Magazine Le Mensuel

Nº 2950 du vendredi 23 mai 2014

Film

Only lovers left alive. De beauté et de mélancolie

Après Broken flowers et The limits of control, Jim Jarmusch signe un dernier long métrage, Only lovers left alive, un film aussi hypnotisant et fascinant que son titre le suggère. Plongée au cœur d’un objet cinématographique de toute beauté exclusivement au cinéma Métropolis.
 

Un film de Jim Jarmusch restera toujours, simplicité déroutante, un film de Jim Jarmusch marqué du sceau particulier que l’un des cinéastes contemporains les plus mythiques a su préserver tout au long de sa carrière. Only lovers left alive vous entraînera dans son cercle fermé, à l’instar de ce disque vinyle tournant qui ouvre le film. Pour vous happer dans l’univers planant que Jarmusch crée et recrée au fil des scènes qui se suivent. Toujours en lenteur, en langueur, en sensualité. L’esthétique particulièrement soignée du film l’est à plus d’un niveau; elle est tout aussi bien visuelle, que sonore, verbale, émotionnelle. Un film tout en beauté, consacré à la beauté.
Il s’appelle Adam, alias Tom Hiddleston. Elle s’appelle Eve, alias Tilda Swinton. On dirait qu’ils sont seuls au monde, tant l’amour qu’ils éprouvent l’un envers l’autre est inconditionnel. Et pourtant, s’ils ne peuvent vivre l’un sans l’autre, ils vivent dans deux villes différentes. Detroit et Tanger, deux villes aussi différentes qu’ils le sont eux-mêmes. C’est qu’à Detroit, Adam vit retiré dans son manoir, loin des rues désolées et désertées de la ville. Tandis qu’Eve se promène le soir dans les ruelles étroites et chaleureuses de Tanger. Adam et Eve sont, comme le dit si délicieusement le titre du film, les seuls amants qui restent au monde. Amants amoureux encore comme au temps de l’adolescence. Amants passionnés de beauté; pour lui c’est la musique. Et pour elle, les livres. D’ailleurs, le meilleur ami d’Eve n’est autre que Christopher Marlowe (John Hurt), ce poète de l’ère élisabéthaine, contemporain de Shakespeare, à qui il aurait refilé bien des idées et des vers. Parce qu’Adam et Eve ont traversé les siècles, vampires vivant du sang des êtres humains, qu’ils ne boivent plus là à même le cou de la victime, mais qu’ils récupèrent dans des fioles. Un sang qui, aussitôt bu, les propulse dans un monde parallèle, tournoyant et introspectif.

 

Un objet lumineux
Et c’est là toute la force de Jim Jarmusch. Il restitue à cette figure éternelle, à ce mythe de l’éternel qu’est le vampire, toute sa gloire, sa mélancolie, sa sagesse, son mystère… Autant d’entités qui s’inscrivent en marge de la mode hollywoodienne actuelle, propulsée en grande pompe depuis la saga Twilight. Une figure défigurée qu’incarne dans le film de Jarmusch la sœur d’Eve, Eva, jeune vampire délurée et écervelée, drôle et sympathique, interprétée par Mia Wasikowska. Avec son esthétique soignée, sa bande-son hypnotique, la figure symbolique du vampire, la thématique mystérieuse et fascinante de l’amour, Only lovers left alive est un véritable objet illuminé et lumineux, inspiré et inspirant. De ses multiples facettes, mille et une envies de lecture se dégagent. Selon Le Nouvel Observateur, «le film tourne en rond très vite, on le sait, Jarmusch le sait, c’est au spectateur d’adhérer à ce programme en circuit fermé, de se laisser bercer par ce ressassement d’harmonies familières avec le même bonheur hypnotique, un peu aliénant, qu’on éprouve à écouter en boucle ses albums de chevet». Quant à Libération, le verdict est simple: «Jarmusch accorde à la légion happy few des inconsolés d’un présent trop fruste l’exil d’un film absolument merveilleux».
Et pour ceux qui reprocheraient à Jarmusch de cacher sous une esthétique ultra-soignée de l’image le simple message de «c’était mieux avant», la fin contrebalance cette hypothèse, et par la sublime transgression qu’Adam et Eve opèrent et par la découverte d’une nouvelle pépite de beauté que Jim Jarmusch a trouvée dans la chanteuse libanaise Yasmine Hamdane. Only lovers left alive ne s’adressera peut-être, sûrement pas, à tout public; aux ados férus de Twilight et autres vampires du genre flashy, ces dandys de l’esthète passeront pour des dépassés. Mais pour les autres, ils resteront éternels, taillés dans l’immortelle beauté. Une beauté cinématographique qui impose un rythme, une lenteur, une sensualité, des silences et des mots simples et subtils, qui reflètent toute forme de beauté même.

Nayla Rached
 

Exclusivement au cinéma Métropolis, à l’Empire-Sofil.

A week of Danish Cinema
L’Association Métropolis et l’ambassade du Danemark au Liban présentent la 3e édition du Danish Film Festival, qui aura lieu au cinéma Métropolis du 29 mai au 4 juin. Cette édition du Danish Feast offre au public 
libanais une sélection de films de fiction et de documentaires contemporains.
www.metropoliscinema.org et page 
Facebook: 3rd edition of Danish Feast – A week of Danish Cinema.

En salles aussi
X-Men: Days of future past 3D
Action de Bryan Singer.

The Bag Man
Thriller de David Grovic.

Oculus
Epouvante de Mike Flanagan.

Legends of Oz: Dorothy’s return
Animation de Will Finn et Dan St. Pierre.

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