Pendant que le dialogue entre le CPL et les FL, lointain mais seul espoir d’une élection «libanaise» d’un président, suit son cours, le gouvernement qui s’est remis au travail et le Parlement qui pourrait tenir séance dans les prochains jours pour faire passer plusieurs lois, assument les prérogatives du chef de l’Etat.
Quelques jours avant l’ouverture de la session ordinaire du Parlement, programmée pour le 17 du mois, son président Nabih Berry a expliqué à ses visiteurs qu’il devrait bientôt convoquer une session dans l’hémicycle pour discuter des projets de loi qu’il estime urgents. Le président de la Chambre a indiqué qu’il allait appeler les membres du secrétariat du Parlement à se réunir pour fixer l’ordre du jour de ladite session. Berry a déjà indiqué qu’il souhaitait que soient étudiés le projet de loi sur la sécurité alimentaire, la nouvelle grille des salaires pour la fonction publique − si les commissions parlementaires finalisaient le texte − ainsi que la loi contre le blanchiment d’argent. Il prend sciemment les devants pour rassurer les Forces libanaises et les Kataëb, qui ont exprimé leur opposition à l’exercice de leur mandature parlementaire en l’absence d’un chef de l’Etat. Mardi, Antoine Zahra, député FL et membre du secrétariat du Parlement, a précisé la position de son parti.
Définir les lois d’urgence
Dans une conférence de presse qu’il a tenue au Parlement, l’élu de Batroun a déclaré qu’il était «impossible que le Parlement reprenne une activité normale en l’absence d’un président». «Les articles 73, 74 et 75 de la Constitution stipulent qu’en cas de vacance à la présidence de la République, le Parlement devient un collège électoral. Il ne devrait pas y avoir d’autres interprétations de ces textes, clairs sur ce point». Zahra explique, pourtant, que son parti accepterait d’étudier des projets de loi «urgents et vitaux». Ces projets? «Une nouvelle loi électorale, le projet de budget 2015 et la nouvelle grille des salaires». Voilà au moins un point d’accord. La position des Forces libanaises rejoint celles des Kataëb et du patriarche maronite Béchara Raï. Si l’ordre du jour que proposerait Nabih Berry conduisait au boycott des blocs parlementaires des FL et des phalangistes, la représentation des chrétiens serait assurée par les députés du CPL.
Mardi, à la suite de la réunion hebdomadaire du Bloc du Changement et de la Réforme à Rabié, Salim Jreissati a salué la décision de Berry de réactiver le travail du Parlement. «La vacance de la présidence n’empêche pas que les autres institutions exercent leurs fonctions qui servent les intérêts nécessaires et urgents du peuple», a-t-il expliqué.
L’ancien ministre a listé les lois que le bloc qualifie d’urgentes: la loi sur l’octroi de la nationalité libanaise aux personnes originaires du pays, la loi-cadre sur les fournitures militaires à l’armée, visant à fournir à la troupe des armes, les lois d’ordre financier, les amendements de la loi sur les loyers, l’échelle des salaires, ainsi que la loi sur la protection sociale. En d’autres termes, un autre catalogue de lois qui s’ajoute à celui des Forces libanaises. Nabih Berry aura visiblement du pain sur la planche.
Le dialogue chrétien
Mardi, à ses visiteurs, Nabih Berry a expliqué qu’il n’avait «aucun espoir» que la 20e session du Parlement pour élire un président, prévue pour le lendemain, subisse un autre sort que les 19 précédentes sessions. La séance de mercredi lui a, sans surprise, donné raison. Le déblocage de l’élection présidentielle dépend de l’évolution du dialogue entre Michel Aoun et Samir Geagea. Sur le sujet, Jreissati a expliqué que «le dialogue en cours avec les Forces libanaises se base sur les principes suivants: la République, donc les garanties sur sa survivance, d’abord. Nous devons nous accorder sur ces garanties et les mécanismes de mise en œuvre. Les deux partis discutent de cela en ce moment dans le but d’aboutir à une déclaration commune». Comme celui qui réunit le Hezbollah et le Courant du futur, le dialogue entre le Courant patriotique libre et les Forces libanaises est tiraillé par deux forces contraires. Les députés des deux camps dont les électeurs sont toujours aussi imprégnés de la rivalité historique entre les deux partis. Un état de fait qui se manifeste clairement du côté des élus des Forces libanaises.
La présidentielle stagne
Dans une interview, parue lundi dans la presse locale, le vice-président des FL, Georges Adwan, a expliqué qu’il existait «un différend politique substantiel» entre les deux partis. «Comment les Forces libanaises, qui ont lutté pendant toute leur histoire et, au cours des dix dernières années, contre le mémorandum entre Aoun et le Hezbollah, pourrait le soutenir [à la présidence]? Ce serait illogique», a déclaré le député du Chouf. Le général à la retraite Wehbé Katicha a tenu sensiblement des propos d’une même teneur que le leader du parti, Samir Geagea, et son équipe ont tenu à atténuer.
«Les Forces libanaises attachent une grande importance à la poursuite du dialogue avec le CPL sur toutes les questions, y compris la présidence», pouvait-on lire dans le communiqué publié par le département média du parti. «Les Forces libanaises n’opposent de veto sur personne et travaillent très dur à l’élection d’un président libanais». Cette semaine, les envoyés des deux candidats à la présidentielle, Melhem Riachi pour les FL et le député Ibrahim Kanaan pour le CPL, ont finalisé un document en 17 points qui devrait être présenté aux deux leaders chrétiens.
Entre la réactivation des institutions, qui s’adaptent à l’absence de président, et le long chemin que constitue le dialogue entre les deux premiers partis chrétiens, l’élection d’un chef d’Etat semble toujours aussi éloignée. «De petits progrès ont été faits sur la question présidentielle», a déclaré lundi le leader du CPL à Aïn el-Tiné, après une rencontre avec Nabih Berry. Sur un mode déclamatoire, le bloc parlementaire du Courant du futur a déclaré que «les efforts politiques devraient actuellement se concentrer sur l’élection d’un nouveau président», accusant indirectement le Hezbollah et ses alliés d’être «les seuls responsables de la paralysie et du vide présidentiel».
Dans une interview parue mardi, Walid Joumblatt déclarait ceci: «Je sais que certains vont m’en vouloir, mais il est nécessaire de dire la vérité: les maronites mènent des actions qui ressemblent au suicide, comme le prouvent les expériences du passé jusqu’à arriver à celles du présent», a-t-il affirmé. «Avec le recul de la présence chrétienne en Irak, en Palestine et en Syrie, le Liban est devenu le seul point de concentration pour leur présence en Orient. Les chrétiens doivent donc traiter avec réalisme la question présidentielle afin de conserver leur rôle auquel nous tenons».
Julien Abi Ramia
Joumblatt se retire en mai
Le leader du Parti socialiste progressiste (PSP), Walid Joumblatt, a annoncé qu’il démissionnerait prochainement de son mandat de député, ouvrant ainsi la voie à sa succession pour son fils Taymour. Le président de la Chambre, Nabih Berry, lui a promis d’organiser des élections en mai. «Taymour Joumblatt se présentera aux législatives dans le cadre d’une bataille électorale ordinaire, à l’instar de tous les autres candidats», a indiqué le bureau de presse du PSP.