Magazine Le Mensuel

Nº 3060 du vendredi 1er juillet 2016

ACTUALITIÉS

Costa Brava et Bourj Hammoud. La crise couve sous les déchets

Les scientifiques considèrent que la décision adoptée par le gouvernement pour résoudre la crise des déchets est inapplicable. De leur côté, les habitants qui vivent à proximité des décharges ont recours à la justice et menacent d’aller plus loin s’ils ne sont pas entendus.

Quelques mois à peine après l’adoption du plan gouvernemental pour sortir le pays de la crise des déchets en mars dernier, les habitants de Choueifat, où a été décidé l’aménagement de la décharge côtière de Costa Brava, menacent déjà de recourir à la rue après plusieurs infractions constatées depuis l’ouverture du site.
«Outre les odeurs insupportables qui empestent la région, aucune règle n’est respectée dans l’enfouissement des déchets, souligne Imad Kadi, avocat, militant et membre de la cellule environnementale créée par la société civile de Choueifat. Chaque jour, plusieurs camions viennent déverser dans la mer le lixiviat, liquide émanant des déchets polluant toute la côte libanaise, mais aussi les pays qui partagent la Méditerranée. La décision de cette décharge est contraire à la convention de Barcelone», dénonce le militant.
Deux plaintes ont ainsi été déposées. La première par la municipalité de Choueifat contre l’Etat libanais. La municipalité clame ne jamais avoir donné son accord pour la construction de la décharge de Costa Brava. La seconde plainte a été déposée par la société civile auprès du Tribunal de Beyrouth.
«La décharge a causé un préjudice matériel, moral, environnemental et sanitaire à la région et ses habitants, ajoute le militant. Si nous ne sommes pas entendus, nous mobiliserons les médias et, s’il le faut, nous descendrons dans la rue et bloquerons les routes».
 

Saturation du site
Outre la manière sommaire dont les déchets sont entreposés à Costa Brava, les experts soulignent que la décharge n’a pas la capacité de les accueillir pendant quatre ans. «Il n’y a aucun doute sur ce point, relève Ziad Abi Chaker, président de Cedar Environmental. Je donne à peine quelques mois à la décharge pour arriver à saturation. D’ici le mois d’octobre, le même problème que l’an passé se posera».
Rappelons que le plan du gouvernement prévoit la mise en place d’une période temporaire de quatre ans durant laquelle les déchets doivent être transférés vers les deux décharges côtières que sont Bourj Hammoud et Costa Brava.
«Le cahier des charges n’est pas respecté. Les ordures sont emballées sans être triées et jetées dans la mer. L’appel d’offres n’est toujours pas approuvé par le Conseil des ministres et le brise-lame censé protéger le littoral n’est toujours pas construit, alors que les ordures sont déjà là!», s’indigne Ziad Abi Chaker.
Ce qui inquiète davantage le militant Raja Noujaim c’est la montagne de déchets de Bourj Hammoud, qui date de la guerre civile, et dont le plan gouvernemental prévoit la dépollution pour pouvoir utiliser le site.
Le coordinateur de la Campagne contre le plan gouvernemental dénonce le manque de professionnalisme avec lequel a été lancé l’appel d’offres pour sélectionner l’entreprise chargée d’effectuer cette mission des plus délicates.
«La montagne de déchets de Bourj Hammoud est une bombe à retardement, insiste le militant. Il ne s’agit pas de n’importe quels détritus qui sont stockés là-bas, mais de déchets datant de la guerre. Personne ne sait ce qui s’y trouve vraiment: si les déchets sont radioactifs, toxiques ou pire encore. Cela nécessite des professionnels et pas n’importe quelle entreprise de gestion de déchets classiques».
Selon le militant, le regroupement des appels d’offres pour la dépollution du dépotoir, la construction de la décharge et celle du brise-lame en mer risquent bien de menacer gravement la sécurité de la région.
Le projet de Bourj Hammoud prévoit, dans un premier temps, de traiter la fameuse montagne d’ordures qui s’étend sur trois des cinq cellules que compte le site de Bourj Hammoud, puis de réaménager les 145 000 mètres carrés que constituent les cinq cellules de Bourj Hammoud en décharge sanitaire.

 

Soraya Hamdan

Question sur un appel d’offres
Après l’appel d’offres pour la construction de la décharge sanitaire de Costa Brava, remporté il y a quelques semaines par la compagnie de Jihad el-Arab, le Conseil du développement et de la reconstruction (CDR) est revenu sur cette décision, affirmant qu’il ne s’agissait que d’un «simple accord de principe». Ce revirement de situation s’est produit après que le CDR ait clôturé l’appel d’offres pour la décharge de Bourj Hammoud. L’entreprise retenue est celle de Dany Khoury dont les tarifs sont les plus compétitifs, selon une source proche du dossier. Le CDR aurait choisi d’annuler son «accord de principe» avec la société de Jihad el-Arab, car ses tarifs seraient trop élevés par rapport à ceux proposés par Dany Khoury à Bourj Hammoud. Affaire à suivre.

Photo: The Daily star

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