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Nº 3106 du vendredi 4 octobre 2019

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Expertise France au Liban Sept projets de 30 millions d’euros

Paris a vu courant septembre la concrétisation d’une initiative qui traduit la collaboration entre les artisans-créateurs de la filière de la transformation du bois à Tripoli et Expertise France.

Cette initiative a permis de créer une première collection de meubles, «Minjara Editions» qui a été exposée du 7 au 17 septembre à la résidence de l’ambassadeur du Liban dans la capitale française, puis au Liban à partir de fin septembre.

A la fois marque, label qualité et plateforme de services pour les acteurs de l’industrie du meuble, Minjara a été développée dans le cadre du Programme d’appui au secteur privé (PSD-P). Inaugurée en septembre 2018, Minjara est un espace de plus de 1500 m² où l’ensemble des acteurs de la filière bois peuvent être mis en relation avec de potentiels clients et bénéficier de services adaptés. Minjara est également une marque qui doit permettre aux meubles tripolitains d’être reconnus et de gagner en compétitivité, sur le marché à la fois national et international.
Cette manifestation a été l’occasion de mettre en lumière les activités d’Expertise France au Proche-Orient en général et au Liban en particulier, et cela à travers une interview avec son Directeur général, Jérémie Pellet.

Quelles sont les nouvelles priorités des actions de l’agence Expertise France au Moyen-Orient, tenant compte de la conjoncture difficile sur les divers plans sécuritaires, économiques et sociaux?
Notre activité s’est accrue ces dernières années au Moyen-Orient. Nous mettons en œuvre environ 20 projets dans la région, en Irak, Jordanie, Palestine ou au Liban. Ils visent à atténuer les effets d’une conjoncture difficile. En réponse aux besoins exprimés par nos partenaires, les efforts que nous déployons se concentrent notamment sur la jeunesse, le renforcement du lien social et l’appui au développement économique.

Pouvez-vous dresser une présentation générale des diverses actions de l’agence engagées au Liban et du budget global dédié à l’aide dans ce pays ?
Aujourd’hui, Expertise France au Liban, ce sont sept projets de coopération dont le montant cumulé représente près de 30 millions d’euros, financés principalement par l’Union européenne.
L’agence intervient sur quatre axes principaux: l’appui à la gouvernance démocratique, économique et financière, le développement social, l’appui au développement du secteur privé et à la structuration de filières de production et la santé. Expertise France est mobilisée de manière croissante auprès des autorités libanaises pour la mise en œuvre et le pilotage des réformes publiques d’envergure dans lesquelles elles se sont engagées. A titre d’exemple, nous intervenons en appui aux structures de gouvernance dans leurs projets de lutte contre la corruption, en appui aux autorités dans la lutte contre les discriminations et violences faites aux femmes, ou encore en appui au secteur privé en œuvrant pour le renforcement des filières agricoles et filières bois.

Plusieurs critiques, adressées à l’activité de l’Agence, notamment au Liban, considèrent que les vrais motifs de l’intérêt manifesté à leur égard résident d’une part, dans le souci de répondre à la situation des réfugiés syriens plutôt que de faciliter la situation difficile économique et sociale des citoyens libanais et d’autre part, que les aides vont directement aux diverses organisations et associations dont les activités sont dépourvues de tout contrôle. Que répondez-vous à ces critiques?
Au Liban, l’un des principaux programmes que nous mettons en œuvre, grâce à des financements européens, est le programme de développement du secteur privé. Ce sont 15 millions d’euros qui visent à soutenir les très petites, petites et moyennes entreprises de cinq filières de fruits et de la transformation du bois. Si l’on prend l’exemple du bois, l’idée était de faire se rencontrer l’ensemble des acteurs impliqués dans la création de meubles, les fournisseurs, producteurs, designers, afin qu’ils améliorent la compétitivité de leur secteur. Ce programme a débouché sur la création de la plateforme Minjara, inaugurée à Tripoli. A la fois marque, label qualité et plateforme de services, Minjara a permis de souder la filière. Une exposition de meubles, vitrine du savoir-faire libanais, a d’ailleurs été organisée à l’ambassade du Liban à Paris en septembre.
Soutenir le secteur privé ne dispense pas d’agir sur la question des déplacés syriens. Les capacités sociales et économiques des pays hôtes sont poussées à leurs limites et il est difficile de faire face à ce défi sans un soutien de la part de la communauté internationale. C’est vrai pour le Liban qui accueille 1,5 millions de déplacés syriens. Depuis 2016, Expertise France apporte ainsi son appui au ministère des Affaires sociales dans la mise en œuvre de son plan d’action visant à réduire l’impact de la crise syrienne sur son territoire. Les activités viennent principalement en soutien des populations vulnérables, qu’elles soient syriennes ou libanaises, pour renforcer leurs résiliences.

N’est-il pas plus judicieux d’aider les déplacés syriens à retourner et s’installer dans leur pays d’origine, surtout que plusieurs zones sont sécurisées et pacifiées et que les zones de guerre sont bien délimitées? Car il y a de vraies craintes chez une grande partie des Libanais et de leurs dirigeants que l’Occident, et surtout l’Europe, cherche à éloigner le danger de voir un afflux de réfugiés syriens chez eux et préfèrent les éloigner en les aidant à pérenniser leur présence dans les pays d’accueil. D’ailleurs, votre agence dit clairement que ses actions visent à «favoriser l’intégration des réfugiés au sein des communautés qui les accueillent».
L’accueil et la générosité du peuple libanais ont permis à plus de 1,5 millions de Syriens d’échapper à l’angoisse de la guerre. Aujourd’hui, le HCR considère que les conditions actuelles en Syrie ne permettent pas le retour des déplacés dans la sécurité et la dignité. Nous nous efforçons, à notre petite échelle et en réponse à une demande d’accompagnement, de soutenir les communautés hôtes dans leur accueil et de faire en sorte que la présence des réfugiés se fasse dans les meilleures conditions possibles.

Comment votre agence pourra, à travers ces projets de coopération, apporter de l’appui au secteur privé au Liban et à son développement?
Comme je le disais, Expertise France propose déjà, et ce depuis 2016, un appui au secteur privé au Liban. Au-delà du secteur du meuble, ce programme vise à améliorer la compétitivité des acteurs de plusieurs filières prioritaires: le raisin de table et la cerise dans la Békaa ou le maraîchage et l’avocat dans la région du Akkar, par exemple. Le programme a vocation à reconnecter les producteurs et les transformateurs au marché en leur permettant de proposer des produits répondants aux exigences de la clientèle en termes de quantité, de qualité et de positionnement prix. A cette fin, une boîte à outils a été proposée afin d’accompagner ces filières: formations techniques, formations en gestion d’entreprise, financement d’infrastructure et d’équipements, accompagnement à la stratégie de vente, mise à disposition d’un observatoire des filières. A titre d’exemple, en parallèle d’un circuit de production maîtrisé, la marque commerciale Merula a été développée en collaboration avec la Chambre de Commerce, d’Industrie et d’Agriculture de Zahlé afin de proposer aux consommateurs des cerises calibrées et gustatives. Le contrôle de la production, notamment par la certification, la maîtrise de la chaîne du froid et l’utilisation d’un packaging attractif ont permis aux producteurs d’améliorer leur marge et aux distributeurs de pouvoir compter sur un produit qualitatif répondant aux exigences de leur clientèle. Les conditions des producteurs bénéficiant des services proposés en sont améliorées.

Béchara Bon (à Paris)

 

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