Mayssa Karaa, un nom bien libanais aux accents de plus en plus familiers; cette jeune Libanaise est dotée d’une voix exceptionnelle, chaude, émouvante. Les portes du monde s’ouvrent devant elle.
Il y a quelques mois, en novembre plus précisément, Mayssa Karaa en visite au Liban reçoit un coup de fil inattendu. Un coup de fil de Hollywood, des producteurs d’American Hustle. Ils ont entendu parler d’elle et voudraient qu’elle participe à la bande-son du film: une reprise de la chanson rock White Rabbit des Jefferson Airplane. En une quinzaine de minutes, elle apprend les paroles, l’enregistre tout simplement sur son téléphone portable, l’interprétant à sa manière et la leur envoie. Leur réponse ne tarde pas: pas besoin d’auditionner comme d’autres l’avaient fait, Mayssa Karaa est d’ores et déjà approuvée. Grâce à cette chanson interprétée en anglais et en arabe dans un style plutôt rock et une voix incroyable, Mayssa participe aux premières du film aux côtés de l’équipe à New York, à Dubaï… Et l’aventure se poursuit.
C’est à 7 ans que le talent de Mayssa Karaa se révèle, à elle en premier, à sa famille et à son entourage ensuite. A l’école Notre-Dame de Jamhour, elle faisait partie de la chorale, plutôt malgré elle, précise-t-elle, souriante, avant d’ajouter qu’elle n’était alors même pas consciente de pouvoir chanter. Trois jours avant le concert de fin d’année, alors que la chorale s’entraînait à chanter 3a issmak ghaneit de Feyrouz, voilà que le professeur commence à déambuler parmi ses élèves, faisant taire, tour à tour, chaque côté de la salle, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus que la voix de Mayssa. Il la soulève, la place devant le micro et lui demande de chanter. Et lors de la fête de fin d’année, elle reprendra la chanson seule, à trois reprises, à l’insistance du père recteur, devant une salle comble et conquise. Cours de chant, piano et solfège au conservatoire, le temps passe entre l’école et la musique, jusqu’en 2007 quand Mayssa se rend aux Etats-Unis pour suivre des études de génie civil. Mais elle n’a jamais oublié la musique… Comment le pouvait-elle? Elle continue à prendre des cours de chant, à chanter, à se produire en concert et tourne même avec le ténor Pasquale Esposito. Jusqu’au jour où sa vie prend un autre tournant, plus professionnel, par l’entremise de son père. Etonné, ce dernier se demande comment sa fille n’a jamais pensé à auditionner auprès de Berklee College of Music, alors qu’elle passe à côté de cette institution tous les jours. «Cela fait plus de deux ans que j’étudie le génie, lui répond-elle, et puis je ne vais pas être acceptée. Mais j’ai senti qu’il n’était pas convaincu». Voilà qu’il l’appelle quelque temps plus tard pour la prévenir qu’elle a deux semaines pour se préparer à l’audition qu’elle a obtenue à Berklee. C’est qu’il avait lui-même présenté une demande via Internet. Le verdict tombe: elle est admise au collège.
Un talent, un destin
«Je crois qu’il y a une raison pour laquelle Dieu m’a donnée ce talent, une raison pour laquelle mon père a fait tout cela, une raison pour laquelle j’ai été acceptée. Je ne vais pas vivre toute ma vie en me disant et si…». Nouveau départ, nouvelles études. «A Berklee, j’ai surtout été exposée à des gens de différentes cultures, à différents genres de musique. Ça m’a aidée à apprécier davantage la musique et peut-être, qu’inconsciemment, j’ai ajouté toutes ces influences à ma propre musique». Du rock, de la pop au jazz à la musique orientale, elle s’est longtemps entraînée aux côtés de Simon Shaheen. D’ailleurs, elle ne cesse de se produire en tournée avec lui et son groupe Kantara. A la fin de ses études, elle a été «parachutée dans un monde un peu inconnu», mais grâce aux contacts qu’elle a gardés, à son enthousiasme, à sa détermination, à sa volonté de ne faire que ce qui lui plaît, que ce qui la convainc, Mayssa Karaa a fait du chemin et continue d’aller encore plus loin, de se voir ouvrir encore plus de portes, toujours encouragée, soutenue par sa famille, et portant bien haut l’image de son pays natal. «Aux Etats-Unis, on me connaît en tant que Libanaise même si j’ai la nationalité américaine. J’ai toujours quelque chose qui se rapporte au pays dans ce que je porte, dans ce que je dis». Certes, il s’agit d’un attachement au pays et plus particulièrement à la musique orientale, à la langue arabe qui est très poétique, au fait que cette musique nécessite une voix chaude que Mayssa a, même en parlant tout simplement. «Une musique qui me va, qui me représente d’une façon ou d’une autre». Mais cela ne veut pas dire pour autant que c’est le genre musical qu’elle préfère. Le métissage, le mélange, l’ouverture, Mayssa Karaa forge son propre style, un mélange de tous ces univers, qu’elle compte bien introduire dans l’album sur lequel elle est en train de plancher. En attendant, elle continue de chanter, de tourner, de se laisser aller à la joie d’être sur scène, de sentir cette profonde connexion avec le public, ce partage, ce dialogue musical.
Nayla Rached