Le 13 octobre est la journée internationale de la prévention des risques de catastrophes, décrétée par les Nations unies. Où en est le Liban de tous les risques? Chef du projet de Gestion des risques de catastrophes, un partenariat entre le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) et la présidence du Conseil des ministres, Nathalie Zaarour explique à Magazine les modalités de ce projet et ses réalisations.
Projet pilote pour le Moyen-Orient, le programme de la gestion des risques des catastrophes a vu le jour en 2009. Il a été créé en vue de soutenir le gouvernement libanais dans la gestion des désastres durant trois phases: avant, pendant et après la crise. Il s’articule autour de cinq axes majeurs.
«Le premier axe se situe sur le plan institutionnel de la gestion des crises au Liban. Nous avons participé à la rédaction d’un projet de loi sur l’autorité nationale de la gestion des risques de catastrophes, une proposition de loi en cours de discussion dans les commissions parlementaires», explique Nathalie Zaarour.
Le deuxième axe consiste à développer la stratégie nationale de la gestion des risques des catastrophes et désastres au double niveau de la prévention et de la gestion. Sur le plan de la prévention, il faut d’abord identifier les risques, déterminés de la manière suivante: séisme, tsunami, inondation, érosion, feu de forêt, et en analyser la vulnérabilité. «Nous avons identifié les risques, analysé la vulnérabilité, réuni les études sur les risques au Liban collectées auprès de toutes les universités. Toutes ces informations ont été réunies dans une librairie électronique. Nous avons créé, ainsi, ce qui s’appelle Desinventar et qui représente la base de données sur les dégâts des catastrophes. Des informations ont été rassemblées retraçant les années 1980 à 2015». Selon Zaarour, il faut montrer aux décideurs l’étendue des dégâts et leurs coûts. C’est pourquoi il faut procéder à une évaluation de l’infrastructure de base, tels les ponts et les routes, en vue de déterminer ce que serait éventuellement le montant des dégâts. «Ceci représente la stratégie utilisée pour déterminer une approche des lois à promulguer et les édifices à réhabiliter pour résister aux désastres».
Sur le plan de la gestion, Nathalie Zaarour déclare que le crash de l’avion de l’Ethiopian Airlines au large du Liban, en janvier 2010, a clairement mis en évidence les défauts de coordination entre les différents services». Le Premier ministre a mis en place un comité chargé de créer un plan de gestion des catastrophes, une sorte de Task Force, composé de 22 ministères. C’est un cadre général qui peut être adapté aux municipalités, aux cazas, aux gouvernorats et aux ministères. Après les explosions qui ont secoué le pays, il y a quelques années, le Premier ministre avait demandé d’appliquer ce cadre. Nous avons alors créé une cellule de crise interministérielle au Grand sérail, en mai 2015, qui fut inaugurée par le chef du gouvernement». Cette cellule de crise est conçue selon une technologie très avancée et comprend des moyens techniques très sophistiqués, tels qu’une connexion Internet reliée à des satellites pouvant fonctionner malgré la défaillance des connexions locales.
Développer les capacités
D’ores et déjà, des plans ont été établis pour les ministères des Affaires sociales, de l’Education et de l’Agriculture. «Actuellement, nous travaillons sur un plan pour les ministères de la Santé, de l’Energie et de l’Eau, ainsi que pour les Travaux publics et le Transport», explique la chef du projet.
Le troisième axe se situe au niveau du développement des capacités locales et nationales. «Dans les recommandations, nous avons inclus un curriculum sur la gestion des risques au programme de l’Ena au Liban, ainsi que dans celui de l’Ecole militaire. Trois cents villes libanaises ont adhéré à la campagne internationale sur les villes résilientes. La ville de Byblos a été même retenue parmi les trente finalistes du Rockefeller 100 Resilient cities. Elle pourra réaliser de petits projets qui l’aideront à mieux résister aux aléas».
Le quatrième axe porte sur la sensibilisation. «Malheureusement, les Libanais n’ont aucune sensibilité à ce sujet. Ainsi, il n’existe aucun désastre majeur dans la mémoire collective». Pour cette raison, des campagnes médiatiques sont organisées pour y sensibiliser les gens. «Un guide pour les foyers est publié, indiquant les mesures de prévention contre les dangers des catastrophes». D’autres projets sont en cours, tels que la création d’un website et d’une application mobile.
Le cinquième et dernier axe concerne l’introduction de la théorie du genre dans les stratégies de réduction des risques de catastrophes. «Pratiquement, cela consiste à prendre en considération les femmes dans l’établissement de tout plan d’urgence comprenant, notamment, une recherche sur les lois existantes et leur conformité à leurs besoins spécifiques, comme dans le cas d’une crise des réfugiés». Une étude a été également réalisée sur les risques d’inondations pour les 100 ans à venir. «Il existe un véritable danger à ce niveau, en raison de la construction de bâtiments sur les rives des fleuves et rivières dans plusieurs régions du Liban», confie Nathalie Zaarour.
Protéger les sites historiques
Bientôt, une stratégie pour la protection des sites historiques sera lancée et une nouvelle carte des risques préparée avec le CNRS sera établie. Le centre régional du Bureau des Nations unies pour la réduction des risques de catastrophes (UNISDR), situé au Caire, considère le Liban un pays pilote pour la qualité de ses rapports et de son suivi des questions relatives à la gestion et l’estimation des risques. En conclusion, la responsable du projet estime que les Libanais, à cause de la guerre et des différentes catastrophes qu’ils ont vécues, sont bien préparés, dans l’ensemble, pour gérer les crises. «Le véritable problème est dans la coordination entre les différents ministères et les organismes impliqués dans la gestion des catastrophes». D’ailleurs, dans le rapport de l’UNISDR intitulé Pour un Liban résilient, il est indiqué: «Bien que le Liban ait une profonde expérience dans la réaction aux catastrophes localisées, récurrentes et cumulatives, les systèmes et les capacités nécessaires à coordonner une réaction aux grandes catastrophes, occasionnelles et à fort impact, font défaut. Cette lacune se manifeste, en particulier, dans l’absence historique d’une agence nationale ayant pour but de faciliter la coordination des efforts des ministères, départements, agences, autorités locales, société civile, partenaires et communauté scientifique».
Joëlle Seif
Simulations
Deux simulations ont été organisées pour vérifier la mise en place du plan de gestion de crise. Une première simulation d’un tsunami a eu lieu à Jbeil et une autre simulation de séisme à Saïda auxquelles ont pris part des écoliers, la Croix-Rouge et plusieurs ministères. Dans le même ordre d’idées, un plan a été prévu pour l’aéroport pour qu’il soit prêt à fonctionner en cas de désastre et à recevoir les aides internationales. «Ce plan, baptisé Gard (Get airport ready for disaster), est un programme établi entre DHL et le Pnud mondialement et qui a été adapté au Liban», explique Nathalie Zaarour.
Sac de secours
Dans le guide pour les foyers, distribué par l’unité de la gestion des crises, des conseils sont fournis aux citoyens pour leur apprendre comment réagir et quoi faire en cas de catastrophe. A titre d’exemple, il est recommandé, en cas de séisme, d’avoir toujours un sac à dos prêt, dans lequel les objets suivants doivent figurer: des cordes, des pansements, une bande adhésive, une crème contre les brûlures, des médicaments contre la douleur et la fièvre, des ciseaux, une grosse pince, de l’eau, des couvertures, des boîtes de conserve, une torche, des piles, une radio, des batteries, un sifflet…