Magazine Le Mensuel

Nº 3035 du vendredi 8 janvier 2016

general

Dettes: mesures de la BDL pour éviter les faillites

Le ralentissement généralisé de l’activité économique dans le pays a contraint les autorités monétaires à s’adapter à la conjoncture pour éviter le pire, c’est-à-dire des faillites systémiques des agents industriels et commerciaux. Ainsi est née la circulaire No 136 du 26 octobre 2015 de la Banque du Liban (BDL) portant sur le rééchelonnement des prêts bancaires. Un mal nécessaire.
Le milliardaire Warren Buffet n’a jamais cessé de répéter son conseil aux entrepreneurs de maintenir un effet de levier faible et, par conséquent, de minimiser, voire de s’abstenir, d’emprunter des fonds à des fins opérationnelles. Mais l’option n’est malheureusement pas toujours possible. Les développements impromptus et soutenus à caractère sécuritaire et politique dans la région, qui ont souvent des retombées directes sur la stabilité au pays du Cèdre, accentuent la déflation et de ce fait rendent la consommation interne faible. Le patronat est le premier agent économique à être pénalisé par ce phénomène, qui prend désormais des allures de cercle vicieux.
Les dettes commerciales difficiles à recouvrer se sont élevées à 3,6% du total des prêts accordés aux agents du secteur privé. Ces dettes ont progressé de 84 millions de dollars au cours de 2015. Ceci dit, la mise en œuvre de la circulaire 136 de la BDL, visant à venir en aide aux créanciers et aux débiteurs afin d’éviter les faillites et les banqueroutes, suscite de multiples questionnements sur son efficience. Son application constitue-t-elle un bol d’oxygène aux différents acteurs en difficulté financière, soit la concession d’une nouvelle opportunité pour faire revivre des entreprises viables si ce n’étaient les conditions économiques exogènes négatives? Ou bien son application n’est-elle qu’une solution provisoire, destinée à reporter l’aggravation de la crise économique? Cette dernière interrogation s’inscrit dans la logique qu’un rééchelonnement d’une dette signifie dans la pratique une extension des délais de remboursement par le créancier et, par conséquent, un supplément de charges en termes de services de la dette et un supplément du principal de dette en cas de rallonge
du prêt.

 

Solution réaliste
Les autorités monétaires ont tenté d’apporter «des solutions réalistes en espérant des jours meilleurs pour le pays», a confié un expert financier. L’un des fondements de cette «solution réaliste» est la classification des dettes au secteur privé en termes d’éligibilité pour bénéficier des facilités de remboursement des prêts. Les dettes qui sont concernées par les dispositions de la circulaire 136 sont: les dettes susceptibles de suivi d’échéances (Debts for follow-up), les dettes non conformes aux standards (Sub Standard Debts) et les créances douteuses (doubtful Debts). Ainsi sont exclues des dettes éligibles pour un rééchelonnement de leur remboursement, les dettes qui bénéficient d’une subvention de leurs taux d’intérêt, ainsi que les dettes irrécouvrables ou litigieuses.
La solution de compromis consacrée par la circulaire 136 n’a pas vu le jour facilement. De longues tractations ont eu lieu entre les membres du Conseil central de la BDL, l’Association des banques, l’Association des institutions financières et la Commission de contrôle bancaire relevant de la Banque centrale. La solution de compromis, résultant des négociations directes entamées entre les créditeurs et les établissements de crédit, est soumise à l’approbation et au suivi de la Commission de contrôle bancaire de la BDL. En gros, les dispositions de la circulaire prévoient différentes solutions. A priori, le rééchelonnement peut s’étaler sur une durée maximum de sept ans. Au cours des premières cinq années, le débiteur devrait être en mesure de s’acquitter de 20% de la totalité de la dette en rythme annuel. Une nouvelle avance pourrait être consentie au créditeur si celle-ci pourrait l’aider à redynamiser l’activité de son entreprise. Quant à la BDL, elle est prête à racheter 50% de la dette à condition que la banque fournisseuse des fonds escompte ses obligations souscrites auprès de la Banque centrale pour le montant exempté ou racheté. Cette solution donne droit aux pourvoyeurs de fonds d’exercer un audit externe sur l’entreprise endettée et de réclamer de possibles changements des membres de l’entité gestionnaire.

 

Loin des tribunaux
Il est évident que la circulaire permet à toutes les parties concernées d’épargner les lourdeurs des règlements judiciaires en termes de temps et de frais. Mais il est tout autant évident qu’elle permet de préserver une bonne image de la santé du secteur bancaire et «d’enjoliver son bilan». En fait, les dettes rééchelonnées ne figurent pas lors de l’établissement du bilan comme créances douteuses, faisant quelque peu fi du respect du «principe de la prudence». Certains experts considèrent une telle démarche comme le reflet «d’un compte client erroné», puisqu’elle n’aurait pas pris en compte les risques de non-encaissement du prêt. Dans le même temps, les banques ne sont pas contraintes de prendre des provisions en contrepartie des dettes rééchelonnées. Ce qui leur permet de maintenir intacts leurs profits. Enfin, dans le cas d’existence de plusieurs créanciers, il est nécessaire de désigner un «gestionnaire du processus rééchelonnement de la dette» qui jouirait du consentement de tous les autres créanciers sans exception.

Liliane Mokbel

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