Du 16 au 19 juin, à 20h30, les planches du théâtre Monnot accueillent une nouvelle création de Nadine Sures, le spectacle Variations sur l’armoire des ombres, inspiré du roman de Hyam Yared.
Vous présentez le spectacle comme «un événement trans-storytelling»?
Un nouveau mot que j’ai emprunté. Défini comme un événement qui raconte une histoire, mais de manière différente, à travers plusieurs médias. Ça sonne indéfinissable. Ce qui me plaît, c’est qu’il s’agit avant tout de raconter une histoire, au-delà d’une seule façon, au-delà des frontières. Chacun va me définir différemment, mais mon travail sera le même.
C’est donc une performance qui emprunte à plusieurs médiums d’expressions artistiques?
J’enseigne ce qu’on appelle l’«action theater», que j’ai appris avec une femme maître en théâtre physique et improvisé. Mon travail est du coup très relié au corps, au mouvement et à la voix en tant que mouvement. Comment le son peut être un geste plutôt qu’une réflexion intellectuelle. J’utilise la voix, en même temps, de manière sonore et aussi avec les mots. Parfois, c’est moins le contenu qui m’importe que la façon de dire. Il y a donc à la fois du mouvement, du texte, un travail sonore et, comme j’adore les arts visuels, des projections vidéos. Et puis, il y a ce texte.
Justement pourquoi ce texte, L’armoire des ombres de Hyam Yared?
C’est surtout le fil conducteur de l’histoire. Une femme divorcée, qui vit seule avec son enfant, qui n’a pas beaucoup d’argent. Pour faire plaisir à une amie, elle passera une audition. L’ouvreuse l’oblige à laisser son ombre au vestiaire. Elle entrevoit à peine le metteur en scène qui n’a pas de visage. Elle décroche le rôle. Le jour de la représentation, tout le monde est parti manifester. Elle se retrouve seule avec l’ouvreuse et l’éclairagiste. Le public commence à arriver et elle n’a rien à dire. Sur scène, il y a une chaise, une armoire et une panoplie d’ombres. Elles sont toutes femmes. Voilà les histoires. Tel est le noyau de l’histoire qui m’a inspirée. Je ressentais quelque chose de similaire dans ma vie ici en tant qu’étrangère. Il y a peut-être une partie de moi que j’ai dû laisser quelque part pour pouvoir venir ici. Et je découvre plein d’autres ombres et réflexions…
Depuis combien de temps y travaillez-vous?
Depuis 2011 environ, quand j’ai rencontré Hyam Yared puis lu le texte, j’ai décidé de faire un projet. Le temps que ça mijote dans mon inconscient, ça a pris des années. On aboutit à la fin d’un processus de six mois de vrai travail, mais au niveau de la pensée, depuis plus longtemps. Je travaillais au début avec un dramaturge pour faire une réelle adaptation mais, progressivement, ça devenait un autre spectacle, le mien. D’où le titre de la pièce: Variations sur l’armoire des ombres.
La pièce bouscule les codes du théâtre traditionnel?
A mesure que j’avançais dans le travail, j’avais de moins en moins envie d’aller dans une optique traditionnelle de théâtre. J’ai donc décidé d’utiliser un côté sonore, de partir dans la ville, avec en tête les images du texte qui m’inspiraient, pour filmer celles qui me faisaient penser au texte et que j’incorpore dans la pièce. Il y a des éléments que j’avais envie d’amener à ce spectacle. Il n’est jamais fini, il est toujours en évolution. J’aime que ça reste vivant, d’avoir le retour du public, ce qui me fera faire des liens là où je ne l’avais peut-être pas fait. C’est ainsi, par exemple, qu’au début, je savais que je ne voulais pas avoir une vraie armoire, une chaise et, au fil d’une discussion avec l’une de mes étudiantes, elle me dit qu’elle construit des maquettes pour le cinéma. Une maquette, un mini-théâtre avec une chaise, une armoire et les ombres à l’intérieur, pour faire des ombres chinoises, lumière et projections sur un écran. En parlant aux gens, en apercevant quelque chose dans la rue, je fais des liens qui font évoluer le spectacle. J’aime habiter des lieux et c’est comme ça que je me vois dans ce spectacle: habiter le théâtre, non dans l’optique d’être seule sur scène dans un échange confortable avec le public, mais que ce dernier aussi l’habite.
Propos recueillis par Nayla Rached
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Entre Beyrouth et Montréal
Artiste de théâtre transdisciplinaire originaire du Canada, vivant à Beyrouth, Nadine Sures a travaillé en tant qu’interprète, directrice, productrice et professeure professionnelle et internationale pour les vingt dernières années. Lauréate du prix Victor Martyn Lynch-Staunton, elle s’est installée en tant qu’artiste interprète à Montréal et à Beyrouth et présenté ses créations à travers le Canada, l’Europe et le Moyen-Orient.
Photo: Bahaa Ghoussainy