Proche-Orient, Moyen-Orient, Extrême-Orient… Ces appellations ne seraient-elles pas désuètes? Relevant d’une logique géopolitique dépassée, elles ne qualifiaient l’Orient qu’en fonction de la distance qui le séparait de l’Europe. Une consonance servant à délimiter l’influence occidentale dans la région n’a pas sa raison d’être aujourd’hui… du moins géographiquement!
La notion de Moyen-Orient, qui vient de l’anglais «Middle East», a été employée pour la première fois par le stratège naval américain Alfred T. Mahan, au début du XXe siècle. Depuis, essayistes, historiens, politiques n’ont cessé de lui donner des définitions égocentriques, faisant fi des limites, englobant des pays, retranchant d’autres, en se basant sur une carte virtuelle à géométrie variable. Ceci, quand les visiteurs eux-mêmes ne se gênaient pas à découper nos terres sur mesure, à la pointure de leurs bottes…
Ne serait-il pas temps de repenser ces dénominations moyenâgeuses, qui parlent tantôt d’un Orient proche, pour dire le conflit israélo-palestinien, tantôt d’un Orient moyen – comme une note moyenne, un modèle, un coût? – quand il s’agit de convoiter les richesses pétrolières du Golfe? Quoi que plus tard le Grand Moyen-Orient (The Greater Middle East) verra le jour au temps du gouvernement de George W. Bush, qui, lui, aspirait encore plus grand!
Que les Occidentaux nous classifient proches, un peu, beaucoup ou à l’extrême, on comprend leur perception, mais nous, pourquoi continuons nous à négocier «la paix au Proche-Orient» alors que nous nous trouvons dans l’œil du cyclone? Pourquoi parlons-nous toujours du Moyen-Orient alors que lesdits pays sont à nos portes ou de l’Extrême-Orient, quand la Chine est presque une voisine?
Appelons l’Orient, l’Orient. Comme l’Occident, l’Occident. Ou alors, l’Orient de l’Est, du Sud, du Sud-Ouest… des repères relatifs au cosmos plutôt qu’aux ambitions de puissances rivales friandes de gloire et de pouvoir! On parle bien de la Corée du sud, de l’Amérique centrale, de l’Europe de l’est… Même l’Afrique n’a pas perdu son nord!
Faisons une Nahda, côté nomination. Lançons un concours à nos poètes et intellectuels pour une désignation plus affirmée de l’Orient, un peu plus indépendante!
Pour mentionner sa date de naissance, Victor Hugo, a dit: «Le siècle avait deux ans quand je suis né?». Empruntons à l’auteur de Les Orientales son orgueil, pour dire que l’Europe était taxée de vieux continent quand on parlait de l’Orient des lumières; que le nouveau monde et les Etats-Unis d’Amérique n’étaient pas encore nés quand le Levant était un des foyers de développement culturel et scientifique et que le Liban, si on regarde bien la carte, est, quasiment et toujours, au centre du monde!
Léa G. Bachour
Chef de Publicité au Groupe Magazine.
Journaliste