Magazine Le Mensuel

Nº 3059 du vendredi 24 juin 2016

ECONOMIE

Liban: 1 150 000 travailleurs syriens et palestiniens

Jamais le taux de chômage au Liban n’a autant fait l’objet de controverse. Au manque chronique de statistiques officielles sur le marché du travail s’est greffé, depuis le début de la guerre en Syrie, le déferlement des réfugiés qui a fini par brouiller tout le paysage. La première brèche réside, à la base, dans l’abstention du ministère du Travail d’entreprendre un recensement de la présence syrienne au pays du Cèdre, en passant au crible ceux qui sont présents pour y travailler, neutralisant ainsi tous les outils permettant de se faire une idée précise du phénomène de substitution de la main-d’œuvre libanaise par la syrienne.
La seule carte de contrôle aux mains du ministère du Travail est la prérogative contraignante aux employeurs d’obtenir un permis de travail préalable à l’entrée au Liban de l’employé étranger. Pour le moment, le ministère du Travail ne fait pas usage de ce pouvoir, du moins à l’égard des Syriens, au nom de la politique de distanciation que les gouvernements successifs ont suivie. De même, l’autorité de tutelle ne prend pas la peine d’établir un décompte des adhérents à la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS), qui retirent leurs indemnités de fin de service avant d’atteindre l’âge de la retraite, un indicateur des licenciements liés au ralentissement économique et, par conséquent, au nombre de chômeurs. Les données de la Banque mondiale ont estimé le taux de chômage au Liban à 11% en 2010, un taux qui s’est accru au cours des dernières années pour atteindre 25%. Les Syriens et les Palestiniens représentent, aujourd’hui, 55% de la population du Liban, alors que le taux de force active parmi eux serait de 53%. Ceci signifie qu’il existe près de 1 150 000 mains-d’œuvre syriennes et palestiniennes qui concurrencent illégalement la main-d’œuvre locale. Sachant que les faibles opportunités de travail offertes aux diplômés libanais et l’étroitesse du marché local représentent en ce moment une raison principale qui pousse les jeunes à l’émigration bien plus que la situation sécuritaire dans le pays. Le nombre des jeunes émigrés a représenté plus de 38 000 par an contre 25 000 en rythme annuel entre 1975 et 2000.

Attentat contre la Blom
Pas d’impact sur les actions en bourse

La semaine qui a suivi immédiatement l’attentat contre la Blom Bank n’a pas pesé sur le cours des actions bancaires cotées à la Bourse de Beyrouth, notamment celles de la Blom. La distribution des dividendes sur les différentes actions des établissements de crédit cotées s’effectuera graduellement comme prévu pour ceux qui ont enregistré des profits. Soulignons qu’à l’approche de la saison de l’été, l’activité à la Bourse de Beyrouth connaît un certain ralentissement.
Parallèlement, les avoirs en devises étrangères de la Banque du Liban (BDL) ont reculé de 561 millions de dollars au cours de la première quinzaine du mois de juin 2016 par rapport à fin mai, atteignant près de 36,3 milliards de dollars. Ce qui reflète une intervention limitée de la BDL sur le marché de change à la suite de l’attentat de la Blom Bank.

Baisse de la valeur de l’euro
Un écueil à l’exportation industrielle

Le Liban peut devenir un pays industriel et non seulement un pays de services. Du moins, c’est ce qu’a déclaré, à Magazine, Fadi Gemayel, président de l’Association des industriels au Liban (AIL), qui a appuyé des propos récents dans ce sens tenus par le ministre de l’Industrie, Hussein Hajj Hassan. Dans tous les cas de figure, la diversification de l’économie ne peut qu’être salvatrice si l’on examine les nombreux cas des pays exportateurs de pétrole au lendemain de la chute des prix du baril de brut, qui se poursuit depuis deux ans. Bien entendu, le Liban ne sera jamais un pays d’industries lourdes. «Dans une économie libérale comme la nôtre, une politique industrielle est une nécessité et non un luxe», a-t-il dit, expliquant que l’industrie est génératrice d’emplois pour les jeunes diplômés. D’après Gemayel, les actifs des banques étaient de l’ordre de 188 milliards de dollars à fin avril 2016, de quoi permettre d’ouvrir les vannes des crédits aux agents du secteur industriel. De son côté, lors d’un entretien aussi avec Magazine, Ziad Bekdache, vice-président de l’AIL et directeur de l’usine OPP pour la production d’articles de papeterie, a déclaré que l’entreprise poursuit ses efforts pour l’ouverture de nouveaux marchés à l’exportation, notamment en Europe, après s’être introduite en Italie. La démarche n’est pas facile à entreprendre, d’autant que le recul de la valeur de l’euro face au dollar rend les produits libanais moins compétitifs dans l’eurozone, poussant les industriels libanais à comprimer leurs coûts de production (pas toujours évidents) et à réduire davantage leurs marges de profits afin d’assurer un roulement efficient de leurs stocks de production.
Par ailleurs, l’enquête trimestrielle menée par la Banque du Liban a montré que la production industrielle a régressé au quatrième trimestre de 2015, la balance des opinions des gestionnaires des entreprises industrielles ayant représenté -12 contre -5 respectivement au cours du troisième trimestre de 2015 et du quatrième trimestre de 2014. La balance des opinions a été au plus bas (-21) dans les régions de Beyrouth et du Mont-Liban, suivie par celle du Liban-Sud (-11), du Liban-Nord (-6) et de la Békaa (-1). Parallèlement, la balance des opinions portant sur le volume des investissements dans le secteur industriel a représenté -7 au quatrième trimestre de 2015 contre -13 un trimestre auparavant et +1 au quatrième trimestre de 2014. Celle-ci a été la plus faible dans les régions de Beyrouth et du Mont-Liban (-12) suivie par celle du Liban-Sud (-11), le Liban-Nord (-6) et la Békaa (+4). Concernant la demande étrangère sur les produits industriels locaux, la balance des opinions a représenté -14 au quatrième trimestre de 2015 contre -23 respectivement au cours du troisième trimestre de la même année et du quatrième trimestre de 2014. La balance des opinions reflète la différence entre la proportion de gestionnaires d’unités industrielles qui considèrent qu’il y a une amélioration d’un indicateur déterminé et celle de ceux qui estiment le contraire.

Liliane Mokbel

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