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Nº 3047 du vendredi 1er avril 2016

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La République dominicaine. L’île paradisiaque de Christophe Colomb

Ils sont tout sourire. Noirs, métisses ou Blancs, ils ont le soleil dans les yeux. Ils aiment les touristes (leurs dollars et leurs euros) et le leur montrent. Les Dominicains savent qu’ils ont ce que les pays du Nord n’ont pas: la chaleur, les palmiers et, surtout, les plages dorées. Le slogan de leur pays est bien à propos: «Tout ce dont vous rêvez». A se demander comment ne pas passer sa vie entière à s’étendre sur cette farine céleste, aussi blanche et pure que l’on peut imaginer.

C’est rien de moins que la terre que Christophe Colomb a découverte! On comprend pourquoi alors il y avait envoyé plusieurs expéditions. Le lait de coco y coule à flots et le rhum aussi. Une île dessinée par des côtes qui font face à l’Atlantique, mais aussi à la douce mer des Caraïbes. A l’intérieur, c’est la canne à sucre qui règne sur des étendues vertes à perte de vue. Dans ces champs, qui ne demandent aucun entretien, les Haïtiens qui partagent le côté ouest de l’île d’Hispaniola que les navigateurs espagnols ont foulée pour la première fois en 1492, ces Noirs d’Afrique travaillent pour une bouchée de pain… que leur pays ne leur offre pas. C’est la pègre de l’île qui gruge, aux dires de ses habitants, le gagne-pain des gens de la République dominicaine qui partagent avec leurs voisins un passé commun douloureux. Plus bas, plus haut, ce sont les plants de cacao ou de tabac. Si les Dominicains sont les premiers exportateurs de canne à sucre au monde, ils se taillent la deuxième place après les Cubains pour la production de cigares. Quant au chocolat… Il faut goûter leur mamajuana, boisson alcoolisée au chocolat pour se rendre compte des différents délices que la République dominicaine peut offrir, sans compter les fruits exquis que le climat tropical nourrit et engorge: papayes, ananas, fruits de la passion…
Eux, leur passion, c’est la musique. Ils l’ont dans la peau et c’est tout leur corps qui l’exulte. Au son d’une bachata qui tangue, c’est leur taille qui se déhanche. Et si la radio passe un merengué quelque peu entraînante, vous les verrez aussitôt battre le rythme, fredonner quelques notes et exécuter des pas de danse… alors qu’ils sont là à discuter très fermement le prix de leurs marchandises.
 

Bonjour la corruption!
Parce que bien sûr dans ces pays-là, il faut tout marchander. Il y est même recommandé de consigner par écrit le premier prix qu’ils vous proposent, parce qu’il est courant qu’au fil de la négociation, ils en changent le montant sans raison et sans vergogne. Attitude quelque peu déroutante, mais qui semble normale. En fait, rien n’est officiel et pratiquement tout est relatif, fragmentaire, négociable. La police, les routes, l’électricité… tout serait propriété privée de quelqu’un… Donc, tout peut varier selon la tête du client et l’affaire… Et bonjour la corruption! Attention de vous laisser prendre dans un accident. Vous risquez d’y laisser votre passeport aux mains d’un agent qui ne concèdera à vous laisser récupérer votre bien le plus précieux qu’au prix qu’il aura demandé.
Il faut dire que, pendant des siècles, le pays a été la proie des corsaires, des pirates (les épaves des navires le long des côtes sont une attraction maritime touristique très prisée) et d’occupations diverses. La dictature (celle de Trujillo de 1930 à 1960), les invasions, les marchandages politiques et stratégiques (notamment avec les Etats-Unis dont a fait les frais la République dominicaine) sont innombrables. La transition vers la démocratie a été très longue et demeure très récente.
Inutile d’ajouter que, dans cette ambiance, et bien qu’elle soit très prompte à faire la fête, la population demeure très pauvre… et très suspicieuse. A Santo Domingo, les fenêtres, vérandas, patios ou même portes de magasins sont barricadés derrière des barreaux de fer. Même les appartements dans les étages élevés se prémunissent contre les vols. Il n’est pas rare, non plus, d’avoir un gardien d’immeuble armé qui fait le guet devant beaucoup d’échoppes fermées qui ne se réveillent que la nuit. Plus précisément sur le Malecón, cette corniche quelque peu désuète qui borde la capitale de trois millions d’habitants. Dans ses rues désordonnées, les tacots aussi bien que les grosses voitures sillonnent les quartiers, créant beaucoup de trafic. Seule la vieille ville y échappe par endroits.
C’est alors une tout autre perspective qui se présente aux yeux des visiteurs dans ce qui est appelé la zone coloniale. Classée au patrimoine mondial de l’Unesco (1990), c’est la plus ancienne implantation européenne du Nouveau Monde. A l’intérieur d’une enceinte dotée de six portes d’entrée et de vingt remparts se trouvent quelque 300 édifices historiques que le touriste découvre à pied, à la recherche de ce passé glorieux mais entaché par les massacres en masse d’autochtones, pratiquement disparus tant les Européens les ont pourchassés pour régner en maîtres absolus.
Aujourd’hui, les Dominicains ont compris que leur avenir est dans le tourisme et l’exploitation de leurs plages paradisiaques. Destination privilégiée pour des vacances de rêve, l’île demeure pourtant pauvre, livrée aux mains des Blancs et des multinationales qui érigent des hôtels tout inclus très rentables. On se console en pensant qu’au moins, ces grandes compagnies fournissent du travail à une population essentiellement noire et métisse qui occupe, jusqu’à nos jours, le bas de l’échelle sociale.

Gisèle Kayata Eid, Saint-Domingue

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