Magazine Le Mensuel

Nº 3000 du vendredi 8 mai 2015

Confidences Liban

Confidences Liban

Priorité à la stabilité
Quel regard porte l’Administration américaine sur la conjoncture libanaise? Une personnalité politique libanaise de retour de Washington le résume comme suit: la sauvegarde du statu quo, c’est-à-dire la stabilité politique et sécuritaire, est fondamentale. Pas d’élection présidentielle à l’horizon avant un ou deux ans. Pas de dissociation entre un règlement en Syrie basé sur Genève I, et le règlement de la crise au Liban. Il est interdit d’ébranler la structure gouvernementale du président Tammam Salam. Enthousiasme américain pour la poursuite de la lutte antiterroriste. Encouragement du dialogue entre le Moustaqbal et le Hezbollah. La structure sécuritaire actuelle au Liban est la garante de la sécurité. Il est donc défendu d’y toucher, la reconduction du mandat d’un chef demeurant préférable à la vacance de la fonction. Les Américains sont, par ailleurs, poursuit la source, fort admiratifs des accomplissements des institutions militaires et sécuritaires.

 

Retour aux attentats suicide?
Inquiétude dans les milieux du 8 mars qui craignent un éventuel retour aux violations de la sécurité sur la scène libanaise via la relance de l’activité de plusieurs services de renseignements. L’objectif serait d’attaquer le Hezbollah sans avoir à déclencher une confrontation directe dont les résultats sont incertains, comme ce fut le cas précédemment en Irak, en Syrie et récemment au Yémen.Ainsi, les mesures préventives ont été consolidées dans la perspective d’une éventuelle reprise des attentats suicide. Ce qui pousse les organes concernés par ce dossier à intensifier leur surveillance afin de déjouer à l’avance les attentats en préparation. Et aussi pour suivre les réactions d’Israël face aux développements régionaux, de crainte que le Premier ministre Benyamin Netanyahu ne décide d’exploiter les troubles actuels pour lancer une agression.

 

Hariri: cap sur Moscou
Dans le cadre de sa tournée à l’étranger et après s’être rendu en Egypte, au Qatar, en Turquie et aux Etats-Unis, l’ancien Premier ministre, Saad Hariri, s’envole pour Moscou à la mi-mai, où il rencontrera le président Vladimir Poutine et les hauts responsables russes. Hariri a clôturé sa visite à Washington par une escale à la Maison-Blanche où il a rencontré (à défaut du président Barack Obama) la conseillère à la Sécurité nationale, Susan Rice.
Les informations qui circulent indiquent que la question du renouvellement à la tête de l’institution militaire a été abordée sous tous ses angles, et il semble que les responsables américains aient encouragé la désignation d’un nouveau commandant en chef de l’armée. Hariri a fait preuve de souplesse sur ce dossier, mais à condition que la démarche fasse partie d’un panier global incluant l’échéance présidentielle et les lignes directrices de l’étape à venir.

 

Mémo global de Raï à Hollande
Le patriarche maronite, Béchara Raï, a remis au président français, François Hollande, lors de leur rencontre à l’Elysée, un mémo relatif à la conjoncture libanaise sous toutes ses facettes, et à la situation des chrétiens d’Orient. Il est urgent, a dit le chef de l’Eglise maronite, de les aider et de les protéger afin qu’ils puissent demeurer dans leurs pays. Le mémo a également mis l’accent sur les effets sécuritaires et socioéconomiques de la présence des réfugiés syriens au Liban, et les pressions que ce dossier exerce sur les Libanais, sur l’infrastructure du pays et les secteurs de la santé et de l’éducation. Le patriarche n’a pas manqué d’aborder le naufrage de la présidentielle et la vacance de la plus haute fonction de l’Etat.

 

Le bey critique le discours du sayyed
«Il existe une catégorie politique libanaise qui expose les Libanais, dont ses adeptes, à une possible expulsion du Golfe et des Emirats en particulier. Ce qui nous mettra dans un pétrin duquel il ne sera pas facile de se soustraire rapidement et dont les conséquences dépassent la capacité de gestion de cette crise par ce groupe. Il est clair que l’attitude de sayyed Hassan Nasrallah n’a pas été bien accueillie par les Libanais, même les alliés du Hezbollah se sont abstenus d’exprimer leur appui à son discours extrémiste et injustifié». Des propos attribués par certains de ses visiteurs au député Walid Joumblatt.

 

Dahié: les couacs du plan sécuritaire
Le secrétariat général du 14 mars ne semble pas satisfait de l’application du plan de sécurité dans la banlieue sud et se montre sceptique quant à ses résultats et sa nature. Ses sources s’interrogent: s’agit-il d’étendre la souveraineté de l’Etat sur l’ensemble du territoire libanais ou de pourchasser les malfaiteurs en coopération avec le Hezbollah? Sécuriser les régions sous le contrôle du parti et sous sa supervision par le biais des forces étatiques est une démarche qui lui est favorable, dans la mesure où elle lui permet de ne pas prendre parti pour une famille au détriment d’une autre. Ainsi, en confiant le «sale job» à l’Etat, il peut garder tout le monde sous son ombrelle. A quoi servent ces mesures formelles, s’interrogent des sources du secrétariat du 14 mars, dont le but est de justifier les plans sécuritaires appliqués à Tripoli et à d’autres régions sunnites? A leurs yeux, tout programme qui ne prévoit pas la récupération du pouvoir de décision stratégique par l’Etat reste incomplet et sert la politique du Hezbollah. Un plan de sécurité signifie le rétablissement de la présence de l’Etat dans une région donnée. Or, la seule autorité effective revient au Hezbollah dans les régions qui restent sous son contrôle.

 

Convictions partagées FL-CPL
La dernière rencontre en date à Maarab, entre le Dr Samir Geagea et l’envoyé du général Michel Aoun, le député Ibrahim Kanaan, en présence du responsable de la communication des FL, Melhem Riachi, a porté sur la convocation à la séance législative dont l’ordre du jour a été défini par le président Nabih Berry. Résultat? Les deux formations se sont accordées sur le boycottage de cette séance et sur les clauses de la «législation d’urgence». FL et CPL, comme l’indiquent des sources, partagent certaines convictions qui vont se traduire dorénavant par des prises de position communes concernant un nombre de dossiers politiques.

 

Le Moustaqbal n’épargne plus Nasrallah
Les critiques formulées par les cadres du Moustaqbal contre le Hezbollah atteignent désormais son secrétaire général, depuis que ce dernier mène campagne contre l’Arabie saoudite. «Hassan Nasrallah a gaffé en s’attaquant à l’idéologie wahhabite et en insultant les hautes autorités saoudiennes. Il est un ingrat parce que l’Arabie a soutenu la reconstruction du Liban à la fin de la guerre civile et après l’agression israélienne de 2006. Elle a aussi apporté son appui à l’économie libanaise et à l’armée», a récemment déclaré le député Samir el-Jisr, l’un des participants au dialogue de Aïn el-Tiné.

 

Guerre larvée entre les députés tripolitains
Les décisions relatives à la lutte antiterroriste du ministre de l’Intérieur, Nouhad Machnouk, ne font pas l’unanimité parmi les députés de Tripoli. Selon des sources locales, l’un de ces parlementaires mécontents aurait contacté les parents de détenus islamistes pour les inciter à organiser une protestation dans la rue contre le ministre. Parallèlement, les députés Khaled Daher et Mohammad Kabbara ont vite appelé à une réunion de solidarité avec les familles, à laquelle ont participé des dignitaires religieux de la ville, appartenant pour la plupart au Comité des ulémas musulmans, et des représentants des familles. Daher a créé la surprise lorsqu’il a invité à une réunion et axé le débat sur «l’insolente agression contre les détenus approuvée par le ministre de l’Intérieur». Offusqués par l’attitude de Daher, les parents y ont vu une volonté de créer un front politique favorable au ministre de la Justice, Achraf Rifi, qui souhaite boucler ce dossier pour en tirer personnellement profit au double plan politique et électoral, alors qu’ils souhaitent éviter toutes les interventions politiques dans le dossier de leurs fils. Les milieux s’attendent à une prochaine rencontre des familles avec le ministre Machnouk.


Elections sunnites au pluriel
Le dossier des candidats aux élections du Conseil islamique chérié est problématique, selon des sources beyrouthines. La querelle entre Ahmad Hariri, secrétaire général du Moustaqbal, et Fouad Siniora, chef du même bloc parlementaire, constitue un obstacle réel qui paralyse l’élection, chacun des deux responsables ayant ses propres poulains.
Les divergences Hariri-Siniora portent sur presque tous les candidats. Leur seul point de convergence concerne la mise à l’écart du cheikh Abdel-Rahman Charkiyé, ajoutent les sources qui indiquent, par ailleurs, que l’ex-ministre Abdel-Rahim Mrad fait des pressions sur le mufti de la République, le cheikh Abdel-Latif Derian, pour que le juge Charkiyé soit nommé membre du Conseil, ce que refusent Hariri et Siniora. Ils l’accusent d’être proche du régime syrien. Un communiqué publié par les Ansar de Kamal Chatila avait révélé l’existence d’une autre dispute relative à la désignation d’un directeur général des awkaf. Alors que ces derniers demandent au mufti de choisir un candidat indépendant, intègre, non affilié au Moustaqbal, la direction de Solidere souhaite la nomination d’un directeur des awkaf qui lui est attaché, parce que – comme le dit le communiqué des Ansar de Chatila – la société craint l’ouverture d’une enquête sur les biens fonciers des Awkaf qu’elle aurait usurpés.

Aïn el-Heloué: un second Nahr el-Bared?
L’armée a transmis une mise en garde musclée aux forces palestiniennes, pour qu’elles assument leurs responsabilités dans le camp de Aïn el-Heloué, dans le cadre d’une rencontre urgente qui a eu lieu, il y a une dizaine de jours, au siège de l’ambassade de Palestine. Le représentant de l’armée a insisté sur la nécessité d’agir pour empêcher la transformation du camp palestinien en Yarmouk 2 ou Nahr el-Bard 2. Il a, par ailleurs, affirmé l’attachement de l’Etat libanais à la sécurité des habitants du camp, en invitant les responsables à coopérer afin d’imposer des règles aux takfiristes qui s’y cachent. La présence de toutes les forces et instances à cette réunion reflète bien l’inquiétude des Palestiniens de Aïn el-Heloué et leur crainte de voir la situation sécuritaire échapper à tout contrôle. Mais ils estiment que le problème fondamental est dû au manque de sérieux dont font preuve Fateh et les autres groupes de l’OLP (Organisation de libération de la Palestine) qui hésitent à prendre la décision politique nécessaire pour faire face aux combattants takfiristes introduits dans les quartiers périphériques du camp. Cette réunion a été convoquée après que les groupes et mouvements palestiniens se sont débinés de l’engagement qu’ils avaient pris il y a quelques semaines concernant l’application du plan de sécurité prévu pour le camp.


Contacts secrets Téhéran-Le Caire
Une haute instance chiite désavoue la confrontation avec l’Arabie saoudite, comme le rapportent des sources de la diaspora. «La position de cette instance est claire. Elle estime que cet antagonisme affiché dans les discours et les festivals a des incidences socioéconomiques négatives sur la colonie libanaise qui travaille en Arabie, et nuit aux intérêts des deux pays frères».
«Les conflits armés dans la plupart des pays de la région, surtout après le déclenchement de la guerre du Yémen qui alimente la fitna entre sunnites et chiites arabes, présagent des guerres civiles et un partage géopolitique de plusieurs pays arabes», s’inquiète l’instance.
Celui qui invitait à trouver des règlements internes fondés sur une entente entre Riyad et Damas estime que nous avons atteint une nouvelle étape, aujourd’hui. Il est nécessaire, dit-il, de délivrer l’Etat de ses dyspnées politiques et administratives pour sauvegarder le Liban qui se trouve au bord du gouffre régional qui ne fait que s’approfondir. Or, ceci n’est possible qu’à travers une entente saoudo-iranienne susceptible de sortir le Liban de l’impasse.
 Des sources arabes avaient dévoilé l’existence de contacts secrets entre Le Caire et Téhéran en vue de faire face au «nucléaire» israélien, contacts qui pourraient aider à une détente sur l’axe irano-saoudien.

 

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