Avec le cinéma français en tête du palmarès avec trois films lauréats, dont celui de la Palme d’or à Jacques Audiard, la 68e édition du Festival de Cannes s’est aussi achevée avec la victoire du Libanais Ely Dagher, Palme d’or du meilleur court métrage pour Waves ’98.
C’est la grande nouvelle du pays: le Libanais Ely Dagher a remporté la Palme d’or du court métrage pour Waves ’98, film d’animation d’une quinzaine de minutes explorant la relation personnelle du réalisateur à sa ville d’origine Beyrouth, à travers les errances du personnage Omar. En compétition contre huit autres courts, Ely Dagher décrit sa récompense et sa nomination comme un moment «irréel» et «super motivant pour continuer à travailler».
Le verdict de cette 68e édition est tombé le dimanche 24 mai au soir, à l’issue d’une dizaine de jours de projections de films et de tapis rouge pailleté d’anecdotes et d’histoires crépitantes pour les people du 7e art. Entre la polémique sur l’obligation des talons hauts pour les femmes et les tenues vestimentaires de Sophie Marceau, gros plan sur cette fenêtre ouverte sur le monde qu’est le cinéma.
Le jury, présidé par Joel et Ethan Coen, et comprenant Rossy de Palma, Sophie Marceau, Sienna Miller, Rokia Traoré, Guillermo del Toro, Xavier Dolan et Jake Gyllenhaal, a dévoilé les noms des lauréats lors de la cérémonie du Palmarès du festival, clôturée plus tard par la projection du film La glace et le ciel de Luc Jacquet. Lambert Wilson, après avoir rendu hommage à Jean Zay, figure de la résistance et fondateur du festival, a accueilli en musique sur la scène du Grand Théâtre Lumière les remettants des prix et les lauréats. C’est à l’actrice belge Cécile de France qu’est revenu l’honneur de remettre la Palme d’or au meilleur des dix-neuf films en compétition.
Jacques Audiard remporte cette récompense suprême pour son dernier long métrage Dheepan. Un film qui traite d’un sujet brûlant d’actualité, celui des migrants: fuyant la guerre civile au Sri Lanka, un ancien soldat, une jeune femme et une petite fille se font passer pour une famille. Réfugiés en France dans une cité sensible, se connaissant à peine, ils tentent de se construire un foyer. «Recevoir un prix de la part des frères Coen, c’est quelque chose d’assez exceptionnel», déclare le cinéaste français qui avait déjà été récompensé à plusieurs reprises à Cannes, le prix du scénario 1996 pour Un héros très discret et le Grand prix 2009 pour Un prophète. Une Palme qui, selon L’Express, «aura su surprendre son monde», puisque les pronostics privilégiaient, d’un côté Carol de Todd Haynes, de l’autre The assassin du Taïwanais Hou Hsiao-Hsien, et entre ces deux penchants Le fils de Saul du Hongrois László Nemes. Mais «comme à l’Ecole des fans, preuve d’un palmarès équilibré et d’un jury sensible à des genres très différents, tout le monde a en partie gagné». Rappelons au passage que la dernière Palme d’or française avait été décernée en 2013 à La vie d’Adèle d’Abdellatif Kechiche.
Avec cette palme en tête, le cinéma français s’est taillé la part du lion dans cette 68e édition du Festival de Cannes, puisque deux des autres plus grandes récompenses ont été attribuées aux représentants de l’Hexagone. D’abord Vincent Lindon qui obtient le prix de la meilleure interprétation masculine pour son rôle dans La loi du marché de Stéphane Brizé. Il y campe un ouvrier au chômage depuis vingt mois qui se bat pour retrouver un emploi encaissant les coups avec dignité. Une distinction qui a été largement saluée par la critique et les professionnels de l’industrie cinématographique, après avoir été un grand oublié des trophées de toutes sortes, malgré une carrière impressionnante et un jeu tout aussi impressionnant. Grand moment d’émotion pour l’assistance et l’acteur français qui, recevant son trophée, durant «l’un des trois plus beaux jours de sa vie», affirme, à travers les larmes qu’il peine à retenir: «Je pense à ma mère et elle n’est plus là. Je pense à mon père et il n’est plus là. Et dire que j’ai fait tout ça pour eux et qu’ils ne sont plus là». Autre distinction française de taille, le prix de l’interprétation féminine qui a été attribué ex æquo à Emmanuelle Bercot dans Mon roi de Maïwenn et à Rooney Mara dans Carol de Todd Haynes. Trois films français primés donc sur cinq présents en force sur la Croisette.
Pour compléter le reste du palmarès des films en compétition, le Grand prix a été attribué à Le Fils de Saul de László Nemes, le prix de la mise en scène à The assassin de Hou Hsiao-Hsien, le prix du scénario à Chronic de Michel Franco et le prix du jury à The Lobster de Yorgos Lanthimos.
De découverte en cinéma plus atypique, la catégorie Un Certain Regard a vu cette année la participation de dix-neuf films venus de pays différents. Le jury, présidé par Isabella Rossellini, a octroyé le prix de la section à la comédie dramatique Hrútar (Béliers) de l’Islandais Grímur Hakonarson; le prix du jury à Zvizdan (Soleil de plomb) du Croate Dalibor Matanic et le prix de la mise en scène au Japonais Kiyoshi Kurosawa pour Kishibe no tabi (Vers l’autre rive).
Notons finalement qu’une Palme d’or a été remise à la cinéaste Agnès Varda, une récompense seulement décernée à ce jour à Woody Allen, Clint Eastwood et Bernardo Bertolucci. S’exprimant sur son parcours, elle a affirmé: «Je suis femme et mes films n’ont rien gagné ni fait gagner d’argent». Appelant à résister «au découragement, à la flemme et à l’imbécillité», elle a décrit sa palme comme une palme de résistance pour les cinéastes courageux.
Nayla Rached