Bkerké n’est pas optimiste
Les circonstances ne semblent pas favorables à une réunion des quatre pôles maronites, selon une source du patriarcat, particulièrement après le dérèglement des alliances. Cette même source pense que le compromis Frangié n’est pas enterré, mais plutôt reporté sine die en attendant la décantation de la conjoncture régionale. «L’initiative proposée par Saad Hariri avait certainement obtenu l’aval de Riyad, ce qui signifie qu’après le récent bras de fer irano-saoudien, je ne crois pas que l’Arabie soit encore intéressée par ce sujet. Quant au camp pro-iranien qui avait rejeté l’initiative, il la déclinera doublement aujourd’hui», ajoute la source. D’après l’évêque Samir Mazloum, le patriarche Béchara Raï aurait émis le souhait devant la délégation du Hezbollah, en visite à Bkerké, de voir les députés du parti participer à la séance parlementaire fixée pour l’élection présidentielle.
Berry en Arabie: la visite n’aura pas lieu
La visite du président de la Chambre, Nabih Berry, en Arabie saoudite en réponse à l’invitation officielle qui lui avait été remise par l’ambassadeur Ali Awad Assiri, le mois passé, n’est plus à l’ordre du jour. La confrontation saoudo-iranienne a balayé une telle possibilité. Les observateurs avaient été interpellés par la mise en garde de Berry, fin 2015: «Nul ne peut prévoir les résultats des développements régionaux qui s’accélèrent, ni la forme que prendra la nouvelle carte régionale qui sera construite sur les ruines de Sykes-Picot».
La présidentielle entre Rohani et Hollande
La visite du président iranien, Hassan Rohani, à Paris à la fin du mois courant aurait dû avoir lieu en novembre passé, mais son report est lié aux attentats terroristes qui ont bouleversé la capitale française. Cette rencontre placée, au départ, sous le signe positif de l’accord sur le nucléaire, se trouve aujourd’hui sous l’influence négative de la crise irano-saoudienne, et le dialogue franco-iranien, sur lequel misaient certaines parties locales en vue du déblocage de la présidentielle, n’abordera sans doute pas le dossier libanais qui n’est plus une priorité à l’ombre des récents événements dans la région. La visite du président Rohani à Paris représente, en fait, une occasion en or pour l’évocation de la crise libanaise qui constitue un centre d’intérêt commun à la France et à l’Iran. La France, tout comme la communauté internationale, ayant acquis la certitude que la sortie de crise au Liban commence forcément par l’élection d’un chef d’Etat. Le président François Hollande remettra-t-il le compromis Hariri sur la table devant son homologue iranien? Des politiques croient que Rohani n’a rien à offrir sur ce chapitre, il réaffirmera la position de principe de son pays, à savoir que l’échéance présidentielle est une affaire libanaise interne dans laquelle l’Iran ne s’ingère pas. Il laisse aux Libanais la liberté de choix, un choix que la République islamique soutiendra quel qu’il soit.
Activation du gouvernement?
Avec l’ajournement de l’initiative présidentielle de Saad Hariri, certains observateurs prévoient une poursuite de la paralysie des institutions en 2016, alors que d’autres pensent que les efforts sont focalisés sur la réactivation de l’action gouvernementale parallèlement aux séances du dialogue national et au dialogue bilatéral Moustaqbal-Hezbollah.
Du côté du 14 mars, on dit que le général Michel Aoun et son allié le Hezbollah – dans une moindre mesure – en bloquant le Conseil des ministres, commencent à se sentir embarrassés, surtout qu’ils sont aussi responsables du défaut de quorum nécessaire à l’élection d’un chef d’Etat. Aoun pourrait, de l’avis du 14 mars, sous les pressions locale, régionale et internationale, adoucir sa position en déverrouillant les séances gouvernementales afin de pallier sa responsabilité à l’égard du vide présidentiel.
Deux missions pour Hariri
Saad Hariri devrait se charger de deux missions, avancent des sources proches du Hezbollah. Tout d’abord, il devrait convaincre son entourage et ses alliés chrétiens de la justesse de son initiative. Ensuite, il lui faut convaincre le général Michel Aoun. Une fois ces deux exigences comblées, il pourra enclencher le débat sur les conditions de l’entente finale avec le Hezbollah. Mais insister sur le compromis proposé et en faire assumer les conséquences au parti chiite et à ses alliés ne sert à rien. Il est tout aussi inutile de brandir la menace d’un chaos sécuritaire ou de promouvoir l’initiative de Hariri comme un acte de générosité de la part du Moustaqbal visant à épargner au pays des expériences encore plus difficiles que celle du 7 mai. La stabilité qui règne sur la scène libanaise n’est pas liée à l’élection présidentielle, selon ces sources, mais à un consensus régional et international sur la mise du Liban à l’abri des tempêtes qui soufflent dans la région.
Quand les têtes tombent
L’étape actuelle est celle des têtes qui tombent, comme le soulignent des analystes. Cela a commencé en Syrie, entre Damas et le Golan, avec Samir Kantar et Zahran Allouche pour se poursuivre en Arabie saoudite avec l’exécution du cheikh Nemr el-Nemr. Les liquidations physiques correspondent à l’éradication de certains noms de l’équation politique en prélude à l’aménagement de la scène pour qu’elle soit prête à accueillir les arrangements en vue. Avec Kantar, c’est le calme dans le Golan ciblé, surtout à la suite de la stabilité qui règne à la frontière libanaise depuis 2006. Avec Allouche, c’est la fin des illusions concernant Damas et, implicitement, le renversement de Bachar el-Assad par la force militaire, c’est aussi la réévaluation du volume des forces de l’opposition à l’heure des compromis. L’exécution du cheikh Nemr équivaut à une tentative d’empêcher l’ingérence de l’Iran dans l’équation saoudienne. Il se peut que le Liban ne soit pas à l’abri de la politique de radiation de certaines personnalités de l’équation actuelle. Les prévisions relatives à un nouveau scénario de violence au Liban se sont multipliées ces derniers mois. Serait-ce un passage obligé vers le règlement?
Deux critères pour un dialogue
Le maintien du dialogue bilatéral de Aïn el-Tiné ne relève pas d’une décision personnelle de Saad Hariri, comme croient le savoir des milieux proches du Hezbollah, et n’est pas lié aux éventuels développements sur la scène libanaise. Le débat interne au Moustaqbal sur ce sujet n’a abouti à aucun résultat, en attendant la décision saoudienne qui sera communiquée à Saad Hariri. Cette position sera définie en fonction de deux critères: la capacité de l’ex-Premier ministre libanais à améliorer sa position sur l’échiquier saoudien et, deuxièmement, son aptitude à affronter le Hezbollah avec succès.
Chamel Roukoz, le médiateur
Bien qu’il n’ait aucune velléité de s’enrôler dans la sphère politique, l’ex-commandant des commandos de l’armée, le général Chamel Roukoz, s’est attelé à alléger la tension qui régnait sur les relations entre Rabié et Aïn el-Tiné, depuis que le général Michel Aoun a appris que le président Nabih Berry a apporté son soutien à l’initiative de Saad Hariri qui préconise l’accession de Sleiman Frangié à Baabda. Des personnalités du Courant patriotique libre (CPL) rapportent que le général Roukoz a été comme encouragé par le président de la Chambre dans cette mission, ce dernier a insisté sur la nécessité d’élucider certaines données qui ont perturbé les relations avec Aoun…
Le retour de la chaleur aux relations sur la ligne Rabié-Aïn el-Tiné, grâce à la médiation de Roukoz, s’est enfin manifesté au ministère des Affaires étrangères où l’on a assisté à la fin de la rupture consacrée entre le ministre Gebran Bassil et le directeur général des Emigrés, Haytham Jomaa.
Ersal, village occupé par les terroristes
Les familles des martyrs de l’armée tombés à Ersal ne garderont pas le silence tant que la justice n’aura pas condamné et sanctionné Moustafa Hojeiry, alias Abou Takiyé, pour son rôle dans les crimes terroristes perpétrés par al-Qaïda et Daech dans ce village. Les habitants de Baalbeck ont ainsi hissé des banderoles au rond-point Tahwita, sur la route de l’aéroport, réclamant la condamnation d’Abou Takiyé, usant d’expressions appelant à la vengeance. Hojeiry est influent dans les milieux de l’organisation al-Qaïda qui œuvre en Syrie et au Liban sous l’appellation Front al-Nosra. Parallèlement, certains cadres d’al-Qaïda sont présents dans le cadre du Comité des ulémas musulmans. Les Baalbakiotes ont mis en exergue l’humiliation subie par les autorités officielles lors de l’enterrement du soldat Zaher Ezzedine dans son village Ersal. Celles-ci ont été incapables d’imposer l’entrée de sa dépouille dans le village. Des membres de sa famille ont dû le prendre en charge au tournant de Laboué pour l’accompagner jusqu’à sa dernière demeure. Les bandes terroristes d’al-Nosra, relevant d’Abou Takiyé, avaient tendu, le 8 janvier, un piège mortel au soldat Ezzedine, alors qu’il se trouvait à son domicile dans le village occupé de Ersal.
Accusé, Soussane se défend
Dénigrement de la politique du mufti de Saïda, le cheikh Salim Soussane, par des commentateurs sur Facebook. Le dignitaire a porté plainte contre un nombre d’activistes sur les réseaux sociaux qui l’ont accusé d’avoir gardé, avec sa femme, une partie des dons recueillis en faveur des Palestiniens de Gaza lors de l’agression israélienne sur la Bande en 2014, et de l’avoir déposée sur son compte dans la banque al-Baraka à Saïda. Soussane a carrément nié les faits et traîné les internautes concernés, appartenant à l’Organisation nassérienne et à Saraya al-Moukawama, devant la justice. Ces développements ont suscité une certaine confusion à Saïda. Des proches des individus arrêtés, dont certains ont déjà été libérés, rapportent que les commentaires ont été postés en réponse à l’appel lancé par le mufti Soussane pour une collecte de fonds pour les habitants de Madaya dans le rif de Zabadani en Syrie. Après l’intervention d’amis communs, les commentaires parus sur Facebook ont finalement été effacés. Soussane est considéré comme un mufti centriste qui ne s’est jamais impliqué dans les clivages politiques au sein de la ville.
Secteur énergétique: quid de la corruption?
«Les dispositions prises ou qui vont être prises, pour assurer plus de transparence dans le secteur énergétique naissant au Liban, sont loin d’être idéales et ne le prémunissent pas contre la corruption», comme le souligne un rapport distribué par un centre d’études local. Les craintes concernent les membres du comité de gestion du secteur pétrolier qui, en dépit de leur compétence, portent allégeance aux partis politiques qui les ont nommés. Le rapport poursuit: «Aucun document ou explication n’ont été fournis sur la manière d’évaluer les entreprises considérées comme répondant aux critères de présélection et capables d’exécuter les travaux dans ce secteur. «La corruption et le clientélisme seront sans doute bien présents, la direction des Douanes et les institutions officielles qui fournissent les permis ou qui supervisent les préceptes environnementaux et les organes juridictionnels étant classées parmi les organismes les plus exposés à la corruption». C’est avec pessimisme que le rapport évoque le projet de la Caisse des fonds souverains alimentée par les revenus pétroliers. «Les expériences au niveau mondial ont montré qu’il est bien rare que ce genre de caisse parvienne à atteindre les objectifs pour lesquels elle a été créée». Il suggère que la Caisse des fonds souverains soit placée sous la supervision de la Banque du Liban et que les municipalités puissent en bénéficier.
Les points chauds en 2016
Le rapport américain publié par le Foreign Policy, début janvier, et listant les pays et les régions les plus exposés à des menaces de guerre en 2016 a inventorié les dix points les plus chauds de la planète. Or, le nom du Liban ne figure pas sur cette liste. Un politique estime que cette donnée rassurante signifie que le parapluie international qui protège le pays du Cédre en y maintenant la stabilité est toujours solide. Ce rapport, alimenté par les informations et prévisions des cercles influents à Washington cite, en revanche, cinq pays arabes menacés par les guerres dont la Syrie et l’Irak qui ont des incidences directes sur la stabilité interne du Liban. Alors que le Yémen, la Libye et le Soudan du Sud ont une influence indirecte. L’Afghanistan, le Tchad et le Burundi sont mentionnés. Mais le plus surprenant est l’annotation sur le «conflit interne en Turquie qui suscite de grandes appréhensions». Au chapitre international, le rapport met en lumière les lignes de la discorde au «sud de la mer de Chine», lieu d’une lutte d’influences entre Pékin et Washington.