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Nº 2996 du vendredi 10 avril 2015

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Quand les parents se séparent. S’en tirer avec le moins de dégâts

Le divorce de ses parents est, pour un enfant, une épreuve, quel que soit son âge. Et cette épreuve est toujours, dans un premier temps, douloureuse. Toutefois, elle pourrait ne pas être destructrice si parents et accompagnateurs savent s’y prendre.

«Mes parents m’ont utilisée comme pion dans leur propre conflit, confie Yasmina, 20 ans, à Magazine. Je me sentais déchirée entre les deux. Je ne peux pas compter les fois où ma mère m’a demandé de transmettre un message à mon père, le nombre de fois où, lui, me posait des questions indiscrètes à son sujet. Je passais mon temps à cacher mes informations et mes sentiments au sujet de l’autre parent. Ils divorcent actuellement. Entre-temps, je vis chez ma tante qui les a convaincus de me dissocier de leur conflit et de lui permettre de m’en protéger afin que je poursuive ma propre croissance sans leurs influences néfastes. Je savais qu’un jour ou l’autre ils allaient divorcer. Donc, je gère sans trop de difficultés».
«Je croyais que mes parents s’aimaient, tellement ils jouaient aux amoureux devant nous, raconte Tarek, 22 ans. J’ignorais, qu’en fait, mon père avait toujours eu des maîtresses et qu’après vingt ans de mariage, ma mère ne le supportait plus. Elle a donc décidé de divorcer. Quel choc pour nous qui croyions que tout allait pour le mieux entre eux. A cause de leurs mensonges, j’ai continué d’éprouver du ressentiment bien après que l’anxiété et les craintes engendrées par la séparation se soient dissipées. Mes deux frères et moi vivons actuellement aux Etats-Unis et, somme toute, nous préférons cette séparation au mensonge et à l’hypocrisie, même si ma mère regrette sa décision et nous assène à longueur de temps qu’elle aurait dû rester avec lui».

 

A jamais ses parents!
Lorsque les parents décident de se séparer, l’enfant doit être informé de la séparation. Il est important de lui donner le droit de poser des questions et d’en parler. Le divorce n’est plus un secret honteux. En parler donc est essentiel pour que l’enfant sache qu’en fin de compte, ce ne sont pas ses parents qui se séparent, mais le mari et la femme qu’ils étaient. Il faut qu’il comprenne que ses parents étaient, bien avant sa naissance, un couple. Que ce couple s’est aimé au point d’avoir désiré qu’il naisse. Qu’aujourd’hui, ces anciens amoureux ne s’aiment plus assez pour vivre ensemble. Mais qu’ils resteront à tout jamais ses parents et continueront à veiller ensemble sur lui.
A éviter à tout prix: faire entrer l’enfant dans les détails de la mésentente. La vie privée de son père et de sa mère ne le concerne pas. Mais, attention. Le travail des parents ne se limite pas aux explications, parce que l’enfant a plus que jamais besoin, dans le tumulte de la séparation, de leur présence et de leur attention. Selon Serge Hefez, «le divorce est toujours une épreuve pour l’enfant. Une épreuve douloureuse. Mais elle peut ne pas être destructrice, si la séparation ne se passe pas trop mal et si l’enfant est accompagné et soutenu». Une fois que l’enfant est au courant du fait que ses parents vont se séparer, il a tendance, en général, à prendre le parti de celui qui, selon lui, souffre le plus ou est en position de faiblesse. Beaucoup d’entre eux continuent de souhaiter la réconciliation de leurs parents. Ils peuvent aussi se sentir en profond conflit face à la loyauté envers leurs parents. Ils peuvent également être déprimés, tristes et vivre un deuil, mais ils sont également plus susceptibles de blâmer un ou leurs deux parents et d’être en colère contre eux. Un comportement antisocial, une diminution de la performance à l’école, de même que l’anxiété, la dépression et la baisse de l’estime de soi… Les adolescents dépendent moins de la famille et, par conséquent, le divorce semble moins important pour eux. Néanmoins, il arrive souvent que leur estime de soi diminue pendant le divorce de leurs parents. Cela peut amener les adolescents à remettre en question leur propre capacité future d’établir une relation à long terme avec un partenaire et beaucoup d’entre eux sont très en colère contre leur père ou leur mère. Les psychologues sont toutefois unanimes: si certaines règles sont respectées, l’enfant s’en tire avec le moins de dégâts.
Selon le psychologue Charles Medawar, «normalement, ce sont les parents qui devraient aider les enfants à se remettre de la grande détresse éprouvée lors de leur séparation. Les parents encourageants peuvent protéger l’enfant du stress aigu de cette épreuve. Mais, au cours de cette période, les parents sont souvent inconscients des effets nuisibles de leur propre comportement sur leurs enfants. Ils sous-estiment les répercussions de leurs différends sur leurs enfants ou ils ne s’en préoccupent guère. Ils ne se rendent pas compte non plus qu’en demandant à l’enfant de prendre parti ou en l’utilisant pour espionner l’autre parent ou pour le diminuer, ils le mettent au milieu de leur conflit. Loin d’aider leurs enfants pendant la période de la séparation initiale, nombreux sont ceux qui contribuent à leur faire du tort. Or, la séparation comporte des charges émotionnelles et des incertitudes, une foule de questions se bousculent dans leur tête concernant principalement les changements qui interviendront dans leur vie. Il est donc essentiel que les parents, malgré leurs propres douleurs, soient présents et permettent aux enfants de participer aux conversations. Ce qui diminue leur sentiment d’impuissance, puisqu’un enfant est moins déstabilisé et inquiet quand il n’a pas besoin de tout deviner ou supposer. Evitez néanmoins le déballage de linge sale devant eux. Pas d’explications détaillées sur les problèmes des parents donc, pas de reproches ni de haine devant votre progéniture. Ne leur faites pas assumer des responsabilités qui les dépassent».
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Danièle Gergès
 

Le niveau d’adaptation des enfants est-il le même?
Le niveau d’adaptation de la plupart des enfants de parents divorcés se situe dans la courbe normale selon des mesures standardisées. Même quelques-uns des effets qui persistent jusqu’à l’âge adulte semblent finir par disparaître. Selon une recherche, les enfants qui vivent une situation difficile après la séparation peuvent compenser les effets de certains facteurs de stress en améliorant leur capacité d’adaptation et leur résistance à l’adversité. La réaction des enfants au divorce et à la séparation de leurs parents varie énormément. Les chercheurs reconnaissent que, pendant cette période, la plupart d’entre eux sont très perturbés tant sur le plan émotionnel que psychologique. Cette phase dure environ un an après la séparation. Un groupe d’experts américains a conclu récemment qu’après une période initiale de souffrance et de problèmes, la plupart des enfants de parents séparés ou divorcés deviennent des adultes qui n’ont pas de séquelles identifiables, que ce soit sur le plan social ou psychologique, ni aucune autre répercussion négative dans leur vie, à condition que leurs parents les accompagnent et ne s’en servent pas pour se venger l’un de l’autre.

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