Les mûriers de la tourmente mêle fiction et réalité. Ce roman historique, écrit par Karim Tabet, raconte l’histoire de Boulos et de sa famille, relate les intrigues politiques et les bouleversements militaires que connaît le Mont-Liban, dépeint les conditions misérables des canuts – ouvriers de la soie à Lyon – et décrit les premières révoltes ouvrières de France. A savourer sans modération.
Vous dites que vous auriez aimé vivre au XIXe siècle. Pourquoi?
Beaucoup de choses qui m’attirent se sont passées à cette époque. L’école romantique de littérature, la grande exposition universelle, le début de la création des Etats-nations, les premiers mouvements ouvriers syndicaux en France, la mode… C’est un siècle extrêmement riche. J’aurais aimé vivre particulièrement en France, et précisément à Paris, sur la rive gauche, dans le quartier latin, et avoir la chance de rencontrer ce qui n’existe plus aujourd’hui, les grands penseurs. Il y avait beaucoup de liberté de pensée et d’action… J’aurais adoré connaître Emile Zola et lui serrer la main.
Dans votre ouvrage, vous relatez les intrigues politiques qui se sont déroulées au Mont-Liban et vous revenez sur les conditions des ouvriers de la soie à Lyon. Quels parallèles peut-on faire entre ces deux événements historiques?
C’est l’histoire d’un jeune garçon libanais de Deir el-Qamar envoyé à Lyon pour devenir tisserand. Alors qu’il est là-bas, il côtoie les travailleurs qui feront la première révolution ouvrière de France. Ça, c’est le côté fiction de l’histoire. Le côté réalité, c’est la révolution, mais aussi les problèmes que l’émir Bachir avait avec les Egyptiens et avec les grandes familles de notables. L’histoire se déroule entre Lyon et Deir el-Qamar, mon village d’origine connu pour ses mûriers et les cocons de soie dont les fils étaient tissés dans la région lyonnaise. Il y a donc un rapport historique réel entre les deux régions où se déroule l’histoire. D’ailleurs, on voit encore à Deir el-Qamar des magnaneries disséminées ça et là.
L’histoire du Liban est jalonnée de faits tragiques. Sommes-nous destinés à répéter les mêmes erreurs sans rien apprendre de notre passé?
Absolument. Le sujet de la thèse que j’ai soutenue à l’Université d’Oxford était justement sur la structure politique du Mont-Liban au XVIIIe siècle. Malheureusement, je constate que, trois siècles plus tard, les choses n’ont pas évolué dans le sens politique, puisque nous sommes toujours inféodés à des familles locales qui gèrent notre avenir de père en fils. Nous sommes également toujours sous l’influence d’ingérences externes qui affectent le cours de notre histoire. Sans parler de l’exacerbation du confessionnalisme et du communautarisme qui sont à leur apogée… Dans mon ouvrage, je reviens sur ces points cruciaux qui ont eu lieu et qui continuent à ponctuer la vie du Liban.
Comment se reconvertit-on de la publicité à l’écriture?
Cela fait 35 ans que je rêve d’écrire. Un jour, j’ai pris mon courage à deux mains, j’ai laissé tombé ma carrière de publicitaire pour me consacrer uniquement à ce à quoi j’aspirais: l’écriture. C’est un rêve que j’ai voulu réaliser et je considère que si j’avais raté ma carrière d’écrivain, j’aurais raté beaucoup de choses. Comme dit Kundera, que je reprends dans mon ouvrage, «Ne pouvoir vivre qu’une vie, c’est comme ne pas vivre du tout».
Quelles sont vos autres passions?
J’en ai plusieurs dont la moto. C’est une évasion qui donne un sentiment de liberté qu’on ne peut pas décrire. Parmi mes passions également, les voyages et, bien sûr, la lecture.
Quels sont vos projets à venir?
Je suis en pleine écriture d’un nouveau roman historique qui ne couvre pas le Liban, mais d’autres pays et qui se passe au XVIIe siècle.
Propos recueillis par Danièle Gergès
Bio en bref
Karim Tabet est né à Beyrouth. Il est titulaire d’une maîtrise en histoire politique de l’Université d’Oxford. Il a fait carrière dans la publicité et travaillé dans divers pays du Moyen-Orient. Il a également résidé au Canada et est citoyen canadien. Les mûriers de la tourmente est son premier roman.