Magazine Le Mensuel

Nº 2990 du vendredi 27 février 2015

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Hagop Pakradounian, député et secrétaire général du Tachnag. «Pourquoi pas de consensus autour d’un président fort?»

Député du Tachnag, membre du Bloc du Changement et de la Réforme, Hagop Pakradounian est élu récemment secrétaire général du parti Tachnag. Les derniers développements sur la scène locale, les différents dialogues interlibanais, la question incontournable de l’élection présidentielle et la situation du gouvernement ont été au cœur de l’entretien qu’il a accordé à Magazine.  
 

Avec votre élection au poste de secrétaire général du Tachnag, y aura-t-il un changement dans la ligne politique du parti?
Le Tachnag est un parti géré par un règlement intérieur, qui croit au principe des élections et de l’alternance du pouvoir. C’est l’un des rares partis qui procèdent à des élections tous les deux ans. Le changement du secrétaire général n’a pas d’influence sur les positions du parti. Les décisions importantes se prennent dans les assemblées générales qui se tiennent en février tous les deux ans. Les discussions des assemblées générales portent sur des questions de politique intérieure et sur des affaires relevant de la communauté arménienne. L’expression «secrétaire général» n’est pas utilisée au sein du parti, elle est remplacée par «le gardien du règlement». Celui-ci exécute les décisions de l’assemblée générale. Les constantes du Tachnag, depuis sa fondation en 1902 au Liban − et en 1890 dans le monde −, qui font de lui le plus ancien parti au Liban, ne changent pas. Nous sommes attachés à la liberté, à la souveraineté et à l’indépendance du Liban. Nous croyons à la modération, au dialogue et à l’ouverture sur tous les partis politiques libanais. Notre principal souci depuis l’indépendance du Liban est de sauvegarder et de préserver la coexistence. Le dialogue est le seul moyen de résoudre les problèmes au Liban.

Cette année, nous commémorons le 100e anniversaire du génocide arménien perpétré par les Turcs…
Cela représente un tournant historique qui ne concerne pas seulement le peuple arménien. Nous avons des similitudes avec le peuple libanais. Pendant la Première Guerre mondiale, les Arméniens ont souffert du génocide, alors que le Liban a connu la famine sous l’occupation turque et a perdu le tiers de sa population. Je n’aime pas utiliser la formule Arméniens et Libanais. Je préfère distinguer entre les Libanais qui parlent l’arménien et ceux qui ne le parlent pas. Il existe une histoire commune entre nos deux peuples. Ce sont deux minorités dans cet Orient qui ont été les victimes de l’Empire ottoman. Il existe un destin commun, non seulement entre les Arméniens et les Libanais, mais avec tous les peuples arabes. Je suis très étonné lorsque j’entends parler des relations historiques entre les Turcs et les peuples arabes. De quelles relations s’agit-il? Des relations de maître à esclave? Des relations de sang? De dictature? D’invasion? C’est ce genre de relations que je constate lorsque je reviens vers l’Histoire. Ce que les Turcs n’ont pas réussi à obtenir par le fer et le sang, ils le font avec l’économie et l’argent et, aujourd’hui, ils tentent de réaliser leurs desseins à travers les groupes terroristes. Actuellement, on assiste à un éveil et une prise de conscience chez les peuples. Le masque turc est tombé.

 

Pensez-vous que les derniers discours respectifs de Saad Hariri et de sayyed Hassan Nasrallah peuvent porter atteinte au dialogue?
Non. J’ai fait partie du Comité du dialogue national et je peux vous dire que ce qui se dit à l’intérieur est différent de ce qui se dit en dehors des murs. A l’intérieur ce sont des paroles mielleuses, tout le monde se parle de manière naturelle.

Que pensez-vous des dialogues qui ont lieu, d’une part, entre le Hezbollah et le Courant du futur et, d’autre part, entre le CPL et les FL?
Pour nous, le dialogue est une constante. Notre expérience politique montre que la composition et les ramifications intérieures du Liban créent des situations qui ne peuvent être résolues que par le dialogue. Nous avons toujours appelé au dialogue comme moyen de régler les différends. En 1975, avec d’autres partis arméniens, nous avons tiré la sonnette d’alarme, prédisant que le pays se dirigeait vers une guerre. Nous avons adopté la neutralité positive, ou plutôt une neutralité engagée, car nous nous étions engagés à ne pas prendre part à la guerre. Par la suite, on a dû conclure l’accord de Taëf, qui ne répond ni aux aspirations des chrétiens ni à celles des musulmans, pour mettre un terme à la guerre. Durant tous les événements, nous avons appelé au dialogue et tenté de protéger ce qui restait de l’unité nationale. Le dialogue est la seule issue. Même si c’est un dialogue pour sauver les apparences ou pour l’image, il est nécessaire et nous en avons besoin, sans toutefois donner de faux espoirs aux gens. Il existe des divergences profondes entre les deux partis. A partir de là, le dialogue entre le Hezbollah et le Courant du futur est une nécessité absolue pour réduire la tension sectaire dans la rue et essayer de rapprocher les points de vue. Bien que les grandes questions ne soient pas à l’ordre du jour du dialogue, celui-ci réalise une légère avancée. La glace entre les deux parties a été brisée. Ce dialogue contribue à réduire les problèmes au niveau libanais.

Et le dialogue entre le CPL et les FL?
Après trente ans de discorde, de lutte et de sang, un dialogue entre les deux s’impose. Nous faisons face à une grande invasion et, pour lutter contre elle, une solidarité chrétienne interne est primordiale. L’effritement des chrétiens n’aide personne. Le dialogue est important. Il peut durer et prendre du temps, car trente ans de séparation, de confrontation et de sang ne peuvent être résolus en quelques séances. La présidence est laissée de côté pour tenter de régler d’autres points. Une percée est faite sur le plan des négociations. On espère que tout sera réglé avant le prochain anniversaire du général. Même s’il prend du temps, il est heureux que ce dialogue ait lieu.

Le docteur Samir Geagea pourrait-il appuyer la candidature du général Michel Aoun?
Ce n’est pas facile pour le docteur Geagea d’appuyer la candidature de Aoun, mais il n’est pas difficile à Aoun de convaincre Geagea.  
 
Qu’en est-il de l’élection présidentielle?
Depuis 1943, aucun président n’a été à proprement parler élu au Liban. Cette élection a toujours été le fruit de compromis. Cela ne signifie pas que nous ne pourrions pas élire un président nous-mêmes. Nous pouvons le faire à condition de profiter des circonstances car, aujourd’hui, les pays décideurs ont d’autres priorités qui sont le nucléaire, le Yémen, Bahreïn et la Syrie, le Liban vient en dernier lieu. Le seul intérêt porté au pays du Cèdre est qu’il conserve sa stabilité. On peut saisir l’occasion et élire un président. Pour cela, il faut que les maronites, puis les chrétiens en général, se mettent d’accord sur la personne du président et le présenter à nos partenaires musulmans. Bien que la présidence appartienne aux maronites, en particulier, et aux chrétiens, en général, elle appartient aussi à tous les Libanais. Ceci ne veut pas dire qu’on doit se mettre d’accord sur un président consensuel faible. Le président consensuel ne peut-il pas être fort? Le président fort est celui qui représente tout le monde et qui fait preuve de sagesse. Après la démission du gouvernement Mikati, nous sommes restés onze mois sans gouvernement, la Chambre a prorogé son mandat deux fois, bien que nous ayons voté contre. Nous sommes constamment à la recherche de solutions provisoires. Aujourd’hui, nous nous habituons à un Etat sans président, gouverné par 24 ministres. Notre but est de ne pas accepter ces situations d’exception, mais d’élire un président. A partir de là, on ne doit pas dans le cadre du Conseil des ministres prendre des initiatives qui servent à tuer le temps, à s’accoutumer au vide présidentiel et à ne pas œuvrer sérieusement à élire un président.

Sommes-nous au bord d’une crise gouvernementale et d’une nouvelle vacance?
Il n’y a pas de vacance au niveau du gouvernement. Ce serait un suicide collectif. Mais il ne faut pas non plus profiter de la situation pour monopoliser les décisions et recourir à des majorités qui pourraient mettre en péril la coexistence et qui sont en contradiction avec les prérogatives du président. Nous sommes prêts à étudier la proposition des mécanismes, sans toutefois donner au Conseil des ministres des prérogatives qui le font remplacer le président de la République.  

Que pensez-vous des propos de Nabih Berry qui dit qu’il foncerait comme un bulldozer si les chrétiens se mettaient d’accord?
Il est certain que le président Berry est le maître du dialogue dans le pays. Je suis sûr qu’il peut foncer comme un bulldozer. Je souhaite que les chefs chrétiens en profitent pour que toutes les parties libanaises puissent en profiter et élire un président fort.

Propos recueillis par Joëlle Seif

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