Magazine Le Mensuel

Nº 3047 du vendredi 1er avril 2016

general

La rupture au masculin. J’y suis… j’y reste

Les hommes ont énormément du mal à avouer leurs sentiments et à dire les choses franchement. Et quand ils souhaitent mettre un terme à une liaison ou un mariage, les choses se compliquent. A leurs yeux, la rupture est synonyme de perte et d’incertitude, donc d’angoisse… Autant rester que de s’en aller. Témoignages et décryptage d’un phénomène qu’ils ont de la peine à affronter.

Les hommes s’abstiennent de rompre pour diverses raisons: égoïsme, lâcheté, culpabilité… ou, tout simplement, parce qu’ils ne veulent vraiment pas rompre. Cette dernière catégorie valorise plus le confort du couple que l’amour. Pour ces hommes, pas besoin de grands sentiments tant qu’il y a le reste: la tendresse, la sécurité, le statut social… Même s’ils savent qu’ils n’ont pas les mêmes critères que leurs partenaires, ces spécimens ne dérangeront pas leur confort par respect et cohérence avec l’autre. La culpabilité rôde aussi. Il est plus facile d’endosser le rôle de victime que celui de méchant qui fait de la peine aux autres. Chantage affectif du conjoint et, surtout, désir de protéger les enfants peuvent peser lourd dans la balance. Sans compter les parents qui prennent souvent mal la séparation, les amis qui ne comprennent pas…
«J’ai toujours fait en sorte qu’on me quitte plutôt que de quitter, explique Charles, 48 ans, célibataire. Cela m’évite d’endosser les habits du salaud instable et égoïste. Lorsque le besoin me prend de sortir d’une relation, je me fais odieux. Je suis de mauvaise humeur, je ne prends plus soin de ma partenaire, je fais tout le nécessaire pour pousser l’autre à prendre l’initiative de la séparation. C’est peu glorieux… mais très efficace. A ce jour, en suivant cette méthode, je m’en suis parfaitement sorti», affirme-t-il.
Albert, 54 ans, marié depuis vingt ans, ressent, depuis dix ans, la tentation de partir mais ne l’a jamais fait. «J’ai envie de tout plaquer, de partir loin au moins vingt fois par an et je ne le fais jamais. Je n’aime plus ma femme et j’ai eu plusieurs aventures au cours de nos années de mariage, mais rien qu’à penser à toutes les complications qui m’attendent si je m’en vais et aux jérémiades de ma conjointe, aux larmes de mes enfants, aux commentaires de mes parents et amis… je perds tout courage», confie-t-il à Magazine.
Pourquoi ces hommes qui n’aiment plus ne quittent pas eux-mêmes? «Souvent, par confort, précise le sociologue Raffi Khoury. Ils ne sont pas tentés de chambouler leur vie. Les hommes sont lâches aussi et font tout le nécessaire pour se protéger des engueulades et des reproches de l’autre. Ils n’aiment surtout pas s’embêter des larmes et du drame, donner des explications. Ils préfèrent mener une double vie que de partir. Ils ont ainsi moins de culpabilité à tromper qu’à rompre, considérant qu’en agissant de la sorte, le schéma familial et social reste protégé. Lorsque sa compagne officielle l’accule à choisir, en cas d’adultère, l’homme prend la décision de se séparer de sa maîtresse plus facilement que de sa femme. Ce n’est que lorsque la femme décide, elle-même, de mettre un terme à une relation que les hommes sont poussés à partir. Rares sont ceux qui prennent d’eux-mêmes cette décision, leur confort étant plus important que leur bonheur», souligne l’expert.
Selon le psychiatre Jacques-Antoine Malarewicz, auteur de Repenser le couple, «la crainte toute masculine du vide et de la solitude renvoie à l’angoisse de la rupture avec la mère. En effet, enfant, le garçon s’imagine qu’il est tout pour elle et qu’elle ne saurait vivre sans lui. Il ne prend conscience de son erreur que dans la période œdipienne où il réalise que le véritable objet du désir de sa mère n’est pas lui, mais son père. Cette révélation l’angoisse, mais simultanément le soulage. Quand cette prise de conscience n’a pas lieu – père trop peu présent, mère investissant réellement trop son fils –, le garçon continue imaginairement à croire qu’il est son partenaire. La quitter serait la tuer. D’où, plus tard, la difficulté à la fois à se lier à une femme et à s’en séparer. Oscillant constamment entre désir de partir et culpabilité, l’homme n’agit pas, tandis que la femme prend des décisions. Les hommes expriment rarement leur désir de rupture avec des mots. Ils développent plutôt un comportement agressif ou provocateur, assez immature. Souvent, le fait que leur couple ne marche pas constitue une faute qu’ils essaient de rejeter sur l’autre. Ensuite, plus les années passent, plus partir demande du courage. Car la séparation entraîne un cataclysme qui ébranle tous nos repères: c’est une énorme partie de soi qu’on abandonne, tout ce en quoi on avait cru, mais aussi des habitudes, un entourage, un univers apprivoisé et sécurisant qu’il faudra échanger contre un inconnu incertain».
 

Des réactions révélatrices
Comment savoir que l’homme désire mettre fin à une relation? Plusieurs façons seraient révélatrices. En voici les quatre les plus courantes qui le montrent.
n Il disparaît sans prévenir: pas de discussions difficiles et gênantes. Monsieur n’a même pas à réfléchir et trouver une bonne raison ou un faux prétexte. Il disparaît. Vous n’entendrez plus jamais parler de lui quitte à ce qu’il change ses coordonnés et se refasse une nouvelle identité. Cette méthode est surtout utilisée avec des femmes de passage, celles dont on est sûr de ne pas recroiser le chemin.
n Il reste pour la forme: il se retire de la relation mentalement, sexuellement et émotionnellement parce qu’il n’a pas le courage de claquer la porte et de partir. Il laisse le couple agoniser. Il s’implique de moins en moins. S’adonne plus à son travail et à des activités individuelles. Il peut même aller jusqu’à renoncer à toute vie sexuelle ailleurs, ne pas être quitté par sa compagne officielle étant sa priorité.
n  Il triche et trompe: non seulement il est lâche pour rompre, mais il devient infidèle tout en vous gardant dans sa vie. Il n’hésitera pas à vous jurer amour et fidélité en vous regardant droit dans les yeux. Il mène double vie, voire plusieurs vies, sans remords ni mauvaise conscience. L’important est de ne pas bousculer son traditionnel mode de vie. S’amuser, flirter oui. Mettre sa vie de couple en danger non.
n Il joue au salaud: au fond de lui, il souhaite que ce soit madame qui rompe. Si elle ne le fait pas, la relation peut perdurer éternellement. Il est provocateur, agressif, froid. Il n’hésite pas à en faire voir – à sa compagne – de toutes les couleurs, n’hésitant pas non plus à draguer devant celle qui partage sa vie. Il laisse pourrir la situation espérant que madame aura le courage de le quitter, chose que, lui, ne fera jamais. 

Danièle Gergès
 

Des agences qui rompent pour vous
C’est en Allemagne qu’a vu le jour l’agence Rupture, fondée par Bernd Dressler. Sa mission: rompre à votre place. En contrepartie, il suffit de payer l’agence pour le service effectué. Dressler explique que cela se passe en toute simplicité. Il se présente à la porte du conjoint ou du partenaire de son client et lui explique en à peine deux minutes que son client ne désire plus poursuivre la relation et souhaite mettre un terme à leur histoire. C’est simple, rapide, concis et ce Bernd Dressler se dit être seulement le messager. Il n’a à justifier ni à consoler. Son travail est de transmettre le message. Pour répondre aux besoins de ses clients, le patron de l’agence a créé plusieurs forfaits différents, car bien que tous veulent rompre, le message à faire passer n’est pas toujours le même. Par exemple, il existe un forfait pour les gens qui veulent rompre, mais qui désirent rester amis. Le concept a eu un tel succès qu’il existe désormais dans plusieurs pays en Occident.

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