomènes de résistance préexistants, les bactéries parviennent à se dégager et à produire également de nouveaux mécanismes de résistance contre les nouveaux antibiotiques.
Un problème qui s’amplifie
L’utilisation des antibiotiques a, certes, permis une évolution spectaculaire de la médecine et de la chirurgie. Aujourd’hui, nous sommes arrivés à un stade où toutes ces techniques de traitement médical permettant de maintenir des personnes excessivement fragiles en bonne santé ont désormais provoqué l’apparition de germes de plus en plus résistants. «Nous avons malheureusement créé dans le milieu hospitalier une population de malades très, voire trop fragiles. Cette circulation importante de microbes très résistants dans les enceintes des hôpitaux surtout est indubitablement due à l’utilisation excessive d’antibiotiques», se désole l’infectiologue.
Mobiliser la société et les responsables
En dehors du milieu hospitalier, la sur-utilisation des antibiotiques a également favorisé un extraordinaire développement de germes résistants», ajoute l’infectiologue.
Espérant que la situation prenne un autre tournant, allant vers une modification dans la production et dans la prescription des antibiotiques, le Dr Mokhbat avoue penser «que la bataille est déjà perdue». «Une fois que vous avez des bactéries résistantes, vous ne pouvez plus les éliminer. Il s’agit d’une acquisition irréversible». «Les mécanismes de résistance sont transportés sur le même segment génétique et ces segments génétiques sont transportés de bactérie en bactérie et de famille bactérienne en famille bactérienne, ce qui devient de plus en plus épidémique», affirme-t-il.
Ainsi, pour limiter les dégâts, le Dr Jacques Mokhbat conseille d’utiliser les antibiotiques à bon escient.
Lutter contre la résistance
L’OMS (Organisation mondiale de la santé) considère que «chacun peut contribuer à lutter contre la résistance en:
♦ Utilisant les antibiotiques uniquement lorsqu’ils sont prescrits par un médecin.
♦ Terminant le traitement conformément à l’ordonnance, même si l’on se sent mieux.
♦ Ne partageant jamais des antibiotiques avec d’autres personnes et en n’utilisant jamais les médicaments restants d’une ordonnance précédente.
Seuls les médecins peuvent:
♦ Améliorer la prévention des infections et la lutte contre celles-ci.
♦ Ne prescrire et ne délivrer des antibiotiques que lorsqu’ils sont réellement nécessaires.
♦ Prescrire et délivrer le médicament antibiotique adapté à la maladie.
Les responsables politiques peuvent:
♦ Renforcer le suivi de la résistance et les capacités des laboratoires.
♦ Réglementer l’utilisation des médicaments et promouvant leur usage approprié.
Des équipes tentent de développer des thérapies «antivirulence». L’objectif n’est plus de tuer la bactérie responsable de l’infection, mais de bloquer les systèmes qui la rendent pathogène pour l’homme. Des antitoxines dirigées contre certaines toxines bactériennes sont à l’étude, ainsi qu’une molécule permettant de bloquer la cible du mécanisme de virulence du méningocoque.
Natasha Metni