Un forum sur le pétrole et le gaz au Liban a permis une mise au point sur la situation actuelle avec toujours le même constat: le dossier est encore bloqué faute d’accord politique.
Plusieurs experts et spécialistes libanais et étrangers ont pris part, lundi 8 juin, à l’Esa, à un forum ayant pour thème Pétrole et gaz au Liban: gouvernance et intégration. L’événement, organisé par la société Front Page Communication, le Forum pour le dialogue national présidé par Fouad Makhzoumi, P.D.G. de Future Pipe Industries, et le Mouvement des entreprises et représentations économiques françaises au Liban (Meref), a été inauguré par le ministre de l’Energie et de l’Eau, Arthur Nazarian.
Selon des experts en géologie, les études sismiques et géologiques sont très prometteuses avec une présence de près de 35% de pétrole et gaz dans les eaux territoriales libanaises. D’après Wissam Chbat, un des membres de l’Autorité de l’énergie, la Lebanese Petroleum Administration (LPA), 63 objectifs de forage dans la Zone économique exclusive (ZEE) du Liban ont été identifiés. Par ailleurs, Jim Hollis, le P.D.G. de Neos Geosolutions, société chargée d’étudier le potentiel énergétique terrestre libanais, a annoncé en avant-première que les études sur le potentiel pétrolier terrestre sont très prometteuses.
Mais les spécialistes sont dans l’impossibilité de donner une quantification exacte des ressources, les deux décrets-clés (délimitant les blocs de concession offshore et fixant les modalités du contrat d’exploration et de production) n’ayant toujours pas été adoptés en Conseil des ministres.
Tous les intervenants dénoncent en effet le retard pris par l’Etat libanais dans la gestion du dossier, en raison de divergences politiques internes motivées surtout par des intérêts financiers.
Plus de transparence
Pour Fouad Makhzoumi, il est temps qu’une réelle stratégie soit adoptée et, compte tenu de la paralysie du gouvernement, il revient donc à la société civile et aux jeunes de «faire pression sur les autorités libanaises» afin que le premier round d’attribution de licences d’exploration offshore soit lancé.
Pour Fouad Jawad, géologue et fondateur de PetroServ International, moins de pouvoir devrait être accordé à la LPA et la priorité devrait être donnée à la création d’une compagnie pétrolière nationale avant de réfléchir à la nature du fonds souverain appelé à recueillir les revenus de l’exploration pétrolière.
L’ancien ministre de l’Economie, le Dr Nasser Saïdi, rappelle que l’exploitation des gisements pétroliers et gaziers du Liban pourrait représenter 4,5% du PIB libanais et près de 15% des revenus de l’Etat. Mais avant que l’Etat libanais puisse en bénéficier, il faudrait tout d’abord mettre en place une bonne gouvernance et des structures administratives, juridiques et financières appropriées.
Pour que l’exploitation soit possible et pour attirer les investisseurs, il faut, comme l’a rappelé Jean-Baptiste Dubreuil, analyste à Engie, un environnement local qui permettrait de sécuriser les investisseurs, un cadre juridique et légal clair et une logique de développement au niveau local.
Wissam Zahabi déclare que le Liban a opté pour un régime d’exploitation contractuel avec la mise en place d’un contrat d’exploration et de production et des royalties et taxes qui seraient déduites des revenues du pétrole et du gaz, permettant ainsi à l’Etat de garantir une maximisation de ses profits.
Mais selon le Dr Toufic Gaspard, économiste et consultant, «dans un pays miné par la corruption comme le Liban, la priorité devrait être donnée à la minimisation des pertes et non à la maximisation des profits».
L’accumulation du retard par le Liban est critiquée par les spécialistes du secteur, surtout que les pays voisins comme Chypre et Israël ont déjà commencé l’exploration de leurs gisements offshore et pensent déjà à leur stratégie d’exportation. Il ne tient qu’aux jeunes étudiants, citoyens, à la société civile et aux médias de faire avancer les choses.
Dania Rammal
Deux décrets manquent
En avril 2013, 46 compagnies ont été pré-qualifiées pour l’exploration gazière et pétrolière au Liban. Parmi elles, 12 sociétés, dont Shell et Total, ont été sélectionnées pour participer à l’appel d’offres en tant qu’opérateurs, les 34 autres étant éligibles à participer à un consortium mené par une autre entreprise. Les compagnies pré-qualifiées avaient six mois pour présenter leurs offres, la signature des contrats étant à l’origine prévue pour février 2014. L’absence des deux décrets indispensables pour poursuivre l’appel d’offres (un décret définissant les blocs offshore et leurs localisations, et un autre approuvant le contrat d’exploration et de production) ne permet toujours pas à ces compagnies de présenter leurs offres.