Magazine Le Mensuel

Nº 2874 du vendredi 7 décembre 2012

à la Une

Ignace IV s’éteint à 92 ans Le combat d’une vie


Victime d’une attaque cérébrale foudroyante, le patriarche grec-orthodoxe d’Antioche et de tout l’Orient, Mgr Ignace IV Hazim, a tiré sa révérence. Ses prises de position sont notoires. Il a toujours refusé de voir sa communauté se transformer en parti politique, et s’est opposé à toute intervention étrangère en Syrie, mettant en garde contre «les conséquences nuisibles de celle-ci dans nos affaires».

Sa Béatitude le patriarche Ignace IV, 170e patriarche d’Antioche et de tout l’Orient, primat de l’Eglise d’Antioche, est né le 4 avril 1921 en Syrie, dans le village de Mahradé, près de Hama. Il appartenait à une famille croyante et pratiquante orthodoxe arabe.
Il fait ses études primaires et secondaires à Damas, puis des études universitaires à Beyrouth et obtient une licence de lettres. Mais, attiré par l’Eglise, il intègre le service ecclésiastique orthodoxe local, en tant qu’acolyte puis comme diacre.
En 1945, il se rend à Paris où il obtient un diplôme de l’Institut orthodoxe de théologie Saint-Serge. C’est en France que naît sa vocation. Il est alors pris par le désir de répandre la religion orthodoxe et de faire découvrir ses traditions sacrées en réponse aux problèmes de la vie moderne. De retour au Liban, il fonde la faculté de théologie orthodoxe de Balamand qu’il gère en doyen pendant de nombreuses années. Pendant toute cette période, il travaille dur pour doter la faculté de dirigeants ayant reçu une bonne formation spirituelle et intellectuelle.
Mgr Hazim parlait couramment l’arabe, l’anglais et le français. Il fut l’un des fondateurs du Mouvement de la jeunesse orthodoxe actif au Liban et en Syrie en 1942, à travers lequel il aide à l’organisation et la direction d’un renouveau de la vie ecclésiale dans le patriarcat d’Antioche. Au sein de l’Eglise, le mouvement a aidé les croyants à redécouvrir le sens personnel et communautaire de l’Eucharistie. En 1953, il contribue à l’Organisation mondiale de la jeunesse orthodoxe et aux écoles théologiques.
Sacré évêque en 1961, il est élu métropolite de Lattaquié en 1970. Le 2 Juillet 1979, il est intronisé patriarche orthodoxe d’Antioche, sous le nom d’Ignace IV, le troisième rang hiérarchique de l’Eglise orthodoxe après les patriarches de Constantinople et d’Alexandrie.
Dès son élection, il se voue à la grandeur de son Eglise. Lors de son élection, il avait affirmé: «Je sais que je serai jugé si je ne porte pas l’Eglise et chacun de vous dans mon cœur. Aucune différence ne nous sépare. Je suis partie intégrante de chacun de vous et je vous demande de l’être en moi».
En tant que patriarche, il cherche à donner une nouvelle dynamique au Saint Synode des évêques. Il fut coprésident du Conseil Œcuménique des Eglises.

Pendant la guerre du Liban, le patriarche Hazim cherchait à rassembler les différentes parties. Il se désolait de voir le Liban désuni et meurtri. Et maintenant que la Syrie connaît un conflit interne aigu, le patriarche dénonce ce qui se passe dans son pays d’origine. Il déplore ce qu’il a appelé une «campagne médiatique» hostile à la Syrie qui, selon lui, encourage «la propagation du confessionnalisme et les idées sécessionnistes». La communauté chrétienne orthodoxe syrienne est restée à l’écart du mouvement de contestation contre le régime de Bachar el-Assad, craignant que son renversement n’aboutisse à une réédition du précédent irakien. Le chaos engendré par la chute de Saddam Hussein a poussé plus d’un million et demi de chrétiens à quitter l’Irak.
Jusqu’à son dernier souffle, il aura lutté pour que sa communauté s’impose en tant que telle et non en parti politique. Son discours est celui de la modération, de la tolérance et de la foi. L’essentiel pour lui était la survie du Liban et, dans cette période de troubles, la victoire de la Syrie sur le complot.

Arlette Kassas

 


L’Eglise grecque-orthodoxe
L’Eglise grecque-orthodoxe d’Antioche est l’une des 14 Eglises autocéphales rassemblées au sein de la Communion orthodoxe orientale. Elle compte un peu moins que deux millions de fidèles.
 

 

Related

Naïm Kassem. «Nous quitterons la Syrie à la fin du conflit»

Irak. Al-Qaïda passe à l’attaque

L’Histoire pour tous. Le Musée de la préhistoire

Laisser un commentaire


The reCAPTCHA verification period has expired. Please reload the page.