Magazine Le Mensuel

Nº 3075 du vendredi 3 mars 2017

Point final

Un quota pour les hommes

A l’approche des élections législatives, des femmes libanaises se battent pour l’obtention d’un quota, leur garantissant un siège dans l’hémicycle. Ceux qui sont censés leur accorder cette «faveur» sont ceux-là même qui s’accrochent à leur strapontin, à tout prix, impunément. Des hommes, qui au lieu de ne pas être reconduits dans leurs fonctions pour tâche mal accomplie, se sont arrogés le droit de proroger à deux reprises, à plein salaire, un mandat donné par le peuple à durée limitée! Seuls maîtres à bord, et nullement pressés, ils se crêpent le chignon et chipotent autour d’une loi électorale depuis des années. Tant et si bien, que The Bold and the Beautiful, le soap opera qui rythme les journées des Desperate housewives de saison en saison, n’a plus qu’à aller se rhabiller. Dans l’hémicycle, à chaque session, naissent entre les anciens ennemis des idylles dépassant tous nos fantasmes. Des amours de raison ou d’intérêt, qui feraient pâlir de jalousie toutes les intrigantes et autres gold-diggers: elles échangeraient bien leur mari fortuné contre tous ces deals juteux!       
Derniers rebondissements de cette saga qui n’en finit plus de jouer les prolongations? En 2016, après s’être déchirés pendant des décennies, nos messieurs se tombent presque tous dans les bras. Que l’on morde au scénario ou pas, la photo de famille, même réunie, demeure bien peu reluisante, et pas seulement parce que les femmes n’y sont pas représentées. En effet, vu l’état du pays, force est d’admettre que les différents acteurs ne sont pas si brillants: jamais de vision à long terme et de solution prise dans l’intérêt général, à moindre coût! En témoigne, dernière en date, la crise des déchets à laquelle se sont récemment invitées les mouettes, ajoutant le risque de mort par crash d’avion, aux cancers et autres maladies qui guettent les Libanais… Reporter le problème, et en créer de nouveaux, c’est leur façon à eux de régler nos problèmes, de tous temps. Une calamité! Pourtant, regroupés en foules sentimentales, nous continuons, à défaut, à les applaudir… à les bisser.  Curieux syndrome qui nous maintient, hommes et femmes confondus, otages d’une classe politique qui n’a que trop perduré… Stockholm? Non, Beyrouth!      
Seule façon de signer le clap de fin et libérer le pays de leur emprise: changer ce casting en 2017. Alors, leur quémander un quota pour contrer une mentalité étriquée qui empêche les femmes d’accéder au pouvoir? Trop peu. Pour ma part, je revendiquerai, au même titre, un quota qui garantisse l’arrivée au Parlement d’hommes nouveaux, non corrompus ni rompus à l’exercice du pouvoir… capables de tirer le pays du précipice dans lequel nos actuels représentants et leurs prédécesseurs l’on précipité. Un quota d’hommes de la trempe de ceux qui ne se sentent pas diminués au contact de femmes volontaires désireuses de casser les moules dans lesquels certaines lois d’un autre âge veulent les enfermer!  
Ces hommes et ces femmes existent dans notre société. A nous de savoir les reconnaître. A nous de voter pour eux, et d’injecter du sang neuf à la vie politique. Ce n’est que le jour où nous ferons parvenir ces hommes-là au Parlement, qu’il y aura enfin espoir que des femmes aussi qualifiées qu’eux, ou même meilleures, les accompagnent effectivement et efficacement dans le partage et l’exercice du pouvoir. Ensemble, ils formeront l’équipe gagnante.   
D’ici là, à l’image des hommes qui nous gouvernent, même si elle arrive à arracher quelques sièges, la gent féminine risquera de faire une bien piètre figuration. 

Lina Zakhour
Auteure. Avocate-conseil spécialiste du discours.  
Enseignante à l’université

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