Magazine Le Mensuel

Nº 2906 du vendredi 19 juillet 2013

à la Une

Pet Shop Boys à Byblos. «Tonight is the night»

Les mélomanes attendaient cette soirée de pied ferme: les Pet Shop Boys au Festival international de Byblos, le samedi 13 juillet. Un enchantement qui aiguise tous les sens.

On espérait tellement de ce concert tant attendu. Et nous voilà entièrement satisfaits, plus que satisfaits. Jubilatoires. Les yeux encore pétillants à la pensée de cette soirée exceptionnelle du 13 juillet. Les Pet Shop Boys ont ravi Byblos et leur public venu nombreux, très nombreux. Ce soir-là, les Libanais se sont rendu compte, de manière concrète, de manière euphorique, du vrai sens du mot «show». De son impact sur le corps et l’esprit. De sa capacité à figer le temps, à se jouer du temps. Grandiose. Tellement grandiose. Comme on en a rarement vu au Liban.
Que le show commence. Dès les premières minutes, les regards se figent. Intrigués. Hypnotisés. Les Pet Shop Boys nous introduisent d’emblée dans leur univers particulier, extravagant, décapant. Et tout le reste n’existe plus. L’audience est captivée par les projections sur écran géant: une espèce de tube lumineux, orangé, qui grandit au fur et à mesure, pour épouser la forme d’un cône, évoquant l’imaginaire collectif de l’atterrissage d’un vaisseau spatial, duquel sortent deux ombres extraterrestres, marchant côte à côte. Et voilà le duo sur scène, masqué, costumé. Illusion, jeu d’illusions. Il semble, d’un coup, que la Terre s’éloigne de plus en plus. En apesanteur. En direction d’une autre planète, en dehors du temps.
«Il nous a fallu trente ans pour venir au Liban. Tonight is the night», lance Neil Tennant. Et quelle nuit! Pas une minute de répit. Les Pet Shop Boys entonnent leur répertoire, oscillant entre pop et électro, entre chansons extraites de leur dernier album, Electric, et tubes plus anciens qui ont fait leur succès dès le milieu des années 80. Opportunities, Fugitive, Suburbia, I’m not scared, Memory of the Future, Leaving, Thursday, Miracles, It’s a sin, Domino Dancing, Go West, Always on my mind… Voyage dans le temps, entre passé, présent et futur. Avec les Pet Shop Boys, cela est possible. Grâce à la voix de Neil Tennant, reconnaissable entre mille. Grâce aux sons du synthé de Chris Lowe, l’essence même de la musique du groupe.

Et cette nuit fut
D’un univers à un autre, d’une planète à une autre, le spectacle nous entraîne de voyage en voyage, toujours aussi décapants, aussi étranges, aussi symboliques. Tour à tour, Neil Tennant et Chris Lowe, ainsi que leurs danseurs alternent costumes et déguisements pour nous transporter dans l’espace-temps. Masques martiens ou masques de minotaures, ces créatures mi-homme, mi bête, costards finement taillés ou salopettes orange, voilà que, sur scène, se mettent en place une chorégraphie et un rituel bien particuliers, engageants, entraînants, extravagants, alternant entre humour, merveilleux, fantastique… Les projections, hallucinogènes presque, emmêlent couleurs, formes, ombres, corps dansants, mise en abîme… des images qui se télescopent, vertigineuses, lumineuses, fluorescentes, tellement prenantes. Et puis, il y a les jeux de lumière. Spectaculaires. Indescriptibles. Des ondes lumineuses, orange, vertes, argentées, embrassent toute la foule, du devant de la scène jusqu’aux derniers gradins et au-delà, jusqu’à épouser l’ondoiement de la mer. Ambiance futuriste. Ambiance électrique.
Trente ans de carrière. Et les Pet Shop Boys n’ont pas pris une seule ride. Ils sont très rares les groupes qui parviennent à traverser les années sans tomber dans l’oubli, dans le «has been», dans la gloire révolue à laquelle ne survivent que quelques tubes. Le duo britannique, lui, fait partie de ces exceptions du monde musical; tout en restant égal à lui-même dans sa particularité, il ne cesse de se réinventer, d’innover, d’aller toujours de l’avant. Et surtout d’être capable de présenter un spectacle qui en jette plein la vue.
Le concert des Pet Shop Boys est tout un art étudié dans ses moindres détails. Pour le plus grand plaisir du public, qui n’hésite pas une seconde à laisser les corps s’exprimer, à se lever pour se déhancher, du moins en ce qui concerne les spectateurs assis sur les gradins. Les autres, «billets standing», eh bien, ils ne se sont pas reposés une seule seconde. Dansant, toujours dansant, sautant sur place, criant et entonnant les paroles des chansons. Certes à l’ère de la technologie, il y avait autant de téléphones portables brandis en l’air avec leurs écrans lumineux, pour capturer, en images ou en vidéos, ces moments-là, exceptionnels avouons-le. Mais à vouloir immortaliser l’instant, on risque parfois, souvent, de rater, l’euphorie du présent, du vécu. Parce que les Pet Shop Boys à Byblos, c’est une expérience qui se vit à travers tous les sens.
Plus d’une heure et demie d’enchantement qu’on voudrait tellement rallonger encore et encore. Mais c’est la fin et les Pet Shop Boys quittent la scène, sous un tonnerre d’applaudissements, de vivats et d’«encore». Evidemment − il semble, hélas, que cela soit devenu une autre particularité des Libanais, comme leur «célèbre» ponctualité −, il y a ceux qui n’attendent pas la fin du concert pour partir le plus rapidement possible. Peur des embouteillages? Manque d’intérêt? De civisme? Qu’importe. Et tant pis pour eux, ce sont eux les perdants. Puisque les Pet Shop Boys nous ont encore régalés avec leurs jeux de lumière et deux chansons en rappel, dont un de leurs mythiques tubes, West end girls. «Byblos, vous êtes magnifique. C’est notre premier concert au Liban. Merci d’être un public aussi merveilleux. Nous vous aimons tellement», crie encore Neil. Et nous alors, Messieurs les Pet Shop Boys, c’est à nous de vous remercier pour cette soirée inoubliable! 


Nayla Rached

Related

Travailleurs qualifiés et petits métiers. La concurrence de la main d’œuvre syrienne

Derrière les montagnes d’ordures. Une sale histoire d’argent

A Achrafié, la vie reprend ses droits. Choc, dégoût et détermination

Laisser un commentaire


The reCAPTCHA verification period has expired. Please reload the page.