Magazine Le Mensuel

Nº 3092 du vendredi 3 août 2018

Focus Liban general

Melhem Riachy. L’accord de Maarab est basé sur le partage du pouvoir

Melhem Riachy agit en amont et en aval en tant que ministre de l’Information et négociateur en chef pour rapprocher différentes composantes politiques libanaises. Il affirme avoir embrassé les deux rôles avec autant d’enthousiasme que de détermination.

Dans un entretien accordé à Magazine, Melhem Riachy concède que la négociation est une qualité fréquemment recherchée, en particulier dans les fonctions à responsabilité publique. Par ailleurs, c'est un ministre de l’Information qui a mené «une restructuration institutionnelle» de son département, le libérant du carcan dans lequel il était enfermé depuis un demi-siècle. Le ministre souhaite laisser dans l’inconscient de l’opinion publique l'image d’un homme qui a bouleversé la donne dans le monde médiatique du secteur public afin de lui permettre de suivre le rythme du développement technique et technologique dans le monde.
A la fin de son mandat au sein du premier gouvernement formé par M. Saad Hariri, le ministre sortant de l’Information, qui a le contact facile, affirme sans ambages mais avec amertume que «des bâtons dans les roues à caractère politique ont jalonné son mandat ministériel.» Toutefois, il évite d’aller plus loin dans ces propos. Ecrivain et journaliste depuis un quart de siècle, il connait tous les maux, difficultés et souffrances de ses confrères du métier. De même, conscient de la désuétude d’un ministère de l’Information et de la primauté de la communication et de l’interactivité entre émetteur et récepteur du message, il a planché sur cinq projets de loi pilotes. «Mon successeur n’aura qu’à les mettre en œuvre», dit-il.

Eyepolice
Ces projets ont été approuvés par l’autorité de la fonction publique et se trouvent dans les tiroirs du secrétariat de la présidence du conseil. Ils n’ont jamais été inscrits à l’ordre du jour d’une réunion du gouvernement en raison de la pression exercée par plusieurs forces politiques qui ont décrété «leur boycott». Ainsi, il évoque le nouvel organigramme du ministère de l’Information dans le cadre duquel de nouvelles unités administratives seraient introduites, à savoir celles de l’informatique; de l’information numérique; de la communication; et du dialogue. Il mentionne par ailleurs la restructuration du Syndicat des rédacteurs dans le but de le transformer en Ordre, à l’instar des Ordres des ingénieurs, des avocats et des médecins; l’introduction du concept de salaire minimum pour un journaliste qu’il travaille dans l’audiovisuel, la presse écrite ou électronique et son inscription à une mutuelle de santé. Aussi Melhem Riachy est-il fier d’avoir initié la création de la Fédération des académiciens des facultés de journalisme et de l’audiovisuel au Liban, en vue de moderniser les programmes académiques, et d’avoir promu une subvention financière à la presse écrite. Poussé par une volonté de faire bouger le processus de réforme et d’instituer un changement au niveau de la mission de son département, il a lancé une application informatique EYEPOLICE, en coopération avec la société Cyberwaves, permettant au citoyen d’enregistrer toute violation au règlement public et de faire du ministère de l’Information une ébauche de médiateur de la République. Quant au dossier de Télé Liban et de Radio Liban, un projet de privatisation a été signé par le Premier ministre Saad Hariri et envoyé au Conseil supérieur de la privatisation. Prié de dire s’il croit encore à la presse dans son format papier, il considère que la fabrication du contenu n’a pas changé et que les nouvelles technologies ne sont qu’une forme parmi d’autres pour la diffusion du contenu, ajoutant que les nouvelles technologies de la communication n’ont pas empêché l’existence du téléphone, ni la présence des sociétés de télécommunications d’exister et d’être présentes sur le marché.      
 
Messager de paix
Dans le contexte des missions de médiation et de rapprochement interchrétiennes et interlibanaises qu’il mène, Melhem Riachy dit «être prêt à aller vers l’Autre pas seulement jusqu’à sept fois, mais jusqu’à soixante-dix fois sept fois» (Matthieu 18.21-22). Ceci dit, il confirme que la négociation est une alternative à la violence qui ne mène, à son avis, qu’à la destruction. S’il est pacifiste et se veut «un messager de paix, de dialogue et de rapprochement», sa conception de départ du processus de négociations stratégiques est empruntée au Calife Omar Ibn al-Khattab: «Tâcher d’être fort sans violence et d’être doux sans faiblesse». Il tapera du poing sur la table lorsque des accords conclus ne sont pas respectés et convient avec le ministre sortant Gebran Bassil qu’un mémorandum d’entente conclu n’est pas «un menu à la carte». Ce document se doit d’être respecté dans sa totalité. Certes, dit-il, les concessions ne sont livrées par les parties qu’à l’ombre d’un rapport de force et les sensibilités politiques des uns et des autres ne sont pas faciles à intégrer. La négociation est un fait typiquement humain, peut-être parce qu’elle requiert le recours au langage, ou que la résolution des conflits entre les personnes et les groupes appelle le remplacement de certaines lois de la nature par les règles de la culture. En réponse à une question, le ministre sortant de l’Information précise que l’accord de Maarab n’est qu’une annexe au compromis politique rendu public par le leader des Forces libanaises Samir Geagea, le jour de la proclamation de son soutien à la candidature du général Michel Aoun à la première magistrature et en présence de ce dernier. L’accord de Maarab est basé sur le partage du pouvoir, rappelle-t-il.

Liliane Mokbel
 

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