A partir du 20 avril, la Chambre entre dans sa première session ordinaire. Le président Nabih Berry se prépare avec énergie à lancer la roue de la législation… malgré l’opposition du général Michel Aoun.
A ceux qui l’approchent à ce sujet, le président de la Chambre, Nabih Berry, répond immanquablement: «Que l’on me dise à qui profite le blocage du Parlement. Il est devenu impératif pour tous de prouver qu’ils ont atteint l’âge de la majorité politique. Il est impossible de continuer à fonctionner en Etat boiteux. Il faut que la Chambre récupère son rôle. C’est une honte de poursuivre ainsi». Nabih Berry n’est pas convaincu du principe selon lequel «pas de législation en l’absence d’un président de la République». A l’instar du gouvernement, le Parlement doit se réunir. Tout comme rien n’empêche la réunion du Conseil des ministres, rien ne devrait empêcher celle de la Chambre. Ce qui est permis au gouvernement ne doit pas être interdit au Parlement. En outre, le régime parlementaire libanais a bien consacré la séparation des pouvoirs. Selon Berry, si tenir des séances gouvernementales est une chose nécessaire et capitale, la réunion du Parlement l’est encore plus car elle concerne les intérêts des citoyens. Des projets vitaux pour le pays et des accords financiers internationaux doivent y être adoptés.
Le consensus prioritaire?
La rupture entre le général Michel Aoun et le président Nabih Berry, consacrée par le dossier de la présidentielle, a poussé le Bloc du Changement et de la Réforme à prendre les devants concernant la réactivation de la législation.
Berry aurait dû adresser à la réunion du dialogue, reportée en raison du décès de la mère du Premier ministre, Tammam Salam, une invitation à toutes les parties à se rendre Place de l’Etoile pour une séance législative. Le bloc, présidé par le général Aoun, a affirmé d’ores et déjà qu’il n’assistera à aucune séance législative tant que la violation du consensualisme se poursuit. «Nous réclamons des droits consensuels et, avant de les obtenir, il n’y aura aucune législation violant le principe du consensus, car cela est très dangereux». Quant à Sleiman Frangié, il a affirmé, pour sa part, qu’il assistera à toute séance législative à laquelle convoquera Berry. Il a ajouté que la législation s’inscrit dans le cadre de l’action parlementaire et n’est pas en contradiction avec ce principe.
De son côté, le Bloc du Futur appuie le principe de la «législation d’urgence» partant de l’idée qu’on ne peut arrêter la roue de l’Etat de tourner et que l’abstention de la tenue de séances législatives ne sert pas les intérêts du Liban. Le Futur étudie toujours l’option de ne pas y assister au cas où les chrétiens n’y assisteront pas non plus. Il a également affirmé que toute séance législative devrait avoir à l’ordre du jour la loi électorale. De son côté, le leader druze Walid Joumblatt appuie la position de Berry et estime impératif de tenir une nouvelle séance parlementaire sur le principe de la «législation d’urgence». Le parti Kataëb, quant à lui, reste sur sa position initiale: il n’est pas permis de tenir une séance législative en l’absence d’un président de la République.
Joëlle Seif
Séance contestée
Des sources proches du Courant patriotique libre rejettent le lien entre leur refus d’assister à des séances législatives et l’appui du président Nabih Berry à Sleiman Frangié au détriment du général Michel Aoun. Elles assurent que leur position est une réaction à toutes les violations faites aux échéances consensuelles: d’abord, le refus d’élire un président choisi par la majorité chrétienne, ensuite, le refus de voter une loi législative consensuelle garantissant une véritable représentation, en passant par la loi de la décentralisation administrative et le développement équilibré des régions, les nominations dans les institutions, ainsi que la violation permanente du partenariat national qui persiste depuis 26 ans. Toutes ces violations s’inscrivent sous un titre principal: le consensualisme. Ces sources s’interrogent sur l’utilité de la législation si le Pacte national et la Constitution ne sont pas respectés. Elles estiment que si le but de la législation est de dépasser le consensualisme en passant outre la volonté des chrétiens et faire fonctionner toutes les institutions comme si de rien n’était, elle est rejetée. «La législation consensuelle est refusée et nous allons mettre un terme à cette pratique».