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Nº 2980 du vendredi 19 décembre 2014

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Un an – Journal d’une année comme les autres. L’exercice de style de Mazen Kerbaj

Comment esquisser une journée? Mazen Kerbaj s’est lancé le défi de faire un dessin par jour durant une année entière. Le résultat, Un an – Journal d’une année comme les autres, publié aux éditions Tamyras.
 

Un agenda. Un an. Des journées à remplir. Des feuilles à remplir. Cela peut paraître simple à l’énoncé, aussi simple que les jours d’une année qui s’écoulent. 365 jours, plutôt 366 jours, 2012 étant une année bissextile. C’est cette année-là que Mazen Kerbaj s’était lancé ce défi de faire un dessin par jour sur les pages d’un agenda. Les éléments de départ sont donc là, à portée de main: les jours de l’année, un agenda basique, une journée par page, des feuilles, des stylos, de l’encre, des feutres, des couleurs, du fusain… et tout autre élément de passage comme un billet d’avion, des morceaux d’affiches, de posters, des mouchoirs pris d’un pub… et l’imagination de Mazen Kerbaj. Et c’est là que tout reste à faire, que la simplicité de l’idée dévoile ses difficultés. Parce qu’il y a un quotidien à retranscrire, le manque d’inspiration à gérer, la routine, l’habitude, la fatigue, la hantise du rien à dire aujourd’hui, du rien à dessiner, la lassitude face au projet lui-même… bref, le défi d’esquisser le jour.
Pari relevé. Mazen Kerbaj aboutit à 382 dessins emmêlant les techniques les plus variées et traitant de sujets tout aussi divers. Des dessins qui ont été exposés au cours du Salon du livre francophone de Beyrouth en 2013 et que les éditions Tamyras ont décidé d’éditer dans un seul ouvrage sorti récemment. Un exercice de style auquel se prête Mazen Kerbaj, entre l’humour, l’ironie, la tendresse, et qu’il invite le lecteur à parcourir, à feuilleter surtout. C’est qu’il n’est pas facile de lire, ou plus justement de regarder, cet agenda de bout en bout, d’une seule traite. Ce n’est en tout cas pas le but. Un an – Journal d’une année comme les autres se laisse découvrir, quand l’envie prend le lecteur de plonger dans l’univers particulier de Mazen Kerbaj. Les moments de lecture et de découverte s’entrecroisent alors sans nécessairement 
se succéder.
 

Instantanés de vie
Et l’agenda ouvre ses pages. Parfois, ce sont des gribouillis noirs, comme il le dit, d’autres des gribouillis en couleurs. Certaines pages s’emplissent de formes, géométriques ou pas, symétriques ou pas, d’ombres, de semblants de corps ou de visages esquissés en quelques traits, noirs ou en couleurs aussi. Des bulles qui s’emplissent de mots… «Dormi à 7 heures du matin… pour toute la journée». Mazen Kerbaj interrompt sa journée pour la dérouler sur papier. Il évoque sa vie, sa famille, ses amis, ses enfants, sa femme… des circonstances, des situations encourues, des concerts donnés avec son groupe de musiciens ou des concerts entendus, des soirées quotidiennes dans un bar à Beyrouth et des soirées chez des amis, l’angoisse de la situation au Liban, en Palestine, en Syrie, les affres du travail en «free-lance», les voyages, les états d’âme, les questionnements… Des instants de vie, des instants suspendus, qu’il croque à même la surface de la feuille.
Quand l’envie ou la lassitude le saisit, voilà que certaines pages s’emplissent par d’autres mains, celles d’amis, dessinateurs et collègues, ou de personnes rencontrées au hasard de la vie, des dessins auxquels il ajoute d’une manière ou d’une autre sa propre signature. Et quand le mois se termine, le temps de faire le bilan de ces quelques jours, de ces quelques semaines écoulés. Là aussi, Mazen Kerbaj empile traits esquissés au stylo et mots qui flamboient. Le temps d’une année, le lecteur partage la vie de Mazen Kerbaj, ou du moins ce qu’il accepte de partager, sans tabous, sans préjugés, sans tentative de se dérober. Il se montre tel qu’il est, dans ses pensées comme dans ses faiblesses, dans son quotidien comme dans son espace intime. Non, il ne s’agit pas de «confessions», d’un journal ou d’un carnet de croquis. Mais d’une exploration qui s’effectue au détour de déambulations, tantôt allègres, tantôt plus chargées. Des déambulations au cœur d’une ville vécue d’un angle bien précis qui n’est autre que le reflet de l’autoportrait qu’esquisse Mazen Kerbaj.

Nayla Rached

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