En annonçant être prêt à participer à une élection présidentielle qui se limiterait à deux candidats, le leader du CPL rejette la responsabilité du vide et tente de semer la zizanie au sein du 14 mars.
Fatigué d’être dépeint comme le responsable de la non-tenue de l’élection présidentielle, Michel Aoun a trouvé la parade. «Je suis prêt à me rendre au Parlement pour élire un président si on limite la compétition à Samir Geagea et moi, sur la base d’un engagement préalable de tous les blocs parlementaires à ne voter que pour l’un de nous deux», a annoncé la semaine dernière le leader du Courant patriotique libre (CPL) dans un entretien télévisé sur la MTV. Le coup tactique est presque parfait. Une pierre, trois coups. Les accusations lancées contre lui par le 14 mars, qui le soupçonne de vouloir prolonger le vide à la présidence, tombent. Aoun veut des élections et jouer le jeu démocratique. En appelant à choisir entre les deux candidats les plus forts sur la scène chrétienne, le leader du CPL se repositionne dans cette catégorie et tente de mettre fin à la recherche d’un président dit de consensus. Et en adoubant Samir Geagea comme le seul candidat susceptible de débloquer l’élection, Michel Aoun cherche à semer le trouble au sein du 14 mars appelé à clarifier ses options. L’initiative a produit des effets immédiats.
Lundi, Samir Geaega a salué «l’excellente initiative sur le principe» de Michel Aoun, ajoutant que la présence d’autres candidats ne ferait pas de différence. «Se présenter à l’élection présidentielle est un droit pour tous et comme nous savons que Aoun et moi sommes les deux candidats les plus forts, les autres seront éliminés lors des premiers tours de scrutin». C’est sur cet angle-là que se sont concentrées les attaques contre l’initiative du leader du CPL. Ce dernier attendait surtout la réaction d’Henri Hélou, soutenu par Walid Joumblatt. Sévère, il déclare que «la proposition de Michel Aoun est contraire à tous les principes élémentaires de la démocratie», ajoutant qu’un candidat fort «n’a pas besoin d’exclure d’autres candidats de la course». Le premier objectif non déclaré de Aoun est ici atteint. En réalité, la candidature de Hélou est celle que Aoun craint le plus et la réaction de ce dernier le conforte dans sa réflexion.
En clair, Aoun estime que si l’élection se jouait entre Geagea, Hélou et lui, le 14 mars en profiterait pour se rallier à la candidature soutenue par Joumblatt pour le battre. Autre signe de cette alliance non actée, les déclarations d’Amine Gemayel dont la candidature est reposée dans les rangs des Forces libanaises, visiblement plus enclines à jouer le jeu, sans doute pour freiner la recherche d’un troisième homme. «Si Gemayel réussissait à obtenir le soutien d’une des composantes du 8 mars, je me retirerais alors en sa faveur», a expliqué Geagea. Autre opposition forte, celle de Boutros Harb. «La solution qu’il avance aujourd’hui n’en est pas une. Qui lui donne d’abord le droit de limiter la candidature à la tête de l’Etat à deux personnes seulement? De toute façon, aucun des deux ne peut être élu parce qu’aucun des deux ne pourra réunir plus de 51% des voix des députés».
Le ministre des Télécommunications rejoint ainsi le Courant du futur qui, par la voix de plusieurs de ses cadres, dont le ministre de l’Intérieur Nouhad Machnouk, estime que «ni Aoun ni Geagea ne peuvent accéder à la présidence». Dans ses rêves les plus utopiques, Aoun espère que Geagea va contraindre le Courant du futur et le 14 mars à jouer le jeu. De manière plus réaliste, le leader du CPL espérait que le coup de pouce qu’il tente de donner au leader des FL diviserait les rangs du 14 mars et ferait cesser les accusations de blocage contre lui. Rien, en fait, qui ne puisse changer le sort de l’élection présidentielle.
Julien Abi Ramia
Le CPL dénonce «l’hégémonisme»
A l’issue de sa réunion hebdomadaire, le bloc parlementaire du Changement et de la Réforme a expliqué que «les réactions négatives de certaines composantes parlementaires» à l’égard de ses propositions dans ce domaine «démontrent la persistance de la mentalité de transgression de la Constitution et de spoliation des droits des chrétiens», appelant à ce que «le peuple choisisse ses représentants réels, comme le stipulent les dispositions de la Constitution, le pacte national et les impératifs de la coexistence et de l’entente nationale», et que «cesse la politique d’hégémonisme et de spoliation des droits d’autrui».