Magazine Le Mensuel

Nº 3098 du vendredi 1er février 2019

Spectacle

Le Théâtre du Boulevard à Chiyah. La culture, l’essence du travail municipal

Première initiative du genre au Liban, la municipalité de Chiyah a officiellement inauguré le 12 janvier, son théâtre du Boulevard, qu’elle a entièrement pensé, mis en œuvre et financé. Son président, Edmond Gharios, en parle à Magazine.

C’est au boulevard Camille Chamoun, à Chiyah, entre Furn el-Chebbak et Ain el-Remmané, en face du siège de la compagnie de téléphonie mobile Alfa, au cœur du Forum de Chiyah, que le théâtre du Boulevard vient de voir le jour. De par son emplacement à un croisement vital, à quelques pas de Beyrouth, le théâtre est facilement accessible, qu’on vienne d’Achrafié, du Metn nord, ou du Metn sud, tient à préciser Edmond Gharios. C’est en musique que le théâtre a été inauguré, avec un concert du compositeur et pianiste, Georges Tomb, accompagné de l’Orchestre philharmonique libanais, sous la direction de Joanna Medawar Nachef.
«De taille moyenne, la salle de spectacle peut accueillir 500 personnes», explique Edmond Gharios. Equipé des meilleures techniques son et acoustique, à la pointe de la modernité, le théâtre peut même accueillir sur ses planches des opéras. «Nous voulons proposer aux artistes des atouts supplémentaires pour les attirer dans la région, tout en leur garantissant le meilleur équipement technique».
Et Chiyah renaît. La création du théâtre du Boulevard s’inscrit dans une politique développementale socio-culturelle adoptée par la municipalité de Chiyah sous la présidence d’Edmond Gharios. L’idée du théâtre remonte à une décennie et s’inscrit dans le cadre d’un projet culturel et sportif plus vaste. «Chiyah avait un passé historique dans le domaine du développement socio-culturel, mais la guerre a effacé ses traces. Il était donc nécessaire de recréer une renaissance sociale et culturelle dans cette région. Cela fait plus de neuf ans que nous travaillons sur ce programme» de centre culturel et sportif. Le centre sportif est fonctionnel depuis deux ans déjà avec des championnat
s arabes qui y sont organisés, des activités sportives qui s’y tiennent, et plus de 1 500 jeunes hommes et femmes qui le fréquentent les éloignant ainsi de la rue.
Quant au volet culturel de ce centre, outre une bibliothèque publique qui devrait ouvrir prochainement, il est axé essentiellement sur le théâtre du Boulevard. «La présence d’un théâtre à Chiyah enrichit la région et permet d’y attirer artistes et acteurs établissant ainsi une proximité entre ces derniers et la communauté de Chiyah; celle-ci sera encouragée à s’intéresser au domaine de la culture et des arts». La création de ce nouveau lieu a été aussi initiée par le manque de salles de théâtre à Beyrouth dotées de hautes spécificités techniques. «Beyrouth et ses banlieues ont besoin de ce genre de théâtre». L’emplacement du théâtre du Boulevard, qui a reçu son nom en partie en raison de sa situation au boulevard Camille Chamoun, est également très accessible.
En ces temps moroses où la culture a du mal à résister, où des salles de théâtre ont du mal à survivre et mettent parfois la clé sous la porte, l’initiative de la municipalité tonne comme un défi, surtout que la culture théâtrale au Liban a encore du mal à se frayer un chemin. «Le théâtre a eu ses moments de gloire au Liban. Aujourd’hui, cet art souffre un peu, mais il faut qu’il y ait un renouvellement, il ne faut pas négliger ce secteur, affirme Edmond Gharios. Et les institutions publiques ont le souffle plus long, puisque leur but n’est pas directement lucratif. C’est ce qui est différencie ce projet d’autres, d’ordre privé. En tant que conseil municipal, notre but n’est pas de rentrer dans nos frais, mais d’assurer la continuité et la durabilité du projet. C’est l’essence même du travail municipal».

 Priorité aux Libanais
Avec un coût de 2 millions de dollars, le théâtre du Boulevard a été entièrement financé par la municipalité de Chiyah. Le théâtre a été pensé et étudié dans ses moindres détails, notamment pour minimiser les coûts d’opération et de maintenance du théâtre, pour continuer à subsister même quand la salle n’accueille pas de spectacles. Dans ce prolongement, «le prix de location de la salle est acceptable et encourageant, surtout pour les spectacles embryonnaires. Nous avons déjà reçu beaucoup de requêtes de Libanais résidants à l’étranger qui aimeraient présenter leurs productions au Liban, et nous sommes conscients qu’ils ne peuvent pas payer de grandes sommes».
Ouvert à tous, les spectacles qui seront présentés au théâtre Boulevard doivent cependant correspondre à «certains critères de qualité, de moralité… établis par le comité artistique du théâtre». Y aura-t-il une préférence pour les enfants de Chiyah? «Sûrement, répond Edmond Gharios, avec un sourire franc, mais ce n’est pas discriminatoire. En revanche, ce qui est certain, c’est que la priorité est accordée à 100% aux Libanais».
Espère-t-il que d’autres municipalités suivront l’exemple? « Il est nécessaire que les municipalités s’investissent, répond-il. C’est beau d’avoir des rues bien agencées, mais ce n’est pas suffisant. Notre tâche ne s’arrête pas là. Le développement socio-culturel fait partie intégrante du travail municipal».

Nayla Rached

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