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Nº 2977 du vendredi 28 novembre 2014

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La liste détaillée du matériel français. Quelles armes pour la troupe?

Acquis depuis la visite de François Hollande en Arabie saoudite, en décembre 2013, le contrat d’armement franco-saoudien de trois milliards de dollars a été signé le 4 novembre dernier à Riyad. Ces équipements vont permettre à l’Armée libanaise de renforcer ses capacités de dissuasion, de surveillance et d’attaque face aux menaces terroristes de plus en plus mobiles. Premières livraisons prévues pour le premier trimestre 2015. De quels types d’armements s’agit-il?

 

L’idée d’un renforcement de l’Armée libanaise émerge en octobre 2013, lors d’un entretien entre le roi Abdallah et le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian. Quelques semaines plus tard, au cours de la visite du président François Hollande à Riyad, la France et l’Arabie saoudite exprimeront leur soutien à la stabilité du Liban à l’aune de la crise syrienne. Dans ce contexte, l’armée apparaît comme l’une des rares institutions garantes de la stabilité du pays, si ce n’est la seule. Et comme elle est sous-équipée et sous-entraînée, son renforcement est une priorité stratégique. En décembre 2013, les deux pays s’accordent sur un méga-contrat triangulaire. L’Arabie saoudite s’engage à verser trois milliards de dollars à la France – 2,1 milliards d’achat de matériels et 900 millions d’entretien – une somme qui servira à équiper les Forces armées libanaises (Fal), qui choisiront leurs armes. Les négociations auront donc duré près d’un an. En août, le général Jean Kahwagi, commandant en chef de l’Armée libanaise, n’avait pas caché son impatience. «Nous avons besoin, dans la bataille actuelle, d’équipements, de matériel et de technologies (…). Il est nécessaire d’accélérer la fourniture d’aides militaires à travers la finalisation des listes des armes demandées à la France dans le cadre de l’accord de financement saoudien et de la conférence de Rome».

 

45% pour le matériel terrestre
Définie en partant d’un plan d’équipement publié par l’Armée libanaise de 2013, la liste de matériels prend peu à peu forme entre février et mars 2014. Les débats font rage entre les partenaires, le commandant en chef de l’armée faisant régulièrement part de son impatience, voire de son irritation. Des intermédiaires locaux tentent de s’inviter à la table des négociations, sans succès. En avril, la «shopping list» est enfin validée à Riyad. Que contient-elle?

Le matériel terrestre engloutit 45% des financements saoudiens, la commande comprend des véhicules blindés d’infanterie (VAB) Mark III fabriqués par Renault Trucks Defense (RTD). Le VAB est un véhicule polyvalent, conçu à l’origine pour le transport de troupe, qui peut intégrer des systèmes d’armes, de communication ou bien servir de poste de commandement. Il s’agit du véhicule de base des régiments d’infanterie sur les théâtres des opérations. Le nombre de VAB n’est pas encore connu, mais on parle d’une centaine au maximum, selon des sources françaises.

Deuxième entrée de cette liste, des véhicules blindés légers (VBL), également fabriqués par RTD. Plus petit que les VAB, il permet d’effectuer des reconnaissances sur les terrains d’opération ou des liaisons sous blindage, tout en étant protégé contre les attaques. Les VBL livrés seront sans doute équipés de mitrailleuses antichars, voire de missiles antiaériens Mistral.

Troisième entrée, une vingtaine de Caesar fabriqués par Nexter Systems, des camions équipés de système d’artillerie. Il s’agit d’un canon automoteur de 155 mm, long de 52 calibres, soit un peu plus de huit mètres, d’une portée de près de 50 kilomètres, capable de tirer huit coups par minute.

 

Des Gazelle armés de Hot
Pour le matériel aérien, qui représente 30% des financements, l’Armée libanaise recevra des hélicoptères d’attaque Gazelle d’occasion, armés, chacun, de quatre missiles Hot. Leurs principales missions sont la reconnaissance jour/nuit et la destruction de blindés ou d’ouvrages protégés. Longs de 12 mètres et hauts de 3,19 mètres, les Gazelle se sont particulièrement illustrés pendant la première guerre du Golfe, et plus récemment en Libye et en Côte d’Ivoire. Dans la liste figurent également des hélicoptères de transport de type Cougar et des drones tactiques de renseignement militaire SDTI, fabriqués par Sagem, qui transportent des caméras gyrostabilisées permettant la prise d’images aériennes en lumière visible et en infrarouge, le suivi et la désignation de cibles et assurent l’appui des troupes au sol et le réglage des tirs d’artillerie.

Sur mer, trois ou quatre patrouilleurs font partie de la shopping list. Ils seront fabriqués par les Constructions mécaniques de Normandie (CMN), présidées par Iskandar Safa. Une seule livraison souhaitée par le Liban a fait l’objet d’un veto français: des missiles antinavires Exocet. Ces engins, de peu d’usage contre les groupes terroristes, auraient en revanche menacé la marine israélienne au large des côtes libanaises. Autre déception, l’état-major libanais souhaitait acquérir des chars de combat. Il espérait acheter des Leopard 2 d’occasion de fabrication allemande, mais il s’est heurté au veto de Berlin. Paris était prêt à céder des Leclerc, mais leur coût d’achat et de maintenance s’est avéré trop élevé. Pour des raisons financières, le Liban a également renoncé à acquérir des missiles sol-air Crotale et des véhicules blindés de combat d’infanterie.

Le montage complexe de ce contrat, avec un payeur, un vendeur et un receveur différent, explique en grande partie le retard pris pour la finalisation de l’opération. Pour faciliter les négociations, la France et l’Arabie saoudite ont fait appel à l’Odas, un organisme codétenu par l’Etat français et les industriels de la défense, créé à l’origine pour représenter la France dans les grandes ventes d’armes en Arabie saoudite. Dirigé par l’ancien chef d’état-major des armées, l’amiral Edouard Guillaud, Odas se charge de conduire l’opération, avec des appels d’offres express adressés aux industriels. Durant les mois d’avril et de mai, une vingtaine de sociétés françaises sont sélectionnées. Reste à obtenir l’aval du ministère saoudien des Finances, Ibrahim el-Assaf. L’accord est trouvé en juillet, juste avant la grande coupure du Ramadan. En tout, ce seront 31 contrats que l’Arabie saoudite a signés avec la France par l’intermédiaire d’Odas.

 

Riyad sous pression de l’Iran

En coulisse, les tractations se succèdent. L’Iran, soutien du Hezbollah, suit avec attention l’avancée du processus. Israël regarde aussi avec inquiétude les négociations franco-saoudo-libanaises, pressant Paris de limiter la liste des équipements français transférés, notamment les missiles, craignant qu’ils puissent être récupérés par le Hezbollah. «Israël est un pays ami de la France, ses questions sont légitimes, mais cela n’a modifié en rien le projet», expliquent des sources françaises proches du dossier.

En réalité, l’Iran aura servi de détonateur. Car Téhéran a proposé à Beyrouth un don d’un milliard de dollars pour s’équiper militairement. L’Iran avait même donné carte blanche aux Libanais dans le choix des armements. Des livraisons qui auraient pu s’accompagner de la venue de conseillers militaires iraniens. Une opération qui était «un vrai souci» pour l’Arabie saoudite, d’où le nouvel empressement de la famille royale à finaliser le contrat.

Des discussions techniques et des marchandages sur le taux de change dollar/euro doivent se poursuivre au cours des trois prochaines semaines, avant le premier versement. Les livraisons s’étaleront sur trois ans, jusqu’en 2018, pour les hélicoptères Cougar, qui seront livrés en dernier, et les contrats de maintenance sur dix ans. Ce plan d’équipement s’accompagne d’un programme de formation opérationnelle des militaires libanais, confié à l’armée française. Selon des sources proches du dossier, les Saoudiens ont mis des exigences claires: ils ne voulaient pas de déperdition d’argent. Lorsque le 4 novembre, Ibrahim el-Assaf et Edouard Guillaud signent le contrat de livraison, il s’agit d’une étape technique, mais importante, parce que sa finalisation était impatiemment attendue par Beyrouth.

Julien Abi Ramia

 

Derniers détails
Selon la presse libanaise, une délégation technique française s’est rendue à Beyrouth, il y a quelques jours, pour mettre la dernière main sur le contrat franco-saoudien de livraison d’armes au Liban avec le commandant en chef de l’armée, Jean Kahwagi. Au cours de ces réunions bipartites, les responsables de l’Armée libanaise ont spécifié le type d’armes et de munitions dont ils ont besoin. Il y a quelques jours, il restait encore entre 150 à 300 millions de dollars à dépenser. Selon un responsable français cité par le journal, les négociations ne nécessitent pas plus de cinquante jours pour que l’affaire soit conclue.

 

 

 

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