Magazine Le Mensuel

Nº 3053 du vendredi 13 mai 2016

general

Nadine Labaki. «Le combat continue»

«Beirut Madinati est déjà en mouvement. Le train est en marche et ne s’arrêtera pas de sitôt. Nous devons être à la hauteur des responsabilités et des espoirs placés en nous. Nous allons surveiller de près la municipalité pour voir si le programme annoncé lors de la campagne sera appliqué, si la transparence va être adoptée. Interview de Nadine Labaki, actrice, réalisatrice et candidate dans la liste Beirut Madinati.

Près de 7 000 voix de différence seulement entre le premier de la liste Beirut Madinati, présentée aux municipales 2016, et le dernier de la liste adverse, Les Beyrouthins, soutenue par tous les partis réunis. Vous avez récolté près de 40% du total des suffrages exprimés. Quelle est votre évaluation des résultats de cette consultation populaire?
Cela signifie qu’il y a un vrai engouement de la part des citoyens pour ce que l’on essaie de faire. Les gens ne sont plus dupes, rejettent l’establishment politique et refusent sa manière de travailler. Ils ont voulu montrer en votant pour nous qu’ils ont foi en cette entité que nous constituons, une entité indépendante des forces politiques, qui a mobilisé près de 2 000 volontaires qui ont travaillé jour et nuit avec un engagement infaillible.

Malheureusement, seuls 20% des électeurs ont voté aux élections de Beyrouth. A quoi est due cette forte abstention?
Il y a une certaine désillusion chez les gens. Durant les vingt dernières années, ils sont allés d’une déception à l’autre à cause de l’establishment politique. Ils ont considéré qu’il ne servirait à rien de se déplacer, que quoi qu’ils fassent, ils ne réussiront pas à changer les choses. Regagner la confiance des citoyens est un travail de longue haleine. Nous allons nous y atteler, et nous réussirons.
 

Qu’avez-vous retenu de cette expérience?
Personnellement, ces deux dernières semaines ont été les plus difficiles de ma vie. Les gens ont placé tellement d’espoir en nous que nous avons tout fait pour être dans la mesure du possible à la hauteur de leurs attentes. Nous nous sommes donnés à fond, travaillant sans cesse, sillonnant les régions pour les rencontrer, être à leur écoute, répondre à leurs besoins…

Si difficiles que le jour des élections, vous avez éclaté en larmes devant les caméras… qu’avez-vous ressenti exactement ce jour-là?
J’ai pleuré de rage, mais aussi d’espoir. Je pensais à tous ces jeunes qui ont initié ce mouvement rien que pour l’amour du Liban et de Beyrouth. La plupart des citoyens, même ceux qui n’y habitent pas, ont un rapport viscéral avec cette ville qui résonne en eux, qui suscite de la passion et une certaine amertume. Cette ville a vécu tant de choses qu’elle est presque devenue une personne dont le pouls bat en chacun de nous. L’image de «Beyrouth sitt el-dunia» est un rêve que nous voulons réaliser, que nous ne souhaitons pas la voir déçue en permanence.

Quelles sont vos revendications concernant la loi électorale pour les municipales?
Nous sommes en train de procéder à une relecture de ce qui s’est passé et nous allons exprimer nos revendications à la lumière de cette analyse. Personnellement, je considère que ceux qui habitent la ville et non seulement ceux qui en sont originaires doivent avoir le droit de voter.

Certains souhaitent que vous formiez un conseil municipal de l’ombre, une sorte de conscience de la ville. D’autres insistent pour que vous formiez un mouvement politique. Quels sont les projets de Beirut Madinati?
Beirut Madinati est déjà en mouvement. Le train est en marche et ne s’arrêtera pas de sitôt. Nous devons être à la hauteur des responsabilités et des espoirs placés en nous. Le combat continue donc. Nous allons surveiller de près la municipalité pour voir si le programme décidé lors de la campagne sera appliqué, si la transparence va être adoptée. Beirut Madinati est-ce une entité politique? Il est trop tôt pour se prononcer. Je suis moi-même partisane d’une politique de développement qui consiste à être au plus près des gens, à entendre leurs revendications, à répondre à leurs besoins. C’est un travail collectif qui va de pair entre nous et le citoyen beyrouthin.

Propos recueillis par Danièle Gergès

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