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Nº 3002 du vendredi 22 mai 2015

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Militant, intellectuel, homme d’affaires, intermédiaire… L’homme aux multiples facettes

Accueilli en 1998, dans les pages de L’Hebdo Magazine, Michel Samaha, aujourd’hui objet de toutes les polémiques, a eu un parcours pour le moins étonnant. Dans les années soixante, il entre en
politique et milite dans les mouvements, dits de droite. Pourtant, il n’était pas issu d’un milieu politique.

Né en 1948, à Jouar, Michel Samaha ne se souvient pas avoir jamais vu son père faire de la politique. Fouad Samaha, entrepreneur, avait avec sa femme Alice Joreije attendu dix-huit ans avant la naissance d’une première fille, Nada, suivie de Michel.
Chez les Frères de Gemmayzé en 1963, où il débute sa scolarité, il est entraîné par des camarades et adhère à la section estudiantine du parti Kataëb. Mais c’est à l’école officielle de Furn el-Chebbak qu’il s’engage. Son maître à penser était Maurice Gemayel qui, disait il, «ouvrait à la nouvelle génération une réflexion vers le changement et la modernité».
Mai 68 en France impressionne le jeune homme. Il avait participé à un stage universitaire, organisé par l’Unesco, où il était le seul venu du monde arabe. Il participe sous les directives d’Edgar Faure, pas encore ministre de l’Education, qui planifiait une réforme radicale du système de l’enseignement supérieur en France. Ce stage lui a permis de tisser des contacts avec des cadres de l’Unesco. Il contribue à la fondation de l’Ismun «International student movement for the United Nations», ONG à caractère socioculturel, dont l’objectif était de rapprocher les jeunes de tous les pays.
 

Un intellectuel
Michel Samaha ne manque aucune conférence du Cénacle libanais et participe aux débats dirigés par Michel Asmar. Il accompagne l’imam Moussa Sadr dans différentes régions. Le jeune homme, partisan du dialogue, n’hésite pas à entamer des débats avec les Palestiniens. Une rencontre à la Maison des Kataëb établit des liens avec les organisations palestiniennes. En 1969, une délégation du parti passe la nuit dans le camp palestinien de Karameh, en Jordanie, pour commémorer la bataille du même nom. Président du Service étudiant Kataëb (SEK) en 1972, il monte en grade.
Dans les années 1970, la section estudiantine phalangiste prend une très grande importance. Elle réussit à obtenir le droit d’élire ses cadres. Le président du SEK et son premier adjoint devenaient membres du Bureau politique du parti. Michel Samaha en est le président jusqu’en 1975, date à laquelle il participe à la guerre et devient membre des comités de coordination et proche de cheikh Bachir Gemayel, auquel il voue beaucoup d’amitié, mais sans partager ses opinions. En 1983, il devient le conseiller d’Amine Gemayel, devenu président de la République.
En 1984, sous le mandat d’Amine Gemayel, il est nommé président du conseil d’administration et directeur général de Télé-Liban, poste qu’il occupe pendant un peu plus d’un an avant de participer, en 1985, à l’Intifada aux côtés de Samir Geagea, Elie Hobeika et Karim Pakradouni, ainsi qu’avec Hobeika dans les négociations avec le mouvement Amal et le Parti socialiste progressiste (PSP), qui ont mené à la signature de l’accord tripartite à Damas.

 

Médiateur en Syrie
Un dialogue discret s’était engagé, dès 1983, entre les Forces libanaises (FL) et Damas. Samaha participe aux tentatives d’organiser un sommet Assad-Gemayel, mais le président libanais y était toujours réticent.
Le 12 mars 1985, Samir Geagea réussit son coup de force contre Fouad Abou Nader et prend la présidence du Comité exécutif des FL. En même temps, la situation s’aggrave à l’est de Saïda. Samaha raconte à Magazine qu’en juin 1985,  alors qu’il se trouvait à Paris, il est relancé par Rafic Hariri et Johnny Abdo. A l’issue d’une réunion tripartite à Genève, où toutes les solutions sont passées en revue dont celle d’établir un dialogue parrainé par le président Amine Gemayel. A son retour à Beyrouth, Samaha s’en ouvre au président, qui ne se montre pas enthousiaste, contrairement à Elie Hobeika.
Une réunion élargie est organisée dans l’une des résidences parisiennes de Hariri. Elle regroupe autour de ce dernier: Elie Hobeika, l’ancien député aujourd’hui disparu Jean Ghanem, Michel Samaha (au nom des FL), face à un officier des services de renseignements de l’Armée libanaise, Adnan Chaaban, en présence d’un journaliste. Après des débats de trois jours, un document brosse les règles à respecter dans les relations interlibanaises, dans les rapports libano-syriens et définit le processus de règlement. La proposition est faite de rendre public un document dans lequel serait envisagée la nature de la solution. Après des réunions du commandement des FL, Samaha rédige le texte d’une lettre que Hobeika devait remettre aux Syriens en août 1985, par le biais d’un ami commun. Samaha aurait dû se charger de cette mission, mais il devait se rendre à Ehden auprès du président Sleiman Frangié.
Le 9 septembre 1985, Hobeika se rend officiellement, après une série de visites secrètes, à Damas en compagnie de cadres FL. Damas réunit autour de la même table les FL, le PSP et Amal. Abdel-Halim Khaddam invite Samaha à faire partie de la délégation des FL, chargée des négociations. Hobeika accepte volontiers de lui confier la mission. L’Accord tripartite est discuté entre Libanais à Damas sous le parrainage de la Syrie. Khaddam intervenant en conciliateur. Les négociations ont abouti à un accord qui a provoqué un soulèvement de Geagea contre Hobeika. Les partisans de ce dernier quittent les régions de l’Est. A la mi-décembre 85, une quinzaine de jours avant la signature de l’Accord tripartite, Samaha avait rencontré, au cours d’une réception, l’ambassadeur des Etats-Unis, qui avait demandé à voir Hobeika. La rencontre a lieu dans le bureau de Michel Murr, où Hobeika est averti du refus américain. D’après Samaha, l’ancien chef des FL n’a pas bien saisi le sérieux de la position américaine.  

 

Carrière politique
Après de nombreuses péripéties, proche des Syriens et des Français, Samaha est élu député du Mont-Liban en 1992. Il est nommé ministre, la même année, dans le gouvernement de Rachid Solh. En octobre de cette même année, il intègre le gouvernement de Rafic Hariri au ministère de l’Information. En avril 2002, il retrouve pour la troisième fois le ministère de l’Information, toujours dans le gouvernement de Rafic Hariri.
Sous le mandat du président Elias Hraoui, il tient un rôle principal dans les relations libano-syriennes et devient l’un des proches les plus importants de la conseillère du président syrien, Bouthaïna Chaaban et du président Bachar el-Assad. En outre, il nourrit des liens particuliers avec l’Etat français et joue un rôle dans les relations entre Paris et Damas. Il est l’un des principaux artisans de la visite de Bachar el-Assad à Paris, en 2008, où il a assisté au défilé du 14 juillet.
Avec le début de la crise en Syrie, en 2011, il ne cache pas ses positions favorables au régime syrien, qu’il défend dans les médias locaux et internationaux… jusqu’à ce qu’il soit arrêté transportant des explosifs de Syrie au Liban dans le but de commettre des attentats terroristes.

Mouna Béchara

Père de trois filles
Installé à Paris en 1978, Michel et Gladys Samaha ont trois filles, Rana née en 1980, Dima en 1982 et Yousra en 1985. Quand il a dû quitter Achrafié, la petite dernière n’avait qu’un mois et quatre jours. Sa naissance a attristé certains proches, qui souhaitaient un garçon après les deux filles. Mais Michel Samaha s’est fâché de cette réaction et, en pleine nuit, il s’est rendu à Harissa pour prier la Sainte Vierge de garder l’enfant qu’il a nommée Yousra.

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